Friday, April 4, 2014
Religion et Révolution : texte maoïste arabe
En juillet 2012, le site Arab Maoists publiait un très intéressant texte en 20 points, reprenant d’ailleurs certaines réflexions que nous avions pu émettre sur les réseaux sociaux. Communistes révolutionnaires plutôt basés au Machrek (Liban, Syrie, camps palestiniens), aux portes immédiates des grandes secousses agitant la région (notamment le conflit syrien), ils faisaient alors l’objet de fourbes attaques de la part de la clique internationale autour des illuminés de la Voie Lactée (‘p’‘c’‘mlm’), les accusant d’être une mystification visant à nuire à leurs propres ‘maoïstes arabes’, groupe mystérieux (sans site ni rien) sur lequel couraient pour le coup de nombreuses rumeurs de pratique barbouzarde…
Presque deux ans se sont écoulés, et il semble pourtant valoir la peine de republier certains points de ce texte, abordant notamment la (très vaste) question du rapport entre religion et lutte des classes (ou de libération). Pourquoi cela ? Parce que nous sommes désormais dans une situation que l’on peut résumer en deux phrases :
- Une très importante et menaçante montée du fascisme, de l’extrême-droite et autres idées réactionnaires ‘‘dures’’ (dans les urnes comme dans la rue), appelant une riposte populaire antifasciste sans concession ;
- Une tentative, par certains milieux ‘‘antifascistes’’, de jeter UNE NOUVELLE FOIS cette mobilisation antifasciste dans les bras de la ‘‘gauche’’ républicaine bourgeoise (voire de la bourgeoisie autoproclamée ‘‘républicaine’’ dans son ensemble !), comme l’avait déjà fait le PC de Maurice Thorez. Une bourgeoisie républicaine qui aurait une ‘‘différence fondamentale de nature’’ avec le mouvement fasciste, ceci étant éventuellement basé sur un pseudo-argumentaire ‘‘marxiste’’ (du style bourgeoisie ‘‘traditionnelle’’ non-fasciste vs bourgeoisie ‘‘impérialiste’’ fasciste ; alors que le léninisme nous enseigne depuis près d’un siècle que dans un pays impérialiste la bourgeoisie impérialiste est au pouvoir, point).
Une ‘‘gauche’’ qui, ici en ‘‘France’’, a une particularité fondamentale qu'il faut comprendre : elle ne se contente pas de se ‘‘défendre’’ contre la montée du fascisme ; elle a aussi une CARTE À Y JOUER pour mobiliser en masse, sur une ligne d’‘‘union sacrée républicaine’’, autour de la sacro-sainte ‘‘Républiiiiique’’ des monopoles (dans la vision qu'elle en a, car la droite et désormais l'ultra-majorité de l'extrême-droite sont aussi ‘‘républicaines’’), garante depuis 140 ans (sur les cadavres des Communards) des intérêts capitalistes ; dans le but de :
1°/ soit (peu probable) conjurer la menace fasciste et déboucher sur une République et une idéologie républicaine ‘‘refondée’’ et renforcée sous son égide ;
2°/ soit, si la nécessité fasciste s’impose au Capital hexagonal, y trouver sa place avec des ‘‘arguments’’ (en terme de troupes, d'influence dans la société etc.) pour se ‘‘vendre’’ au prix fort, comme elle l’a déjà fait en 1940 (sachant que cette fois-ci il n’y aura probablement pas d’occupation étrangère donc de problème ‘‘patriotique’’… donc un ‘‘frein’’ de moins !) ou, sans vouloir comparer abstraitement les deux situations, en 1958 ;
3°/ soit enfin, si le fascisme s’impose puis est à son tour vaincu, déboucher non pas sur une situation révolutionnaire mais sur un nouveau ‘‘cycle républicain’’, une nouvelle sacro-sainte République capitaliste-impérialiste, là encore refondée-renforcée… par l’absorption ‘‘antifasciste’’ de ceux et celles qui étaient justement censé-e-s l’abattre ; ce qu'il s'est passé en 1944-46 !
Pour que cela fonctionne, il y a une condition ; et cette condition est de ne pas dénoncer et affronter la tendance au fascisme en général mais seulement certaines de ses expressions en particulier ; ou carrément des choses directement qualifiées de fascistes alors qu’elles sont un stade de conscience de masse pouvant tout autant évoluer vers le fascisme que vers l’antifascisme voire la conscience révolutionnaire, mais qui sont perçues (et à juste titre) comme une menace pour la République bourgeoise.
