Servir Le Peuple - Il y a 40 ans au Chili, l'AUTRE 11 Septembre...
En
1973, au cœur du Cône Sud de l'Amérique latine, le jour se levait sur
un 11 septembre qui, depuis - et comme s'il y avait une 'justice' -
effacé par un autre, devait rester de sinistre mémoire pour tous les
peuples semi-colonisés de la planète et plonger tout
un peuple dans une nuit de 15 ans.
Arrivé au
pouvoir trois ans plus tôt sur la base d'une alliance (l'Unité
populaire) entre son Parti socialiste, le PC révisionniste
pro-soviétique (si révisionniste que certains courants du PS étaient
plus radicaux !) et d'autres petites forces de gauche, avec l'appui
pour son élection des démocrates-chrétiens (qui se
retourneront ensuite contre lui), le président socialiste Salvador
Allende était renversé et 'suicidé' par le sinistre et mondialement
connu général Pinochet.
Pendant trois
ans, avec l'appui de l'URSS (pour qui tout ce qui pouvait affaiblir
l'impérialisme US dans son 'pré carré' des Amériques était
bon à prendre) et de Cuba, qui avait alors renoncé à la voie
armée après les échecs dans de nombreux pays et (notamment) la mort du Che en Bolivie, l'Unité populaire
tenta donc de mener au Chili une révolution anti-impérialiste, démocratique et anticapitaliste, socialiste... par la voie 'démocratique', 'parlementaire' et 'pacifique'.
Il est faux de
dire que les masses populaires chiliennes n'étaient 'pas mobilisées',
'avalant' les réformes passivement assises dans un
fauteuil : elles l'étaient très largement, dans les usines, les
quartiers comme les campagnes, en assemblées, conseils et autres comités
de lutte, parvenant parfois à mettre en échec des
manœuvres réactionnaires comme la pseudo 'grève' des camionneurs,
téléguidée par l'impérialisme yankee pour
paralyser
le pays. Ce qui est vrai, c'est qu'elles n'étaient pas ARMÉES, ceci
était refusé catégoriquement par Allende qui, sur ce point, avait plus
l'appui du P'c' que
du secrétaire général de son propre Parti, Carlos Altamirano, qui y
était favorable. La vieille Armée, chienne de garde de l'oligarchie
bureaucratique-compradore-terrateniente, la police,
les carabiniers gardaient donc le monopole de la force militaire, sans laquelle tout est illusion.
Pendant ce temps, pour éviter à tout prix de
'perdre' un autre pays latino-américain après Cuba, l'impérialisme
US de Nixon et Kissinger employait tous les moyens : coupure de toute
aide économique sauf... à l'Armée, boycott du cuivre
(principale exportation du pays), 'grèves' réactionnaires comme
celles des camionneurs et 'mouvements civiques' comme celui des
'casseroles vides', terrorisme, paramilitarisme... Pour 'calmer'
les forces de droite, qui organisaient depuis des mois la
déstabilisation et même la terreur paramilitaire avec des groupes comme Patria y Libertad,
Allende lui-même avait nommé chef des
armées Augusto Pinochet, anticommuniste déclaré mais chez qui
(pensait-il ou lui avait-on fait penser) le loyalisme primerait.
Incompréhension
fondamentale de ce qu'est l’État (en l'occurrence semi-féodal
semi-colonial), l'impérialisme et une révolution (en
l'occurrence, de Nouvelle Démocratie), telle est la première grande signification du coup d’État chilien de 1973, le continent ayant connu bien
d'autres golpes et d'autres dictatures militaires
fascistes. Le PC (principale force populaire du pays) se lancera ensuite
dans la résistance armée, avec le "Front patriotique Manuel
Rodriguez", mais c'était bien trop tard et il était bien seul, les
autres forces révolutionnaires conséquentes (telles le MIR ou le PCR)
ayant été écrasées dans les premiers mois de la junte...
par sa faute.
