Après
avoir été la première Zone de Sécurité Prioritaire mise en place par
Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, Saint Ouen est aujourd’hui
la cible d’une vaste opération policière destinée, si l’on en croit les
déclarations officielles, à durer.
Toutes
celles et ceux qui connaissent cette ville savent que le trafic occupe
une place importante dans la vie quotidienne de cette petite ville de
banlieue parisienne (93). Mais les politiciens de tous bords, y compris
PCF qui gérait auparavant la mairie, parlent toujours du trafic sans le
mettre dans le cadre plus général de la société et de son évolution au
cours de ces dernières décennies.
Saint Ouen devient une ville ouvrière dès la révolution industrielle du 19ème
siècle. Quelques années après la Commune de Paris, elle devient une des
premières villes « rouge » de la banlieue parisienne avec son maire
ouvrier. Les docks de Saint Ouen sont le cœur de l’activité industrielle
de la ville et verront notamment s’installer l’usine Alsthom qui vivra
une grève avec occupation très dure en 1979. La ville accueille
également le Red Star et son stade Bauer. Club de tradition ouvrière et
populaire, le Red Star a accueilli des joueurs comme Rino Della Negra,
résistant et membre du groupe Manouchian (FTP-MOI) fusillé au mont
Valérien par les nazis. Les supporters célèbrent encore aujourd’hui sa
mémoire et ont nommé leur tribune après son nom. Après 1945, la ville va
avoir un ou une maire PCF jusqu’en 2014, partie intégrante de la
« banlieue rouge ».
Depuis
les années 70, la ville subit la désindustrialisation et a un fort taux
de chômage (près de 20%), particulièrement chez les jeunes (plus de
30%) –selon les chiffres de 2011. Le niveau de vie y est faible, avec
environ 1200€ par mois. Comme toutes les villes de la banlieue
parisienne, elle subit les attaques de la restructuration capitaliste.
Ainsi, comme un symbole, l’ancien quartier industriel des Docks a été
réaménagé très récemment en écoquartier. L’usine Alsthom y a été rasée,
comme pour effacer ce passé ouvrier. Les logements qui sont construits
dans cet « écoquartier » ne seront bien évidemment pas abordables pour
les ouvriers et ouvrières de la ville !
Dans
le cadre du projet des Docks, le Foyer de Jeunes Travailleurs
municipal, le Foyer CARA, doit être fermé. Une cinquantaine de résidents
et résidentes occupent toujours le bâtiment malgré les pressions de
l’Office HLM et l’abandon de la Mairie de Saint Ouen, pourtant
présidente de l’association gestionnaire du foyer.
L’avenir
du stade Bauer, « bastion antifasciste » et stade historique, n’est pas
non plus assuré, la présidence du club défendant un projet de nouveau
stade dans le quartier des Docks.
Bref,
Saint Ouen est la cible des promoteurs et autres vendeurs de béton,
spéculateurs en tout genre. Il s’agit donc de repousser les pauvres
encore plus loin dans la banlieue et de faire place neuve à celles et
ceux qui ont les moyens. L’opération policière déployée est donc à
mettre en perspective dans ce contexte.
Concernant
la question du trafic, nous devons la comprendre dans la globalité de
la situation sociale et économique. La question principale est de savoir
sur quelles bases ce trafic s’est développé.
De
manière générale, le trafic fait partie du capitalisme. Le trafic
génère des profits à plusieurs niveaux, y compris pour les banques via
le blanchiment de l’argent. Les organisations mafieuses qui contrôlent
les trafics sont pyramidales. La base est en première ligne et ne gagne
que très peu d’argent au vu de l’implication personnelle exigée. Dans le
cas de Saint Ouen, la base, ce sont les jeunes qui guettent les flics.