Parmi ces choses, il y a la religion, les idées politiques mobilisatrices à caractère religieux, auxquelles est opposée la (tout aussi sacro-sainte) ‘‘laïcité républicaine’’. À cela près qu’aujourd’hui, comme tout le monde l’aura constaté, la religion majoritaire et dominante en Hexagone (le catholicisme) est plutôt en recul, largement sécularisée et, à une minorité d’intégristes et de royalistes près, respectueuse des ‘‘valeurs de la République’’ (‘‘cathos de gauche’’, démocrates-chrétiens, cathos conservateurs mais néanmoins républicains comme Christine Boutin etc.). La ‘‘menace’’ religieuse pour la sacro-sainte République viendrait donc, au défi du bon sens mais cela (en Hexagone) n’est pas grave, des religions MINORITAIRES et en particulier de la deuxième religion du pays : l’islam, qui a la particularité 1°/ d’être pratiqué en très grande majorité par des personnes prolétaires ou de classe populaire ; 2°/ d’être issu de pays ayant fait partie de l’Empire colonial bleu-blanc-rouge et restant (souvent) des néocolonies aujourd’hui ; ses fidèles étant en quelque sorte des ‘‘ambassadeurs’’ de ces pays en Hexagone, soumis (dans leurs rapports au Capital et à l’État) au reflet métropolitain des rapports (internationaux) de domination impérialiste BBR sur les nations d’origine ; ‘‘ambassadeurs’’ aussi (rattachés à cela par l'idéologie dominante même contre leur gré) des grandes contradictions et agitations sociales et anti-impérialistes qui secouent le ‘‘monde arabo-musulman’’, ‘‘coupables’’ notamment (même si ce n'était individuellement pas le cas) du ‘‘crime’’ anti-républicain, intolérable à certains yeux, d'avoir la Palestine au cœur ; si bien qu'en définitive, le regain de sentiment religieux musulman est (avant toute chose) ‘‘coupable’’ d'être synonyme d’affirmation politique et sociale de classe populaire et de ‘‘colonisé-e-s intérieur-e-s’’ (doubles opprimé-e-s).
Sur ce point, la ‘‘gauche’’ républicaine et ‘‘laïque’’ va ni plus ni moins que converger totalement avec la droite et une grande partie (la très grande majorité en fait) de l’extrême-droite (désignée comme telle par le camp ‘‘républicain’’, mais se proclamant pour sa part elle aussi ‘‘républicaine’’)…
Il va y avoir un petit problème, mais d’aucuns vont trouver la parade : cette extrême-droite-là ne sera tout simplement pas vraiment fasciste ; seuls seront réellement fascistes les courants assumant une ‘‘alliance’’ avec l’islam sur une base ‘‘tiers-mondiste’’ et ‘‘antisioniste’’, en y ajoutant éventuellement (pour faire bonne mesure) quelques courants national-catholiques intégristes et autres ultras assumant de manière primaire leur racisme, leur sexisme et leur homophobie. Cela ne fera pas grand-monde et entrera en contradiction (sauf à admettre que tous les électeurs FN partagent en réalité ces idées-là) avec l’idée d’une montée ‘‘colossale’’ du fascisme qui justifierait une alliance avec la bourgeoisie ‘‘républicaine’’ ; mais la parade pourra être trouvée en Dieudonné, porteur de ces idées-là et connaissant (sur son capital d’ancienne ‘‘idole des quartiers’’) un certain succès, avec plusieurs centaines de milliers de ‘likes’ sur ses vidéos etc. Ces ‘likes’ internétiques (sans la moindre organisation de type politique et paramilitaire derrière, mais ce n’est pas grave !) deviendront la ‘‘peste brune’’ en marche, justifiant de faire front avec le Ministère de l’Intérieur de Manuel Valls.
D’autres (plutôt à droite, mais parfois voire souvent issus de la gauche jacobine et laïcarde) se prendront encore moins la tête : la nouvelle menace fasciste, associée en plus (c’est commode) avec l’idée d’occupation étrangère (vu que le fascisme, c’est bien connu, ne peut pas être made in France contrairement à la marinière d’Arnaud Montebourg), c’est l’islam, point ; et d’entonner aussitôt le Chant des Partisans… Tout cela nage en plein délire, mais on l’a déjà dit : ce n’est pas grave ! La mobilisation réactionnaire de masse, fasciste comme ‘‘républicaine’’, fait justement appel à l’irrationnel, habilement transformé en certitude absolue d’avoir raison ; et non au raisonnement, à l’étude des faits, à la confrontation des points de vue, à la réflexion et à l’analyse.