La deuxième signification, c'est évidemment la nécessité d'un Parti comme état-major
révolutionnaire des masses, d'une conception du monde et d'une stratégie révolutionnaire. Car au-delà de l'Unité populaire réformiste, les forces
révolutionnaires étaient divisées et prisonnières de grandes limites de conception du monde : le MIR
(Mouvement de la gauche révolutionnaire, proche du PRT-ERP argentin,
des Tupamaros
d'Uruguay, etc.), 'soutien critique' à l'UP et totalement liquidé
dans les premières années de la dictature, était globalement sur une
ligne guévariste de 'foyer'
guérillero
rural et (surtout) urbain (dans le conception Tupamaros ou
Marighella) ; tandis que le PCR (Parti communiste révolutionnaire),
pro-chinois (ce qui ne veut pas n'a jamais
voulu dire maoïste), était évidemment très hostile à l'UP
pro-soviétique mais, surtout, était dans les limites idéologiques d'une
très large partie de
l''anti-révisionnisme' de l'époque, qui consistait bien souvent à
'revenir' aux PC 'sains' d'avant 1956, sur une ligne peut-être plus
'dure', mais sans comprendre quelles limites de
ceux-ci, justement, les avaient entraîné dans le marécage
khrouchtchévien, parlementariste, légaliste etc. etc. Si ce qu'il
restait de ce PCR participera en 1984 au MRI maoïste (avant de
rapidement disparaître, il y a aujourd'hui plusieurs groupes
maoïstes dans le pays), la majeure partie partira à la fin des années
1970 pour fonder le PC "Action prolétaire", hoxhiste
('albanais'). Il faut dire que l'attitude de la Chine (dont Deng
Xiaoping dirigeait alors les affaires étrangères), lors du coup d’État
et par la suite, de quasi-soutien à la junte ne pouvait que
plonger dans un grand désarroi les forces se réclamant de ce modèle
(contrairement à ceux se réclamant de Cuba, qui n'avaient ni ce problème
ni celui de la 'timidité' de l'aide soviétique sur la
fin). Clairement donc, si l'Unité populaire n'ouvrait pas forcément
moins de perspectives que la Révolution de Février 1917 en Russie, il
manquait un Parti révolutionnaire pour construire un
véritable Pouvoir populaire à la base, une Guerre du Peuple etc. Le
mouvement communiste international était déjà entré dans une crise
profonde d'idéologie, de stratégie et de leadership.
La
troisième signification, avec
d'autres dictatures fascistes du même type qui se coordonneront en
1975 dans le sinistre Plan Condor, c'est que le 11 Septembre chilien
marque l'entrée dans l'OFFENSIVE FINALE de la guerre que
livre, depuis peut-être 1945, l'impérialisme US à la fois contre les
forces révolutionnaires, les nationalismes bourgeois et les tendances
éventuellement pro-soviétiques ou 'non-alignées' de
certains secteurs possédants, pour un CONTRÔLE IMPÉRIALISTE TOTAL et
une exploitation sans limites de son hémisphère 'pré carré' américain.
Après le retour de la 'démocratie' oligarchique, cette
impérialisation totale sera appelée 'néolibéralisme', qui est en fait le nom de la théorie
économique bourgeoise
(Milton Friedman) qui sera notamment mise en œuvre au Chili... sous Pinochet, pour aussurer un contrôle total de l'économie aux
monopoles impérialistes (principalement US) et empêcher les secteurs nationalistes bourgeois,
par la création d'un grand secteur public, de 'rééquilibrer' un peu la
répartition du produit national entre les pays du continent et
l'impérialisme.
Le bilan de tout cela, on le sait, fut
des dizaines de milliers de morts et de disparus (des centaines de milliers à l'échelle du continent).
C'est la raison
pour laquelle, par exemple, au début de l'année, nous avons été
intransigeants sur la qualification de 'fasciste' appliquée à
des régimes ressemblant, précisément... à celui d'Allende, ce que
les pires détracteurs de celui-ci eux-mêmes (comme le PCR), à l'époque,
n'avaient pas osé. Pour nous, communistes, le visage du
fascisme en Amérique latine est clairement celui de Pinochet, de ses
congénères argentins, d'Hugo Banzer en Bolivie, d'Efraín Rios Montt au
Guatemala, ou celui, 'moderne', de Fujimori au Pérou ou
Uribe en Colombie : la dictature terroriste ouverte des AGENTS de la fraction la plus réactionnaire du Capital impérialiste.
