Friday, May 29, 2015

France -Saint Ouen : opération poudre aux yeux !



Saint Ouen : opération poudre aux yeux !
Après avoir été la première Zone de Sécurité Prioritaire mise en place par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, Saint Ouen est aujourd’hui la cible d’une vaste opération policière destinée, si l’on en croit les déclarations officielles, à durer.

Toutes celles et ceux qui connaissent cette ville savent que le trafic occupe une place importante dans la vie quotidienne de cette petite ville de banlieue parisienne (93). Mais les politiciens de tous bords, y compris PCF qui gérait auparavant la mairie, parlent toujours du trafic sans le mettre dans le cadre plus général de la société et de son évolution au cours de ces dernières décennies.

Saint Ouen devient une ville ouvrière dès la révolution industrielle du 19ème siècle. Quelques années après la Commune de Paris, elle devient une des premières villes « rouge » de la banlieue parisienne avec son maire ouvrier. Les docks de Saint Ouen sont le cœur de l’activité industrielle de la ville et verront notamment s’installer l’usine Alsthom qui vivra une grève avec occupation très dure en 1979. La ville accueille également le Red Star et son stade Bauer. Club de tradition ouvrière et populaire, le Red Star a accueilli des joueurs comme Rino Della Negra, résistant et membre du groupe Manouchian (FTP-MOI) fusillé au mont Valérien par les nazis. Les supporters célèbrent encore aujourd’hui sa mémoire et ont nommé leur tribune après son nom. Après 1945, la ville va avoir un ou une maire PCF jusqu’en 2014, partie intégrante de la « banlieue rouge ».

Depuis les années 70, la ville subit la désindustrialisation et a un fort taux de chômage (près de 20%), particulièrement chez les jeunes (plus de 30%) –selon les chiffres de 2011. Le niveau de vie y est faible, avec environ 1200€ par mois. Comme toutes les villes de la banlieue parisienne, elle subit les attaques de la restructuration capitaliste. Ainsi, comme un symbole, l’ancien quartier industriel des Docks a été réaménagé très récemment en écoquartier. L’usine Alsthom y a été rasée, comme pour effacer ce passé ouvrier. Les logements qui sont construits dans cet « écoquartier » ne seront bien évidemment pas abordables pour les ouvriers et ouvrières de la ville !

Dans le cadre du projet des Docks, le Foyer de Jeunes Travailleurs municipal, le Foyer CARA, doit être fermé. Une cinquantaine de résidents et résidentes occupent toujours le bâtiment malgré les pressions de l’Office HLM et l’abandon de la Mairie de Saint Ouen, pourtant présidente de l’association gestionnaire du foyer.

L’avenir du stade Bauer, « bastion antifasciste » et stade historique, n’est pas non plus assuré, la présidence du club défendant un projet de nouveau stade dans le quartier des Docks.

Bref, Saint Ouen est la cible des promoteurs et autres vendeurs de béton, spéculateurs en tout genre. Il s’agit donc de repousser les pauvres encore plus loin dans la banlieue et de faire place neuve à celles et ceux qui ont les moyens. L’opération policière déployée est donc à mettre en perspective dans ce contexte.

Concernant la question du trafic, nous devons la comprendre dans la globalité de la situation sociale et économique. La question principale est de savoir sur quelles bases ce trafic s’est développé.

De manière générale, le trafic fait partie du capitalisme. Le trafic génère des profits à plusieurs niveaux, y compris pour les banques via le blanchiment de l’argent. Les organisations mafieuses qui contrôlent les trafics sont pyramidales. La base est en première ligne et ne gagne que très peu d’argent au vu de l’implication personnelle exigée. Dans le cas de Saint Ouen, la base, ce sont les jeunes qui guettent les flics. En général, ils sont payés 10€ de l’heure. Ce sont aussi eux qui prennent les balles lorsque ça tire sans distinction. Ce sont aussi eux qui passent du temps en garde à vue quand ils n’arrivent pas à semer les flics. L’écrasante majorité des jeunes qui travaillent dans le trafic le font par nécessité et non par choix. Dans les quartiers où ça vend, le chômage est très élevé, il y a beaucoup de familles monoparentales et les exemples de celles et ceux qui triment pour pouvoir s’en sortir par la voie légale sans y arriver sont nombreux. La jeunesse des quartiers populaires fait face à une oppression spécifique : la discrimination territoriale. Sur un CV, ça fait « tâche » d’habiter dans le 93. Pour les jeunes issus de l’immigration, il y a le racisme qui s’y ajoute. Dans les Centre de Formation d’Apprentis, les patrons n’hésitent pas à exiger « du BBR » (Bleu-Blanc-Rouge, c’est-à-dire des jeunes « français de souche » selon leur vocabulaire).