La ‘‘France’’, dont nous avons longuement étudié (1-2-3-4) la formation comme appareil politique et idéologique de classe, est un ensemble social traversé de nombreuses contradictions (pas seulement de classe) ; d’où sa propension à la ‘‘division’’ tant déplorée à longueur de livres d’histoire officiels. L’une de ces contradictions, dès les Guerres de Religion voire dès la naissance du royaume capétien, a été la place de l’Église dans l’appareil d’État et dans la société – reflet, en fait, de très nombreuses autres contradictions, de classe ou tenant à la multinationalité réelle du pays. La 3e République, faisant entrer de plain-pied l’Hexagone dans l’ère des monopoles et de l’impérialisme, a alors décidé d’enterrer cette contradiction sous le concept de ‘‘laïcité’’, mélange de culte de la Raison comme sous la 1ère République conventionnelle et de catholicisme gallican ‘‘déconnecté’’ de la transcendance divine. Cette conception a été (parfois violemment) clivante à l’époque, entre ses partisans et les tenants de ‘‘l’héritage chrétien’’ catholique du pays ‘‘de Clovis et de Jeanne d’Arc’’ ; mais pas assez toutefois pour que le régime de Vichy mette en place une politique de re-catholicisation féroce : déjà confronté à une légitimité problématique (pour rester poli), il ne pouvait déjà plus (au début des années 1940) se permettre de cliver à son tour sur cette question, en s’attaquant frontalement à la partie républicaine, rationaliste et sécularisée du pays. Depuis les années 1960, on peut dire que le concept fait largement consensus et que si certains veulent défendre les ‘‘valeurs catholiques’’ dans le champ politique bourgeois, plus personne ne prône un système où la doctrine chrétienne aurait valeur de loi supérieure.
Si bien qu’aujourd’hui, et depuis plusieurs dizaines d’années en réalité, la droite et l’extrême-droite mobilisent elles aussi sur le thème de la ‘‘laïcité républicaine’’… mais bien sûr, pas contre n’importe qui : contre le sentiment religieux musulman d’une grande partie des classes populaires. Et, hormis (parfois) de dire que l’islam ‘‘à condition de rester dans la sphère privée’’ n’est ‘‘pas un problème dans sa grande majorité’’ et que ‘‘les fanatiques sont une petite minorité’’, la ‘‘gauche’’ n’a évidemment rien à répondre à cela, quand elle n’y converge pas carrément et allègrement (André Gerin et compagnie). Elle est tout simplement totalement coincée face à un concept dont elle partage, avec quelques forces aujourd’hui de centre-droit, la paternité et qui fait partie de son identité politique ; concept qui se voulait ‘‘progressiste’’ à l’époque (il avait en réalité, bien entendu, ses ambivalences bourgeoises mais nous ne disserterons pas là-dessus cette fois), mais qui sert aujourd’hui ouvertement une mobilisation réactionnaire de masse et la met dans l’embarras. Cela ne l’empêche cependant pas (on revient encore une fois à la question de la rationalité, désormais totalement étrangère à la bourgeoisie ‘‘rationaliste’’) de chercher encore et toujours à mobiliser là-dessus, dans les 3 objectifs ci-dessus visés, aidée en cela par une partie conséquente de l’‘‘extrême-gauche’’.
Le topo est donc celui-là : d’un côté la question religieuse et ‘‘laïque’’ focalisée sur l’islam va mobiliser pour le fascisme et la ‘‘droite radicale’’ (entre lesquels, contrairement à d’autres, nous ne faisons pas de différence : en un sens la ‘‘droite radical’’ est le parti politique et le fascisme la forme de gouvernement qu’il met en place), avec en prime un cache-sexe ‘‘moderne’’ et même ‘‘progressiste’’ bien commode ; tandis que de l’autre et en même temps, le rejet de ‘‘la religion’’ sans plus de précision (mais la pratique religieuse massive et ‘‘visible’’, encore une fois c’est l’islam) va mobiliser ‘‘républicainement’’ (‘‘à la Fourest’’) pour la ‘‘gauche’’ bourgeoise qui cherche à tirer son épingle du jeu et à utiliser l’antifascisme pour renforcer la République des monopoles, à grand renfort de ‘‘communistes’’, de ‘‘trotskystes’’, d’‘‘anarchistes’’ et même de ‘‘maoïstes’’ en perdition...
