L’état actuel de la lutte
de classe en Bretagne nous apporte en même temps que son lot de
contradictions, des éléments importants pour savoir comment se
positionner et surtout comment agir en tant que militants communistes.
L’appel
à la manifestation de Quimper a semé le flou chez beaucoup d’entre nous
par son interclassisme et la division qu’elle a amené chez les
syndicats. Ces événements nous forcent à bien analyser les
contradictions au sein du peuple et les contradictions entre nous et nos
ennemis comme deux choses bien distinctes. Il est manifeste que des
organisations patronales telles que L’Institut de Locarn, Produit en
Bretagne, la FDSEA et des élus bourgeois de Bretagne sont à la manœuvre.
Il est également inquiétant de voir comment nos ennemi-e-s de classe
utilisent avec efficacité le mouvement de masse pour défendre leurs
intérêts. Mais il nous faut éviter les analyses et les conclusions
simplistes et nous mettre à l’épreuve des faits.
L'anarchie de la production est responsable de la situation bretonne
La Bretagne connaît une
grave crise qui s’inscrit dans la crise du capitalisme qui ronge l’état
français, et ce d'autant plus de part les spécificités que les
inégalités de développement ont inscrit dans le tissu économique de
Bretagne. L'économie bretonne est dominée par l’agriculture et l’élevage
autour desquels se développe une mono-industrie dont les breton-ne-s
subissent les conséquences en terme de pollution. Il n’est pas étonnant,
dans ce contexte, de voir se dessiner un semblant d’intérêts immédiats
communs entre différentes classes aux intérêts contradictoires dans leur
essence, antagoniques pour d’autres. Ouvriers et ouvrières de
l’agro-alimentaire, paysan-ne-s, éleveurs, transporteurs etc. étant tous
liés par un même secteur d’activité .
Cet
interclassisme est aussi la marque de l’anarchie de la production
capitaliste qui entraîne une destruction toujours plus grande de forces
productives. L'anarchie de la production plonge de larges masses de la
population vers un avenir incertain, parmi lesquels des éléments petits
bourgeois ; petits producteurs, commerçants qui ont tous et toutes à
craindre dans leur activité économique, l’impact des destructions
d’emplois du secteur industriel. L’écotaxe que les patrons ont su mettre
au premier plan de la mobilisation grâce à leur capitaux et à l’appui
des médias n’est certainement pas le cœur de la lutte des nombreux
bretons et bretonnes qui se sont rassemblés à Quimper ce jour là.
Réduire l’acharnement et le sabotage par les masses des portiques écotaxe à une question d’ « esclaves se battant pour les intérêts de leurs maitres »
(dixit Mélenchon) serait une grave erreur. Évidemment, les masses ne se
battent pas pour les beaux yeux de leurs patron-ne-s. Mais la réalité
d’une société ou règne la propriété privée des moyens de production est
que ceux-ci tiennent leur vie entre leurs mains. Car les travailleurs et
travailleuses qui craignent pour leur emplois, inquiet-e-s pour les
lendemains, savent comment les patron-ne-s répondent à la taxe, comment
ils répondent à la baisse de leur taux de profit ; en taillant dans les
effectifs. C’est par ce même procédé du chantage à l’emploi de la peur
de manquer que les patron-ne-s des enseignes commerciales de Castorama
et autres, ont poussé leurs salarié-e-s à porter la pathétique campagne
du « Yes Week-end » et à les dresser contre les syndicats. Les
travailleurs et travailleuses se battent pour leurs intérêts immédiats,
mais aussi pour leur avenir, pour « vivre et travailler en Bretagne »
comme ils le revendiquent eux-mêmes. Si nous voulons accomplir ce
pourquoi nous luttons, si nous avons la ferme intention de servir le
peuple ; alors ce qu’il faut traiter ici, c’est la question du système
capitaliste dans son ensemble, ses contradictions comme autant de
sources de souffrances pour le peuple.
Pour l’instant, le
gouvernement bourgeois va renvoyer les exploité-e-s à ses éventuels
« plans » et promesses pour calmer tout le monde en espérant que
l’étincelle ne mette pas le feu à toute la plaine. Mais rien ne va
changer pour les masses sous le régime capitaliste. Éduquer les masses à
comprendre cette réalité est une de nos taches.