Le péronisme, dans une certaine mesure, a dans le
champ politique bourgeois le positionnement complexe et ambigu du
gaullisme, un gaullisme de pays émergent (ce qu'était l'Argentine à
l'époque) ; la France était d'ailleurs l'un de ses
'partenaires' impérialistes privilégiés et l’État espagnol
franquiste, protégé de l'impérialisme BBR, le refuge de son exil. Mais en aucun cas
il
ne peut avoir le visage de dirigeants qui apportent aux masses des
salaires minimum et des dispensaires médicaux, des cours
d'alphabétisation et non des rafales de mitraillette systématiques
comme unique méthode de
gouvernement : cela s'appelle du réformisme. Nous ne sommes pas tombés de la dernière pluie ; nous savons
que les caudillos populistes et 'réformateurs' sont une
spécialité du continent américain ; et nous n'avons pas accueilli en
1999 l'élection d'Hugo Chavez avec un enthousiasme et des
illusions particulières. En revanche, si de 'socialisme du 21e
siècle' il n'y avait pas plus l'ombre (voire moins !) que de 'socialisme
par les voies démocratiques et légales' au Chili en 1973,
il y a eu en avril 2002 un coup d’État du 21e siècle,
un de ces coups d’État 'modernes' de l'ère de l'information (bien que
le Chili de 1973 ait déjà donné un avant-goût de
cela), appuyé sur un pseudo-mouvement de la 'société civile' et
plaçant, pour faire moins 'tâche', un civil sur le trône ; comme ce qui a
finalement réussi plus tard au Honduras et dernièrement
en Égypte. Et ce coup d’État a été DÉJOUÉ, par la mobilisation des
masses - mobilisation très largement armée - qui a forcé l'armée et la police à reculer et à 'lâcher' les putschistes :
c'est cela, et uniquement cela qui faisait pour
nous la spécificité d'Hugo Chavez,
et le fait que l'on ne pouvait plus dès lors le considérer, et
considérer
ses bourgeons sur le continent, en Bolivie, en Équateur etc., comme
des "régimes bureaucratiques compradores" comme les autres : si mince soient les perspectives qu'ils ouvraient, leur
renversement réactionnaire les anéantissait, peut-être pour de très longues années (leur renversement révolutionnaire, nous n'avons jamais été contre, mais il ne semblait pas trop
à l'ordre du jour !). Avec peut-être, à la clé, la boucherie pour les
masses subie par le Chili après 1973, l'Argentine après 1976, le
Guatemala au début des années 1980 etc. Il était du devoir de
révolutionnaires internationalistes de refuser de telles
contre-offensives de la droite oligarchique, et tout ce qui dans la
propagande médiatique occidentale visait à les appuyer ; nonobstant ce
qui chez ces dirigeants ne nous plaisait pas et
l'absence de toute illusion à leur égard. C'est tout ! Finalement,
le renversement réactionnaire ne s'est pas produit et lorsque l'occasion
se présente, les gouvernements vénézuélien, bolivien,
équatorien ou nicaraguayen sont dénoncés par nous comme des
gouvernements social-traîtres... comme les autres.
Ceci dit, il semble que les grands tenants de la thèse "Chavez fasciste" soient quelque peu revenus sur leur position : dans un document de ce jour sur le coup d’État au Chili, document aux positions tout à
fait correctes si l'on fait abstraction d'une certaine
vision simpliste des choses et des rapports de force (UP décrite comme
monolithique et sans contradictions, Cuba pure courroie de
transmission de Moscou) et de certaines omissions (le rôle de
l'impérialisme US ?), le coup d’État est bien qualifié de FASCISTE,
Allende et l'UP de RÉFORMISTES et Chavez... de nouvel Allende.
Donc réformiste, si l'on suit le raisonnement. CQFD... Nous n'avons
jamais rien dit d'autre ! Cela étant, il est reproché à
Allende de ne pas avoir armé les masses... or, c'est ce que Chavez a (un peu) fait, et qui l'a très certainement sauvé (la perspective 'guerre civile' ayant sans doute
détourné la majorité des officiers du putsch en 2002). Si Allende en avait fait autant, nul doute qu'il se serait trouvé 5
ou 10 ans plus tard des énergumènes pour le qualifier de 'fasciste', qui n'aurait fait que "restructurer le
capitalisme bureaucratique" (ce qui eût été vrai), etc. etc....
On ne saura jamais ! La politique commande au fusil, et le réformisme
ou le révisionnisme armé, cela peut tout à fait exister,
dans le maquis et pourquoi pas au pouvoir. Dans ce cas, le poisson
réformiste pourrit tranquillement par la tête, jusqu'à devenir
lui-même... la droite, dans un référentiel politique qui
s'est déplacé (comme typiquement le PRI mexicain, ou le MNR
bolivien) ; ou perdre le pouvoir, comme vient de faillir le faire le
successeur de Chavez. Mais en tout cas a-t-on évité, sur le
moment, la terreur blanche, le génocide pour les masses populaires... en un mot, le FASCISME ; ce
que n'était ni Allende, ni Chavez.
Aujourd’hui,
quatre ans après les évènements du Honduras (où sous une présidence de
droite dure
les assassinats de militants sociaux se poursuivent dans le silence)
et alors que de nouveaux Pinochet viennent de sévir en Égypte, non
contre un quelconque projet ‘socialiste’ mais simplement
contre le ‘capitalisme d’en bas’ (‘populaire’, spontané) représenté
par les Frères musulmans, pour maintenir un néocolonialisme total,
nous ne
pouvons que saluer haut et fort les martyrs révolutionnaires et
progressistes du Chili, d’Argentine et d’ailleurs, et œuvrer, au cœur
d’un des plus agressifs États impérialistes de la planète, à
la Révolution prolétarienne mondiale qui bientôt balaiera
l’impérialisme et son arme ultime, le FASCISME, dans les poubelles de
l’Histoire !
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