Toutes ces questions méritent donc une réflexion approfondie, dans le but d’y trouver des réponses communistes mais déjà, à beaucoup plus court terme, de briser le halo de fantasmes et d’approches irrationnelles qui les entourent, ce qui revient à briser la mobilisation réactionnaire de masse, en mode ‘‘républicain’’ comme en mode ‘‘dieudo-soralien’’ se voulant ‘‘islamophile’’ (l’une comme l’autre copieusement abreuvées par des personnes se voulant ‘‘révolutionnaires’’).
Ce texte est une contribution à cette réflexion ; contribution à laquelle nous avons nous-mêmes contribué puisque deux points reprennent des échanges que nous avons eu à l’époque avec ces camarades.
5- Nous sommes des Révolutionnaires Arabes enracinés sur notre terre et parmi nos masses, groupés sous la bannière du maoïsme comme arme théorique et guide pratique dans la lutte. Nous sommes contre tout dogmatisme. Nous ne suivons pas des personnes : ni même Marx-Engels-Lénine-Staline-Mao… car ces GRANDS révolutionnaires et théoriciens ne sont pas pour nous des Totems ou des Dieux infaillibles. Nous avons dépassé ce stade enfantin et nous croyons que les peuples du monde arabe (et les autres peuples) ont quelque chose à dire et à ajouter pour enrichir le Maoïsme comme pour fructifier la réflexion sur la révolution mondiale au XXIème siècle. Nous appelons nos camarades maoïstes à bien réfléchir sur ces paroles de Mao :
« Il a existé dans notre Parti des camarades, tenants du dogmatisme, qui pendant longtemps ont rejeté l’expérience de la révolution chinoise, nié cette vérité que “ le marxisme n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action”, et n’ont fait qu’effrayer les gens à l’aide de mots et de phrases isolés, extraits au petit bonheur des textes marxistes.
Il a existé également d’autres camarades, tenants de l’empirisme, qui pendant longtemps se sont cramponnés à leur expérience personnelle, limitée, sans comprendre l’importance de la théorie pour la pratique révolutionnaire ni voir la situation de la révolution dans son ensemble. Ils ont eu beau travailler avec zèle, leur travail se faisait à l’aveuglette.
Les conceptions erronées de ces deux groupes de camarades, en particulier les conceptions dogmatiques, ont causé, au cours des années 1931-1934, un préjudice énorme à la révolution chinoise. » (Mao : De la pratique).
7- Nous suivons des idées et des idéaux et non pas des slogans et des pancartes. Nous cherchons la vérité et la justice et non pas plaire ou être « politiquement correct ». Nous exposons toutes les thèses et idées au jugement de la pratique et de l’histoire, au niveau international comme au niveau arabe et local. Pour cette raison nous avons réussi à étudier les résultats des luttes de nos peuples au miroir des réalités concrètes et de l’histoire réelle, et non pas (comme le font tous les Voies Lactées du monde) au miroir du soi narcissique qui se croit le Dieu suprême… Nous avons étudié et appréhendé les transformations qui ont eu lieu depuis l’effondrement du mouvement maoïste international (en Occident) en 1975-1976 et jusqu’à nos jours, et ceci à la lumière de ces paroles de Mao : « Nous luttons dans nos rangs révolutionnaires contre les entêtés dont les idées ne suivent pas le rythme des modifications de la situation objective, ce qui, dans l’histoire, s’est manifesté sous la forme de l’opportunisme de droite. Ces gens ne voient pas que la lutte des contraires a déjà fait avancer le processus objectif alors que leur connaissance en reste encore au degré précédent.»
Cette particularité est propre aux idées de tous les entêtés. Leurs idées sont coupées de la pratique sociale, et ils ne savent pas marcher devant le char de la société pour le guider, ils ne font que se traîner derrière, se plaignant qu’il aille trop vite et essayant de le ramener en arrière ou de le faire rouler en sens inverse.
Nous sommes également contre les phraseurs “de gauche”.
Leurs idées s’aventurent au-delà d’une étape de développement déterminée du processus objectif : les uns prennent leurs fantaisies pour des réalités, d’autres essaient de réaliser de force, dans le présent, des idéaux qui ne sont réalisables que dans l’avenir ; leurs idées, coupées de la pratique actuelle de la majorité des gens, coupées de la réalité actuelle, se traduisent dans l’action par l’aventurisme.