Lorsque les « expert-e-s »
bourgeois-e-s des médias nous expliquent que le poulet français n’est
pas assez compétitif par rapport au poulet brésilien, que les
entreprises industrielles n’ont pas fait les investissements nécessaires
pour résister à la concurrence allemande, ce sont bien là pour nous des
problèmes de bourgeois-e-s ! Aucune subvention aux agriculteurs de la
part de l’U.E, aucune aide de l’Etat aux entreprises ne supprimeront la
concurrence mondiale. Croire à ces belles promesses serait aussi absurde
que de penser que les gouvernants puissent faire disparaître le Brésil
ou l’Allemagne de la planète ! C’est donc les fondements de ce système
destructeur de nos vies qu’il faut pointer du doigt : l’anarchie de la
production, la concurrence, la propriété privée des moyens de
productions et d’échanges, ainsi que les conséquences qu’ils ont sur nos
vies.
Porter, dans le chaos, une position prolétarienne
La CGT a avancé la défense
de l’indépendance des travailleurs pour refuser de participer à la
manifestation de Kemper. Or, la CGT n’est pas non plus indépendante d’un
point de vue de classe. En effet, le fait d’être organisé-e-s entre
travailleurs et travailleuses ne suffit pas à garantir l’indépendance de
classe. L’indépendance de classe, c’est une question idéologique, c’est
prendre le point de vue des intérêts du prolétariat et rompre avec
celui de la bourgeoisie. Or, des mots d’ordre de « défense de l’emploi
industriel », de « réindustrialisation », sans parler du « pour le
progrès social », des meetings communs avec des patrons pour « trouver
des solutions à la crise », des commissions tripartites état, patrons et
syndicalistes dans des bassins industriels en voie d’être sinistrés
(Lacq), ce ne sont pas des manifestations d’indépendance de classe.
A Quimper comme à Carhaix,
il n'était pas d'un camp autonome du prolétariat. En effet,
l'indépendance de classe ne se résout que par la construction d'une
organisation politique défendant fermement une position de classe. Sans
lui, les syndicats sont laissés sous la domination idéologique de la
bourgeoisie, de même que les masses prolétariennes, forcées par la
dureté de la vie de répondre à leurs intérêts immédiats, ne peuvent être
amenées à la conscience de leurs intérêts véritables. Seul le parti du
prolétariat, un parti communiste révolutionnaire qui se bat pour le
renversement de l’état bourgeois et pour la socialisation des moyens de
productions peut emmener les masses à ce niveau de conscience. Cela dit,
les masses prolétariennes révoltées défendent cent fois mieux leur
indépendance en refusant le parcours de manifestation prévu et
lorsqu’elles s’en prennent aux bâtiments gouvernementaux que lors des
manifs économistes plan-plan dans lesquels la CGT et autres les
enferment.
Pour nous, les
militant-e-s progressistes, syndicaux, communistes qui ont été
présent-e-s à Kemper ont eu raison d'être à cette manif. Personne
n’ignorait que les paysan-ne-s et les prolétaires viendraient en
découdre. Et là ou les masses s’insurgent, les communistes doivent
répondre présent-e-s.
Si la CGT pointe du doigt,
outre la présence d’organisations patronales, celle de groupes
d’extrême droite, n'avait elle pas la capacité à faire reculer les
fascistes ? L’importance du Parti se fait d’autant plus sentir que les
bourgeois-e-s polluent les consciences des masses à l’aide de tous leurs
partis pourris. Nous mêmes ne pourrions abandonner les masses, rester
là à contempler une lutte. Nous ne pouvons pas laisser les fachos tenter
de se frayer un chemin dans les luttes de masses. Mieux vaut lancer les
révolutionnaires dans le chaos de la lutte que les laisser végéter dans
l’impuissance, à l’écart des masses par souci de préserver
l’« indépendance » des travailleurs. Il n'existe pas de mouvement
prolétarien pur, et c'est à nous de savoir construire l'unité autour du
prolétariat.
