Tuesday, December 12, 2023

France - Le 12 décembre, journée de grève dans les lycées professionnels - info

N° 850 05/12/2023 Lancée par Macron au printemps dernier, la seconde partie de la réforme de la voie professionnelle prépare l’enterrement complet de l’enseignement professionnel sous statut scolaire. Elle fait suite à la première réforme, celle de Blanquer en 2018, qui s’était traduite par une diminution drastique des horaires d’enseignement général, une diminution tout aussi importante du choix réel d’orientation par les élèves. Avec le second volet, ces clous sont enfoncés.
 
Le second volet de la réforme de la voie professionnelle
 
Moins de culture générale
Ce sont d’abord des heures d’enseignement général en moins. Deux heures en seconde et en première pour enseignement en groupes réduits des savoirs fondamentaux, en réalité c’est la mise en place de groupes de niveaux dont on connait l’inefficacité à traiter les difficultés scolaires. En terminale, dans un volume horaire annuel inchangé, il est prévu de renforcer ces savoirs d’environ 15 heures, forcément au détriment des autres disciplines. En tout, cela fait 120 heures de cours, soit 4 semaines en moins en terminale. Le Bac Pro a déjà été déspécialisé et réduit à deux ans et demi ; avec ce projet de réforme, force est de constater qu’il va passer à deux ans.
L’idée qui sous-tend ces mesures est que les élèves de LP n’ont pas besoin d’histoire ou de langue, mais seulement de français et de maths (les savoirs fondamentaux). Au passage, tout ce qui faisait l’enseignement de la législation du travail, permettant aux élèves de posséder des repères face aux patrons, une fois entrés dans le parcours professionnel a quasiment disparu.
 
Des suppressions de postes et moins de choix de parcours
C’est ensuite des suppressions de postes et de filières. À la rentrée 2023, environ 900 lycéens de la voie professionnelle se retrouvaient sans affectation. Ils ont été rajoutés au dernier moment dans des classes déjà surchargées et prioritairement dans les filières du tertiaire. Pourtant, pour la rentrée 2024, les régions se voient intimer l’ordre, par l’intermédiaire des préfets, de répondre à la commande présidentielle de fermeture de 15% des formations. Les spécialités tertiaires sont de nouveau dans le collimateur. Les suppressions de postes et les reconversions forcées vont exploser.
Dans le même temps où l’on ferme dans le tertiaire, on ouvre dans le secteur industriel, mais essentiellement dans les CFA, c’est-à-dire des formations privées d’apprentis dans lesquelles l’exploitation est le premier enseignement reçu. On peuple même, depuis Blanquer, les Lycées professionnels d’apprentis, dans ce qui est appelé des parcours mixtes.
De la chair fraîche pour le patronat
C’est ensuite abandonner les élèves de la voie professionnelle en pâture aux patrons.  On adapte la formation aux besoins du patronat local. L’idée est d’orienter les élèves dans les filières des métiers dit en tension, c’est-à-dire ceux dont les bas salaires et les mauvaises conditions de travail font qu’il est difficile de recruter. Cette logique du « tout pour les patrons » consiste à répondre aux besoins de main d’œuvre par des formations non-qualifiantes. Et cela, dans le bassin d’emploi local. C’est donc une jeunesse assignée à résidence et obligée d’effectuer les travaux les plus pénibles.
Exit l’orientation choisie, comme pour les travailleurs privés d’emploi, il s’agit de contraindre les futurs travailleurs à accepter n’importe quoi qui soit baptisé emploi.
Par ailleurs des représentants du patronat entrent dans les lycées par le biais d’un bureau des entreprises censé effectuer le travail déjà fait par les DDFPT (Directeurs Délégués à la Formation Professionnelle et Technique), anciens chefs de travaux, comme faciliter la recherche de stage pour les élèves.
Enfin ce temps de stage, les PFMP (Périodes de Formation en Milieu Professionnel) va être étendu, dans un système de vases communicants avec l’enseignement général diminué et les élèves seront rémunérés pendant les stages, non pas par les patrons, bien sûr, mais par l’État. L’idée d’offrir une allocation aux élèves est intéressantes, elle figurait dans le plan Langevin-Wallon pour les collégiens et lycéens, afin de pallier les inégalités de revenus des parents. Mais ce n’est pas cela dont il s’agit. On ne rémunère que le parcours professionnel, ce n’est pas une allocation d’étude mais une aumône pour un travail encore plus gratuit pour le patronat.
 
Le Pacte
L’essentiel du financement de la réforme repose sur le fameux Pacte, c’est-à-dire un engagement, contre un financement indemnitaire (pas du salaire, donc) des enseignants volontaires à travailler plus dans des conditions qui peuvent être nuisible à la qualité de l’enseignement. Le gouvernement ne donnant pas de chiffres (ou des chiffres globaux fantasmés et invérifiables), il est difficile de savoir quelle proportion d’enseignants a accepté de passer sous les fourches caudines du Pacte. Néanmoins, le précédent ministre, Pape N’Diaye avait annoncé un objectif de 30 % d’enseignants acceptant le Pacte. Il est vraisemblable qu’il n’est pas atteint.
 
Enfin une riposte syndicale
Si l’ensemble des syndicats s’est prononcé contre cette deuxième réforme (ils ont quitté les négociations avec la ministre déléguée Carole Grandjean, en charge de la mise en place des consignes de Macron, tous ensemble), l’organisation de la lutte a du mal à se mettre en place, et on en reste à du cosmétique. Cinq syndicats de l’Enseignement professionnel (SNETAA-FO, CGT-Educ’Action, SNUEP-FSU, SNALC, SUD-Education) et le syndicat ultra-majoritaire des professeurs d’EPS, le SNEP-FSU appellent à une journée de grève le 12 décembre, veille du début de l’examen parlementaire de la réforme.

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