L’idéalisme et le matérialisme mécaniste, l’opportunisme et l’aventurisme se caractérisent par la rupture entre le subjectif et l’objectif, par la séparation de la connaissance et de la pratique. ». (Mao : De la pratique).
8- Nous étions et nous sommes indépendants de tout régime arabe et surtout des régimes criminels de Saddam Hussein en Iraq, Mouammar Qadhdhâfî en Lybie, et de la famille Asad en Syrie. Ces régimes n’ont pas seulement massacré leur peuple et liquidé tous les mouvements révolutionnaires, mais ils étaient aussi les vrais laquais de l’impérialisme et du sionisme qui continuent à soutenir le dernier dictateur Asad. Nous connaissons leurs crimes et nous avons combattus leurs politiques. Pour cela nous ne sommes pas dupes d’un soi-disant anti-impérialisme nationaliste vulgaire et réactionnaire car antipopulaire et anti-démocratique et à la solde du nouveau impérialisme tsariste russe. Plusieurs mouvements arabes de gauche ont utilisé la politique de s’acquérir le soutien d’un régime contre un autre : la Syrie contre l’Iraq et vice-versa, la Lybie contre la Tunisie et le Maroc, la Syrie contre l’OLP, l’Algérie contre le Maroc…etc.… Nous avons refusé et refusons cette politique qui a transformé ces mouvements en agents aux mains des régimes arabes dans leurs luttes intestines…La dépendance totale de ces mouvements (et parmi eux des soi-disant maoïstes) les a coupé des masses et de la réalité de la révolution qui gronde dans leur pays. Nous croyons que le printemps arabe est l’action des peuples et non pas des américains ou autres. Nous sommes aux côtés de nos peuples et nous n’entendons que la voix de nos peuples et ne répondons qu’à l’appel de la révolution.
9- Le MLM est pour nous une recherche constante et permanente pour trouver les idées justes et les bonnes pratiques qui nous permettent de bien servir le peuple. Si nous adhérons à la ligne des masses c’est parce que nous la pratiquons dans toutes nos luttes. Nous visons à résoudre les contradictions au sein du peuple pour renforcer le front uni contre les adversaires du peuple. Nous pratiquons l’étude et l’enquête quotidienne au sein des masses. Nous adhérons aux théories de Mao concernant la contradiction et la pratique. Nous voulons créer notre propre idéologie de lutte et nos propres utiles de combat qui émanent de l’expérience de nos peuples et de nos masses.
10- Le marxisme et le maoïsme ne furent pas adoptés par simple fascination théorique, mais bien en raison de leur dimension pratique. La recherche d’une voie endogène de libération nationale, de nouvelle démocratie, d’un chemin propre, qui ne soit pas un simple copié-collé d’un marxisme occidental considéré comme non-effectif dans les sociétés du tiers-monde, a encouragé dans les années 1960–1970 l’inspiration du modèle chinois de libération nationale, puis le modèle maoïste de révolution culturelle. L’inspiration maoïste s’est retrouvée partout dans le monde arabe, en Europe, en Amérique latine, et jusqu’aux États-Unis, dans le mouvement des Blacks Panthers afro-américains qui brandissaient le Petit Livre Rouge de Mao. Le passage du modèle de marxisme occidental au maoïsme n’est, dans ce cadre, pas une anomalie sauvage, bien au contraire : le modèle de la Révolution culturelle, pour nombres de militants arabes, s’inscrit dans une totale continuité stratégique, celle d’élaborer une voie effective, endogène, ancrée dans un terreau social, culturel propre. De même que le marxisme asiatique (chinois, coréen, indien, népalais…etc..) a inventé une nouvelle manière de pratiquer le politique et la libération nationale, la Révolution arabe doit tracer pour ses militants de nouvelles routes et de nouvelles inspirations, mieux adaptées, selon eux, aux conditions internes du monde arabo-musulman.
11- Le primat du politique (selon Mao), nous a amené à penser la singulière fonction mobilisatrice des religions dans l’histoire des luttes de libération nationale : l’islam n’en est qu’un exemple. L’IRA irlandaise, même socialisante, puisa une partie de son inspiration dans le catholicisme, l’identification religieuse devant aussi assurer la cohérence et la mobilisation d’une communauté irlandaise s’affrontant frontalement à un adversaire qui n’était pas seulement britannique, mais aussi protestant, le mouvement orangiste en Ulster ne manquant pas d’avancer aussi, pour sa part, une identité politico-religieuse anglicane. L’islam n’est donc pas une religion politique per se : elle l’est dans le cadre de conjonctures politiques précises, ou elle sert de ressource politique mobilisatrice, principale ou secondaire, selon la dominante idéologique de l’époque, et de forme d’identification et de solidarité centrale dans le cadre d’un affrontement que les acteurs politiques définissent aussi comme une guerre nord/sud, centre/périphérie.
