La campagne en vue de l’élection
qui aura lieu le 7 juin en Ontario a été officiellement déclenchée il y a
quelques jours et déjà, elle apparaît bien comme le cirque que sont
devenues les campagnes électorales qui se succèdent dans les pays
capitalistes dits « avancés ». La présence du nouveau chef du Parti
« progressiste conservateur » Doug Ford (en soi, le nom de ce parti est
parfaitement risible) vient renforcer ce qui apparaît aux yeux de
plusieurs comme une sinistre farce – une farce dont les résultats ne
sont jamais favorables aux travailleurs et aux travailleuses. Dès le
début des hostilités, le débat des chefs a démontré l’absence totale de
sérieux de ce mauvais spectacle, avec la présence de figurants payés par
le parti de Doug Ford pour jouer le rôle de « partisans » !
Selon toute vraisemblance, les libéraux
de la première ministre sortante Kathleen Wynne, qui complètent leur
deuxième mandat, vont subir une cuisante défaite, comme le veut la
tradition politique canadienne. L’alternance entre les deux grands
partis bourgeois constitue en effet le mode de gouvernance privilégié
par la bourgeoisie canadienne. C’est vrai en Ontario comme au fédéral ;
sauf l’exception du gouvernement néo-démocrate de Bob Rae entre 1990 et
1995, les libéraux et les conservateurs se succèdent et restent au
pouvoir tant et aussi longtemps qu’il leur reste suffisamment de capital
politique pour pouvoir duper les masses. Or, en dépit d’une rhétorique
« de gauche », les libéraux de Kathleen Wynne n’arrivent plus à
mobiliser les masses populaires, qui sont de plus en plus nombreuses à
être condamnées au travail précaire (la moitié de la force de travail se
retrouve dans cette situation dans la province) et à survivre d’une
paie à l’autre.
Bien sûr il y a, entre les conservateurs
et libéraux, certaines nuances : plus ou moins de populisme, des
positions plus ou moins « à droite », etc. Cela dit, on cherche en vain,
dans l’histoire de l’Ontario, des périodes où l’équipe dirigeante
n’aurait pas gouverné pour la grande bourgeoisie. Les différences plus
ou moins grandes tiennent plus au fait qu’elle a pour tâche de
mobiliser, d’obtenir le consentement du plus grand nombre, afin que le
système puisse continuer à fonctionner pour la poignée de riches avec
une certaine paix sociale : tel est, de fait, le sens et la raison
d’être des élections et du parlementarisme dans le capitalisme du 21e siècle.
La présence dans la campagne actuelle de
Doug Ford (le frère de l’autre – Rob, l’ex-maire erratique de Toronto,
réactionnaire fini et consommateur de crack) vient évidemment mettre un
peu de piquant dans une campagne qui s’annonçait on ne peut plus terne.
Doug Ford est une pourriture réactionnaire, un politicien professionnel
populiste, qui prétend et réussit dans une certaine mesure à se faire
passer comme provenant du « monde ordinaire », alors qu’il est en
réalité un riche bourgeois, qui a hérité du patrimoine de son père, ce
dernier ayant lui-même fait sa fortune, comme tout capitaliste, en
exploitant la classe ouvrière. Et son programme est on ne peut plus
opposé aux intérêts des travailleurs et travailleuses : il promet même
d’annuler les quelques réformettes mises en place par les libéraux,
comme les hausses prévues du salaire minimum, le contrôle partiel des
loyers, etc.
Doug Ford est arrivé dans la course dans
un contexte assez particulier, en remplacement de l’ancien chef des
conservateurs, Patrick Brown, qui se dirigeait allègrement vers la
victoire, mais qui a été contraint de démissionner au mois de janvier
dernier à la suite d’allégations d’inconduite sexuelle. Le clown Ford
est alors ressorti des boules à mites et pourrait, si la tendance se
maintient, devenir le prochain premier ministre. Il n’en fallait pas
plus pour que la coterie des trotskistes, des révisionnistes et des
sociaux-démocrates, incapables de décrocher du système bourgeois, se
lancent une fois de plus dans une cabale du type « anybody but… »
dirigée cette fois-ci contre Ford. (On commence également à voir poindre
un mouvement semblable au Québec, en prévision du scrutin du 1er
octobre, contre la Coalition Avenir Québec de François Legault –
certains osent même présenter les libéraux de Couillard comme « un
rempart contre la droite » !)
Dans le contexte de la déconfiture des
libéraux de Kathleen Wynne, la mobilisation des réformistes et des
libéraux (ceux-ci avec un petit « l ») pourrait profiter au Nouveau
parti démocratique. C’est bien là le rôle de ce tiers parti – rester en
vie au cas où, afin de servir « d’alternative » libérale si besoin, le
temps pour les « vrais » libéraux de se refaire une virginité politique.
En 2014, lors du dernier scrutin, le même phénomène (« tous contre
Hudak », du nom de l’ancien chef des conservateurs) avait bien servi le
Parti libéral. Même les chefs syndicaux traditionnellement favorables au
NPD avait appelé au soi-disant « vote stratégique » en faveur de
Kathleen Wynne.
Un premier sondage IPSOS, dont les
résultats ont été publiés le 11 mai, évoque même une possible « vague
orange », qui aurait commencé à se former. Les conservateurs y sont
donnés largement en tête, à 40 %, mais le NPD commence à les chauffer, à
33 %, loin devant les libéraux qui ferment la marche avec seulement
22 % des intentions de vote. Fait à souligner, la cheffe néo-démocrate,
Andrea Horwath, est vue comme celle qui ferait la « meilleure première
ministre » par des 38 % des personnes sondées, devant Doug Ford (37%) et
Kathleen Wynne (19%).
Flairant le vent, le NPD s’est
repositionné vers la « gauche », après une campagne désastreuse il y a
quatre ans alors qu’il s’était positionné à la droite des libéraux (une
tactique que Thomas Mulcair et le NPD fédéral ont réutilisée l’année
suivante au fédéral, et qui s’est avérée là aussi un désastre).
Apparemment, le NPD a suivi les conseils des trotskistes comme ceux de Fightback, qui militaient ardemment en faveur de ce « recentrage ».
Mais la classe ouvrière n’est pas dupe de ces
manœuvres électoralistes et cosmétiques. Elle sait très bien qu’aucun
des partis qui participent au système bourgeois et se positionnent comme
les meilleurs gestionnaires du capital ne représente ses intérêts. Son
rejet du cirque électoral (51% de taux de participation en 2014 !) le
démontre. Peu importe le parti qui formera le prochain gouvernement ou
les individus qui seront élus députés, l’exploitation capitaliste se
poursuivra sans relâche.
Plutôt que d’encourager la participation à ce cirque,
les travailleurs et travailleuses qui souhaitent un vrai changement de
régime devraient se joindre au parti et au mouvement qui luttent pour
renverser la bourgeoisie et son État. Comme classe, nous sommes capables
de diriger la société et de faire en sorte que les besoins de chacun et
chacune soient satisfaits. C’est ce qu’on appelle le pouvoir ouvrier, et ce pour quoi nous luttons !
Travailleurs, travailleuses, boycottons les élections bourgeoises ! Forgeons notre parti !
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