Lutte interne à la CGT : la goutte d’eau qui a fait déborder le vase !
Les travaux
entrepris dans un appartement loué à Vincennes au bord du bois pour
loger Thiéry Le Paon, secrétaire général de la CGT a été la goutte qui a
fait déborder le vase. La contestation était latente dans la CGT depuis
plusieurs années et de plus en plus s’exprimait dans les syndicats
d’entreprise, dans des Unions locales, dans des Unions Départementales,
dans plusieurs fédérations.
Cette crise au sein de la CGT n’est pas la première.
Un peu d'Histoire
La
CGT est née en 1895 de la fusion des chambres des métiers et des
Bourses du travail. La séparation entre parti et syndicat a été
concrétisée en 1906 par la charte d’Amiens, dont la ligne d’inspiration
anarcho-syndicaliste affirmait l’indépendance syndicale vis-à-vis du
Parti ouvrier et préconisait comme stratégie la grève générale pour la
nécessaire abolition du patronat et du salariat.
La
trahison du Parti Socialiste (alors SFIO – Section Française de
l'Internationale Ouvrière) et de la CGT qui avaient soutenu la
bourgeoisie impérialiste, le début d’opposition d’une frange de
syndicalistes et de socialistes, le choc provoqué par la Révolution
d’Octobre allaient donner naissance au Parti Communiste Français (alors
SFIC – Section Française de l'Internationale Communiste) qui ralliera la
majorité du Parti Socialiste lors du Congrès de Tours en 1920. Le Parti
Socialiste va évincer les communistes de la CGT, qui, minoritaires avec
les syndicalistes révolutionnaires, vont former la CGTU. Ce n’est qu’en
1934 que la CGT va se réunifier contre la menace fasciste. La CGT va
être interdite durant la 2ème guerre mondiale et mener la
lutte à côté du Parti Communiste. Celui-ci va se plier au diktat de
Gaulle, démanteler les comités issus de la Résistance et rendre les
armes, positions critiquées par l’Internationale Communiste. Des grèves
vont se développer entre autre à Renault et dans les mines. En 1947, au
début de la « guerre froide », les dirigeants anticommunistes au sein de
la CGT vont faire scission et former FO, financé par la CIA et
l’AFL-CIO (Fédération syndicale États-unienne anticommuniste).
Le
PCF va passer de positions opportunistes à une ligne révisionniste. Les
directions du PCF et de la CGT vont prôner la coexistence pacifique et
la conciliation. Dès lors, la position économiste, légaliste va dominer.
La rupture entre le Parti Communiste de Chine et le Parti Communiste
d'Union Soviétique au début des années 60 va avoir des répercussions au
sein du PCF. Dans la CGT vont se regrouper les syndicalistes
révolutionnaires de lutte de classes puis ils seront obligés de la
quitter . Le mouvement gréviste en 1968 va arracher d’importantes
concessions au patronat, mais les directions syndicales vont arrêter le
mouvement et les élections vont renforcer les gaullistes.
A
l'initiative de la Gauche Prolétarienne, et souvent en opposition avec
la CGT, des Comités de lutte d’ateliers vont voir le jour. Cependant, le
recul du mouvement révolutionnaire va s’accentuer après la restauration
du capitalisme en Chine.
La
fin des « trente glorieuses » va accentuer la position défensive du PCF
et des syndicats, la venue de la social démocratie au pouvoir va affaiblir le PCF révisionniste,
la droite va reprendre la main, la crise va se développer et l'Etat au
service du patronat va continuer à démanteler le code du Travail, le
chômage va augmenter, les restructurations se poursuivre malgré des
résistances importantes comme les exemples récents à Continental,
Goodyear, Fralib, PSA, etc. La gauche va prendre la suite et poursuivre
la même politique que la droite. Ce processus d’alternance entre droite
et gauche de la bourgeoisie et le mécontentement, le dégoût que cela
produit parmi les travailleurs va favoriser la montée de l’idéologie
fasciste et le racisme distillés par le Front National. La montée du FN,
sa pénétration et la mise en place de collectifs
sociaux-professionnels, d’associations spécifiques dans divers secteurs
et la multiplication des groupes militaro-fascistes et nazis deviennent
une véritable menace contre la classe ouvrière, les travailleurs et les
syndicalistes et plus largement les progressistes. C’est dans ce
contexte qu’ont mûri et qu’éclatent les contradictions au sein de la
CGT, provoquées par les révélations du Canard Enchaîné.
Les
réactionnaires, évidemment, se sont saisis de ces révélations pour
attaquer la CGT et faire le procès du syndicalisme. Mais les
réactionnaires, anti-syndicalistes, anticommunistes, fascistes se sont
fait « retomber une pierre sur les pieds ». Car la crise était latente
dans la CGT. Confrontés à une direction et à une ligne conciliatrice
avec la bourgeoisie, devant les coups de plus en plus importants que
porte la bourgeoisie contre le prolétariat, devant la montée du
fascisme, celles et ceux qui veulent remettre la CGT sur les rails de la
lutte de classe remettent en cause la direction de la CGT et sa ligne
conciliatrice, demandent la démission du secrétaire général et appellent
à un Congrès extraordinaire.