12- Nous sommes fiers d’avoir étudié l’Islam car c’est la culture de notre peuple, et d’avoir pratiqué une autocritique visant à s’approprier de la ligne de nos masses arabes musulmanes. Nous sommes fiers d’avoir combattu pour et avec les Musulmans, comme pour et avec tous les peuples opprimés du monde. Nous sommes fiers d’avoir une vision critique des aspects d’un Marxisme euro-centriste et d’un Léninisme ultra-partisan et d’un Stalinisme ultra-étatique et d’un Maoïsme ultragauchiste. Dans cette recherche critique nous n’avons aucun inconvénient à puiser dans les articles et livres et expériences des non-marxistes-léninistes, ou des non-maoïstes. Nous sommes contre tout dogmatisme et toute adoration des textes et toute divinisation des personnes.
« L’histoire de la connaissance humaine nous apprend que de nombreuses théories étaient d’une vérité incomplète, et que c’est leur vérification dans la pratique qui a permis de la compléter. Nombre de théories étaient erronées, et c’est leur vérification dans la pratique qui a permis d’en corriger les erreurs. C’est pourquoi la pratique est le critère de la vérité ». (Mao : De la pratique).
13- L’islam politique est bien plus pluriel dans ses origines qu’on ne le croit. Il tire son histoire, aussi, des expériences politiques qui l’ont précédé, et des cadres et militants politiques aux parcours diversifiés qui l’ont rejoint. Il ne vient pas ex nihilo. L’espace politique islamique possède son propre parcours, certes, avec l’expérience des Frères musulmans en Égypte, du Parti ad-Dawa’ en Irak, des cercles religieux islamiques autour de l’Ayatollah Khomeyn. En même temps, il croise d’autres parcours politiques : ceux d’une partie de la gauche qui y bascule, ceux du nationalisme arabe, notamment nassérien, qui dans l’ambiguïté fondatrice qu’il garde entre nationalisme et islam prépare déjà, dans les « segments médians » entre nationalisme et islam, le développement d’un islamisme fort.
14- Ensuite, la question d’une théologie islamique de la libération est une question non réglée: elle n’existe pas et n’a jamais existé à proprement parler, mais la multiplication des tentatives d’esquisses interroge toujours sur sa pertinence. L’expérience « maos » au Sud-Liban fait office, peut-être, d’utopie concrète non réalisée théoriquement, et trop tôt islamisée pour faire office de véritable synthèse entre marxisme maoïste et islam révolutionnaire. En définitive, il n’est pas possible de transposer le modèle sud-américain dethéologie chrétienne de libération (les prêtres marxistes comme Camilo Torres et Manuel Pérez en Colombie, ainsi que les grands penseurs de cette théologie : Gustavo Gutierrez, Leonardo Boff, et Segundo Galilea) sur le Moyen-Orient islamique : cela relèverait d’une imagination rétrospective et fantasmée. Mais en même temps, oublier les expériences concrètes et historiques à l’œuvre reviendrait à éluder une question qui, dans ses tentatives inabouties mais répétées, ne cesse d’interroger le politique et le religieux, la gauche et l’islam, dans leurs rapports contrariés.
15- « On ne parle jamais de “christianisme politique”. Et pourtant, c’est une réalité : des gens qui basent leur démarche politique dans la société sur leur foi chrétienne. Et ces gens-là, de fait, vont d’ultra-réactionnaires fascistes comme un Franco, un Pétain ou un Degrelle (ou leurs admirateurs actuels), à des quasi-marxistes comme un Camilo Torres ou un Manuel Pérez (prêtres catholiques dirigeants de l’ELN colombienne) ; en passant par des démocrates bourgeois “absolus” à la François Bayrou, des éléments à la fois plus “sociaux” et plus “conservateurs” (sur les “questions de société”) comme Christine Boutin, des réformistes sociaux “cathos de gauche” comme l’actuel Premier ministre Jean-Marc Ayrault, des “humanistes radicaux” comme Mgr Romero qui dénonçait les escadrons fascistes du Salvador (et finit assassiné) ou le père Aristide dans les années 80 en Haïti : autant dire que l’éventail est large !