En général, ils sont payés 10€ de l’heure. Ce sont aussi eux qui
prennent les balles lorsque ça tire sans distinction. Ce sont aussi eux
qui passent du temps en garde à vue quand ils n’arrivent pas à semer les
flics. L’écrasante majorité des jeunes qui travaillent dans le trafic
le font par nécessité et non par choix. Dans les quartiers où ça vend,
le chômage est très élevé, il y a beaucoup de familles monoparentales et
les exemples de celles et ceux qui triment pour pouvoir s’en sortir par
la voie légale sans y arriver sont nombreux. La jeunesse des quartiers
populaires fait face à une oppression spécifique : la discrimination
territoriale. Sur un CV, ça fait « tâche » d’habiter dans le 93. Pour
les jeunes issus de l’immigration, il y a le racisme qui s’y ajoute.
Dans les Centre de Formation d’Apprentis, les patrons n’hésitent pas à
exiger « du BBR » (Bleu-Blanc-Rouge, c’est-à-dire des jeunes « français
de souche » selon leur vocabulaire).
C’est
ainsi devant ce manque de perspective, ce manque d’avenir et cette
réalité immédiate compliquée que certains jeunes se tournent vers le
trafic pour obtenir quelques billets qui permettra d’avoir une vie
« comme les autres », d’aider la famille. Dans notre société
capitaliste, c’est l’argent qui achète la liberté –de vivre où on veut,
de manger des bons produits, d’avoir des beaux vêtements, d’étudier,
d’offrir l’avenir que l’on souhaite à ses enfants, d’avoir des loisirs,
etc. Et quand la société n’offre pas la possibilité directe d’y
parvenir, alors certains prennent les chemins détournés quel qu’en soit
le prix à payer, quitte à être de minis Tony Montana ou certains-même se
contentent d’avoir l’espoir d’en être un, y compris en sachant que la mort ou la prison se retrouvent bien souvent au bout.
Il
faut faire la distinction dans le trafic entre la tête et la base. En
1949, lorsque la révolution chinoise a triomphé dans tout le pays, il
fallait abattre le trafic endémique dans les centres urbains. Les
communistes ont alors été sans pitié avec les dirigeants mafieux mais
ont mis en place les moyens pour permettre aux « petites mains » de
s’insérer dans la construction de la nouvelle société, y compris au
moyen d’un accompagnement si nécessaire. L’immense majorité des
personnes impliquées dans le trafic ont choisi cette voie et le trafic a
ainsi pu être démantelé.
Mais
dans l’Etat français, le vieil Etat n’est porteur d’aucun avenir,
d’aucune transformation sociale au bénéfice de la classe ouvrière et des
masses populaires. C’est tout l’inverse. Alors, le gouvernement cherche
à faire une opération de communication en disant qu’il va s’attaquer au
trafic à Saint Ouen alors qu’en réalité, il s’en prend aux
consommateurs et consommatrices et aux petites mains. Rien de plus
illusoire. Les habitants des quartiers touchés par le trafic ne sont pas
dupes et disent bien que la solution policière déployée par l’Etat ne
réglera rien. La question principale est politique. Sans transformation
révolutionnaire de la société, il n’y a aucune chance de lutter contre
les mafias qui se servent des jeunes de nos quartiers pour s’en mettre
plein les poches. Sans transformation révolutionnaire, il n’y a aucune
chance de garantir un avenir serein à la jeunesse, rendant inutile la
recherche de l’argent facile.
Les
annonces du gouvernement dans la lutte contre le trafic à Saint Ouen
sont donc de la poudre aux yeux, un moyen supplémentaire de stigmatiser
la jeunesse, de la contrôler, de lui faire baisser la tête et de
répandre le racisme à travers tout le pays. Le gouvernement ne peut
régler la crise économique du capitalisme et ne pourra donc proposer
aucune solution aux maux qui traversent la société. La seule solution
est révolutionnaire, la seule voie est la révolution socialiste en
direction du communisme. Nous continuerons donc notre travail dans les
quartiers populaires, au cœur de notre classe, pour mettre en avant
cette perspective, seule à même d’apporter une solution concrète et
durable aux problèmes de la classe ouvrière (chômage, niveau de vie,
logement, etc.), au final bien moins utopique que de vouloir donner au
capitalisme un visage humain.
Nous n’attendons rien du gouvernement,
relevons la tête et reprenons nos affaires en main !
relevons la tête et reprenons nos affaires en main !
Seule la lutte révolutionnaire nous sortira du capitalisme à tous les niveaux !
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