Un se divise en deux
La
lutte de ligne au sein de la CGT ne date pas d’aujourd’hui, comme nous
l’avons vu plus haut. On peut retracer l'origine de celle qui traverse
aujourd'hui la CGT. Lors du référendum sur le traité constitutionnel
européen en 2005, nous avons vu la réaction du Comité Confédéral
National contre la position de Bernard Thibault sur l’Europe qui voulait
voter OUI. Il y a eu, dès lors, sinon une opposition organisée, une
ligne de démarcation qui s’est établie entre la gauche et la droite, une ligne
de lutte de classe contre une ligne conciliatrice. Cette ligne de
démarcation, peu à peu se renforce, se précise, commence à se
cristalliser face à la ligne liquidatrice de conciliation de classes. Ce
processus ne peut que se poursuivre,autour de l'opposition au patronat
dirigé par le MEDEF et qui place ses laquais à la tête de l’appareil
d’Etat. L'Etat sert le
patronat dans sa politique de restructuration pour maintenir au plus
haut son taux de profit. « Le Parti se renforce en s’épurant ». Ceci est
aussi vrai pour le syndicat. Espérons que c'est ce qui va arriver à la
CGT !
Il ne faut pas craindre la lutte de lignes, l’épuration
Garder
dans un syndicat, dans un parti, une organisation ou une association
des membres qui ne défendent plus ou mal les intérêts de celles et ceux
qu’ils représentent conduit à la liquidation, pire encore, à la défaite
totale devant l’ennemi de classe qui combat contre notre classe. C’est
donc un crime, surtout dans la situation actuelle, de ne pas combattre
la ligne de conciliation au sein de la CGT alors que la réaction,
l’Etat, le patronat sont de plus en plus agressifs face à la classe
ouvrière, le prolétariat, les couches populaires et que la menace
fasciste se fait de plus en plus menaçante. Les postes de cadres et
dirigeants dans la CGT ne doivent pas être des sinécures mais des postes
avancés de combat en lien avec les militants, les syndiqués et plus
largement les travailleurs et travailleuses. La poursuite de la lutte de
lignes est vitale pour freiner, s’opposer au diktat du patronat, de son
appareil d’Etat, de la domination du capital financier et répondre coup
pour coup à leurs attaques. Nous ne pouvons tolérer dans nos rangs les
conciliateurs, les collaborateurs, celles et ceux qui travaillent
consciemment ou inconsciemment par intérêt pour le patronat, qui
désarment, émoussent la lutte de classe au moment où elle est de plus en
plus nécessaire devant de nouveaux dangers qui se profilent à
l’horizon.
Dans
la phase actuelle où le mouvement populaire dans son ensemble est sur
la défensive, l'outil syndical comme outil de défense n'est pas à
négliger pour les révolutionnaires. A la base, nombre de travailleurs et
de travailleuses prennent des risques tous les jours en faisant le
choix de se syndiquer et de se défendre, elles et eux mais aussi leurs
collègues. La contradiction qui éclate à la CGT apporte une situation de
polarisation à la fois verticale (entre la droite et la gauche) mais
surtout horizontale (entre la base et la direction). Cette situation
nous permet à nous, révolutionnaires, de porter le discours de lutte de
classe, de rendre plus claire la ligne de démarcation entre la ligne de
lutte de classe pour un syndicat ayant un rôle dans le développement du
processus révolutionnaire d'un côté et la ligne de cogestion et de
conciliation de classe, la ligne des « partenaires sociaux », de l'autre
côté.
Intervenir
dans cette lutte au sein de la CGT peut nous permettre d'avancer vers
la nécessaire reconstruction du syndicat de lutte de classe, nécessaire
au prolétariat pour conquérir une victoire durable et pas seulement des
avancées sociales. C'est vers cela que nous devons tendre, en continuant
également à mettre en avant la nécessité de former à la base des
Comités de lutte réunissant syndiqués et non-syndiqués. La CGT reste
certes le bastion ouvrier du paysage syndical en France, cependant
nombre de travailleurs et travailleuses combatifs sont également
organisés dans d'autres syndicats en fonction des réalités locales et
d'entreprises, voire ne sont pas syndiqués du tout. Notre rôle est donc
d'unir les travailleurs et travailleuses, non pas autour du drapeau d'un
syndicat ou d'un autre, mais autour d'une position, celle de la lutte
de classe révolutionnaire.
Ayant
affirmé cela, il est clair que nous ne pouvons passer sous silence la
nécessité du parti révolutionnaire et de la force combattante sans
lesquels avancer sur le chemin de la révolution serait se réduire à
vouloir gravir l'Everest en espadrilles et bermuda !
La lutte dans la CGT est un phénomène positif sur lequel il faut peser, pour avancer vers
la restructuration du syndicat sur une ligne de classe intransigeante
contre le patronat, le système capitaliste dont nous subissons la
dictature au nom de la « démocratie » et contre la montée du fascisme.
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