Il y a un “judaïsme politique” : des gens qui fondent leur démarche politique sur leur confession juive ou leur “judéité” [appartenance au “peuple juif” même sans croyance religieuse au Dieu d’Abraham, à la Torah etc.]. Cela est historiquement allé, dans sa composante précisément sioniste, du Lehi fascisant à l’Hashomer Hatzaïr “socialiste” ; et plus largement, sans se limiter au courant sioniste, des ultra-orthodoxes hassidiques au Bund marxiste, en passant par les libéraux-démocrates fondés sur la Haskala (les Lumières juives des 18e-19e siècles).
Il n’en va tout simplement pas autrement pour “l’islam politique”, autrement dit les gens qui fondent leur démarche politique sur leur foi, ou en tout cas sur leur “identité” ou leur imprégnation culturelle musulmane… Nous allons avoir des régimes violemment réactionnaires et répressifs, antipopulaires, comme l’Iran (qui se veut toutefois “social” et nationaliste) ou l’Arabie saoudite. Ou un régime conservateur plus “libéral” comme le Makhzen marocain (qui se veut, rappelons-le, “commandeur des croyants”). Nous allons avoir les salafistes radicaux prônant un ordre moral brutal et un ultra-capitalisme de type calviniste puritain (et qui terrorisent actuellement les mouvements sociaux en Égypte ou en Tunisie), ou leurs relatifs équivalents bassidj iraniens ; ou alors les conservateurs plus “sociaux” et “pragmatiques” de type Frères musulmans, ou l’AKP turc que l’on pourrait qualifier de “démocrate-musulman” comme il y a des démocrates-chrétiens. Et puis l’on va avoir des éléments que l’on peut clairement rapprocher d’une “théologie de la libération” musulmane. La pensée d’éléments comme Ali Chari’ati (chiite iranien) ou Sayyid Qutb (sunnite égyptien) (ou de Mounir Chafik : maoïste chrétien palestinien converti à l’islam, ou des dizaines d’intellectuels maoïstes égyptiens, iraquiens, soudanais, libanais, et syriens, convertis à l’islam dans les années 1979-1982) est encore plus complexe, et peut difficilement être schématisée à partir d’une grille de lecture “européenne-chrétienne” ; ce qui est certain, c’est que la résumer à du “fondamentalisme” (entendu comme ultra-conservatisme social) ou carrément à du “fascisme” est proprement ridicule ! ». (Apport très important qui nous a été envoyé par un camarade de « Servir le peuple »).
16- « La religion (à distinguer de la “croyance” au surnaturel) est TOUJOURS une idéologie politique, inséparable de la politique, n’en déplaise aux laïcards bourgeois made in France (qui ne sont que des gallicans déguisés). C’est une conception du monde sous-tendant un système cohérent de normes sociales.
MAIS c’est une idéologie politique correspondant à un MODE DE PRODUCTION FÉODAL (aussi bien le christianisme que l’islam et le judaïsme talmudique, ou encore le bouddhisme, le confucianisme qui est plus une philosophie, l’hindouisme moderne etc.). Si bien qu’à partir du moment où le mode de production féodal (et autres modes de productions “archaïques”) cesse d’être dominant, la religion perd TOUTE AUTONOMIE POLITIQUE, c’est-à-dire que, comme idéologie politique, elle se retrouve SUBORDONNÉE à la contradiction motrice de la société (et tend à éclater en une multitude d’interprétations extrêmement divergentes du Texte sacré). Le christianisme, en Europe, s’est trouvé subordonné du 16ème au 19ème siècle à la contradiction entre révolution bourgeoise et contre-révolution féodale, le protestantisme passant pour la “religion bourgeoise type”, mais le catholicisme éclatant lui-même en de multiples tendances “modernistes” ou “obscurantistes”, certaines (comme les Jésuites) se faisant même “sociales” contre une bourgeoise porteuse des “idées nouvelles” mais (déjà) férocement exploiteuse (démarche que l’on retrouve largement dans “l’islam politique” aujourd’hui). Et, depuis la seconde moitié du 19ème siècle, il se trouve subordonné à la nouvelle contradiction motrice : la contradiction entre Grand Capital (qui a agrégé à lui toutes les classes réactionnaires pré-monopolistes et pré-capitalistes) et prolétariat. On va ainsi trouver un christianisme de “conservation sociale”, voire de “guerre sainte” contre les “rouges” ; et puis un christianisme qui va partir du message humaniste, égalitariste et charitable du Texte pour aller vers un réformisme social audacieux… voire une idée de “transformation sociale radicale” qui peut être prise dans la force d’attraction du camp de la révolution prolétarienne.