Participer activement aux
luttes des masses, isoler et dénoncer les élus bourgeois et les patrons,
chasser les groupes d’extrême-droite et encourager la violence
révolutionnaire du prolétariat, des petit-e-s paysan-ne-s et éleveurs,
expliquer les véritables causes des souffrances du peuple , les éclairer
sur la nature de classe de ce Gouvernement et dégager des perspectives
de lutte, voilà ce qu'un Parti permettrait.
Notre rôle est de faire
émerger, au milieu de ce mouvement, la position du prolétariat. Cette
position est que les patron-ne-s n'ont pas attendu l’écotaxe pour
licencier, qu'il faut refuser de marcher derrière celles et ceux qui
vous licencieront plus tard, mais au contraire lutter et s'organiser
pour défendre ses intérêts de travailleurs et travailleuses, en toute
indépendance de classe. S'organiser en tant que prolétaire, c'est ne
plus avoir sa vie entre les mains du patron, c'est se doter des moyens
de résister et de vaincre.
La position du prolétariat
est la seule conséquente, car le prolétariat est la classe qui a
totalement intérêt à la destruction du système capitaliste, et qui, au
cœur de la production est celle qui est le plus à même de développer le
rapport de force avec la bourgeoisie. Le prolétariat est donc à même
d'entraîner les autres classes derrière lui. L'interclassisme de ce
mouvement, c'est le reflet de la faiblesse politique du prolétariat,
c'est le reflet de nos faiblesses.
Un frémissement dans la classe ouvrière
Nous
nous moquons des manifestations policées, « dans le calme », et qui
faisaient dire à Sarkozy : « Aujourd’hui quand il y a une manifestation
en France, personne ne s’en aperçoit. ». La déclaration commune signée
CGT, Solidaires et FSU explique que « les actions violentes
surmédiatisées ne relèvent pas d’un mouvement social des salariés ».
Toujours ce rejet de la violence légitime des exploité-e-s, omniprésent
chez « partenaires sociaux » de l'Etat bourgeois . Les prolétaires sont
révolté-e-s et personne pour transformer leur combativité spontanée en
organisation révolutionnaire. Nous soutenons les appels à créer « les
syndicats et les organisations de la société civile à créer des comités
locaux de lutte et de défense des salariés menacés de licenciements
partout en Bretagne. »
Les unions locales CGT,
Sud, combatives, comme par exemple celles du Nord Pas de Calais doivent
se sentir confortées dans leur volonté de combattre par ce qui se passe
en Bretagne. Là bas aussi le terrain est fertile pour la lutte et
l’alliance entre ouvrier-e-s et paysan-ne-s ne doit pas être prise à la
légère. La situation d’éternel-le-s endetté-e-s des agriculteurs et
agricultrices, les contradictions qui les opposent aux patrons de la
grande distribution et leur capacité de mobilisation font d’eux de
précieux alliés du prolétariat. Tout-e-s les paysan-ne-s ne sont pas
dans la même situation économique. Alors que les paysan-ne-s riches
reçoivent moult subventions, les plus pauvres s'endettent de jours en
jours.
Les ouvriers et ouvrières
de Tilly-Sabco en défonçant le portique de la sous préfecture de
Morlaix, ceux et celles de l’imprimerie VG Goossens à Marcq-en-Baroeul
en piégeant leur usine avec des bombonnes de gaz, témoignent d’une
radicalité qu’il serait regrettable de ne pas montrer en exemple (une
« indépendance »d’action dont devrait s’inspirer la direction de la
CGT).
Nous autres, maoïstes
révolutionnaires devons apprendre dans la lutte et ne pas avoir peur du
chaos. Nous devons renforcer notre travail dans les syndicats et dans
les luttes populaires, parvenir à l’unification des révolutionnaires
dans le Parti dont la classe ouvrière à besoin. Nous devons porter
partout où sont les masses la position du prolétariat. Ce n’est qu’ainsi
qu’il sera possible d’influencer les masses prolétariennes aux idées
communistes, de les guider à « monter à l’assaut du ciel ! »
Que vive la lutte du peuple breton ! Que sa révolte s’étende partout dans l’état français et ses colonies !
PCMF / OCFR
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