C’est ainsi devant ce manque de perspective, ce manque d’avenir et cette réalité immédiate compliquée que certains jeunes se tournent vers le trafic pour obtenir quelques billets qui permettra d’avoir une vie « comme les autres », d’aider la famille. Dans notre société capitaliste, c’est l’argent qui achète la liberté –de vivre où on veut, de manger des bons produits, d’avoir des beaux vêtements, d’étudier, d’offrir l’avenir que l’on souhaite à ses enfants, d’avoir des loisirs, etc. Et quand la société n’offre pas la possibilité directe d’y parvenir, alors certains prennent les chemins détournés quel qu’en soit le prix à payer, quitte à être de minis Tony Montana ou certains-même se contentent d’avoir l’espoir d’en être un, y compris en sachant que la mort ou la prison se retrouvent bien souvent au bout.

Il faut faire la distinction dans le trafic entre la tête et la base. En 1949, lorsque la révolution chinoise a triomphé dans tout le pays, il fallait abattre le trafic endémique dans les centres urbains. Les communistes ont alors été sans pitié avec les dirigeants mafieux mais ont mis en place les moyens pour permettre aux « petites mains » de s’insérer dans la construction de la nouvelle société, y compris au moyen d’un accompagnement si nécessaire. L’immense majorité des personnes impliquées dans le trafic ont choisi cette voie et le trafic a ainsi pu être démantelé.

Mais dans l’Etat français, le vieil Etat n’est porteur d’aucun avenir, d’aucune transformation sociale au bénéfice de la classe ouvrière et des masses populaires. C’est tout l’inverse. Alors, le gouvernement cherche à faire une opération de communication en disant qu’il va s’attaquer au trafic à Saint Ouen alors qu’en réalité, il s’en prend aux consommateurs et consommatrices et aux petites mains. Rien de plus illusoire. Les habitants des quartiers touchés par le trafic ne sont pas dupes et disent bien que la solution policière déployée par l’Etat ne réglera rien. La question principale est politique. Sans transformation révolutionnaire de la société, il n’y a aucune chance de lutter contre les mafias qui se servent des jeunes de nos quartiers pour s’en mettre plein les poches. Sans transformation révolutionnaire, il n’y a aucune chance de garantir un avenir serein à la jeunesse, rendant inutile la recherche de l’argent facile.  

Les annonces du gouvernement dans la lutte contre le trafic à Saint Ouen sont donc de la poudre aux yeux, un moyen supplémentaire de stigmatiser la jeunesse, de la contrôler, de lui faire baisser la tête et de répandre le racisme à travers tout le pays. Le gouvernement ne peut régler la crise économique du capitalisme et ne pourra donc proposer aucune solution aux maux qui traversent la société. La seule solution est révolutionnaire, la seule voie est la révolution socialiste en direction du communisme. Nous continuerons donc notre travail dans les quartiers populaires, au cœur de notre classe, pour mettre en avant cette perspective, seule à même d’apporter une solution concrète et durable aux problèmes de la classe ouvrière (chômage, niveau de vie, logement, etc.), au final bien moins utopique que de vouloir donner au capitalisme un visage humain.

Nous n’attendons rien du gouvernement,
relevons la tête et reprenons nos affaires en main !

Seule la lutte révolutionnaire nous sortira du capitalisme à tous les niveaux !

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