Et dans les pays musulmans, il n’en va pas autrement : depuis le 19ème siècle, l’islam comme idéologie politique est subordonné aux trois contradictions motrices dans ce type de pays : entre impérialisme et résistance de la nation dominée ; entre féodalité (ou bureaucratie parasitaire d’État) et “économie productive réelle” ; et entre propriétaires des moyens de production (bourgeoisie, propriétaires terriens) et vendeurs de force de travail (prolétariat, ouvriers industriels et agricoles ou “plèbe informelle” survivant au jour le jour). Il en va de même, par exemple, pour le catholicisme en Amérique latine…Toute autre approche de la question, n’est qu’idéalisme diffusé par des intellectuels bourgeois occidentaux, ou “marxistes” eurocentristes (et leurs disciples locaux). ».
(Apport très important qui nous a été envoyé par un camarade de « Servir le peuple »).
17- Nous avons appelé et nous appelons tous les vrais maoïstes arabes à lire notre histoire pour la changer, à lire et comprendre notre culture, à partir d’instruments et d’outils conceptuels qu’on doit faire nous-mêmes par un retour à notre propre héritage, à notre histoire, à la pensée arabe et islamique. On lisait Mao, Lénine, Gramsci, tous les marxistes, mais on doit commencer aussi à lire nos penseurs, nos expériences révolutionnaires, notre histoire sociale et économique, et en se posant la question de savoir comment utiliser ces lectures, comment profiter de tous les concepts émanant de notre épistémologie, de manière heuristique, utile. On doit réinventer un vocabulaire propre. Tout cela doit nous emmener peu à peu vers la reconnaissance de la nécessité de l’étude de l’islam, car c’est un discours effectif, de masse, un discours populaire, qui fait le lien entre le côté intellectuel et l’aspect populaire. « L’éveil islamique » est à comparer à la philosophie nietzschéenne d’affirmation desoi, et devait permettre au monde arabe de se réapproprier son histoire : « le discours de l’éveil islamique représente le terme de la contradiction qui s’oppose à l’orientalisme et à son ombre, l’intellectuel arabe moderniste. (….) Comment faire face à la domination étrangère, et affirmer l’identité arabe et islamique, non par réaction – l’esclave s’affranchissant par le négatif – mais par une action volontaire – l’islam, maître s’appuyant sur une époque révolue de maîtrise et de domination ? L’action volontaire ressuscite ici positivement le Moi islamique, tout en passant l’Autre (l’Occident) sous silence. Cet Autre voit l’universalisme de sa culture contesté. »
18- Cet appel quasi mystique au peuple, le Maoïsme le partage avec l’islam révolutionnaire. Le printemps arabe n’a pas été seulement perçu par les militants maoïstes comme un événement anti-impérialiste majeur : il a été, et d’abord, une révolution, c’est-à-dire un processus dans lequel « les masses » font irruption dans l’histoire, d’une manière tout à fait intempestive, et le populaire fait fonction ici de véritable élément déclencheur de la foi religieuse : « il y a eu quelque chose qu’on a ressenti et qui était nouveau : on l’a ressenti profondément. C’était que l’islam était là, et que l’islam pouvait être une source immense de révolution, et une source vraiment populaire. Et là notre point de vue doit vraiment changer, à un niveau personnel comme au niveau théorique et organisationnel. Il faut donc réfléchir, non pas seulement sur la révolution elle-même : mais surtout sur les effets incroyables de la révolution sur les masses arabes. Ça doit nous toucher tous, ça doit nous troubler tous, car c’est quelque chose de très profond ». Le marxisme ne peut lui-même que construire ses représentations mobilisatrices sur l’image du peuple en insurrection, car il est récalcitrant aux logiques conspiratrices : la polémique des marxistes, au 19e siècle, contre Auguste Blanqui et la logique du coup d’État socialiste n’en est qu’un exemple. Le maoïsme, avec les concepts de « guerre populaire » et de « ligne de masse », conférait en plus au peuple un rôle capital dans la formation de la conscience politique d’une avant-garde révolutionnaire appelée à se fondre en lui. Pour nous, la Révolution viendra donner concrétude à ce peuple en attente, désormais entré sur la scène de l’histoire moyen-orientale.
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