E.Vertuis
Partie 1
A la suite d’une longue crise politique, les élections ont porté au
pouvoir, le premier juin, une coalition étonnante et héteroclite, formée
d’une part du mouvement populiste “5 étoiles” et de l’autre de la
Ligue, une organisations nationaliste d’extrême-droite. Pour obtenir un modus vivendi entre
les deux forces, un juriste “indépendant” Giuseppe Conte, a obtenu le
poste de premier ministre, tandis que les dirigeant des deux partis
assurent la vice-présidence. Les ministres, quant à eux, semblent tout
droit sortis d’un cauchemar fiévreux. Une ministre de la santé aux
thèses conspirationnistes sur les vaccins, un ministère de
l’environnement dirigé par un général des carabiniers, un ministère de “l’Agriculture, de la Famille et du Handicap” (sic.) confié
à Lorenzo Fontana, qui est catholique anti-avortement, ça ne s’invente
pas, et un ministère de l’intérieur confié à Matteo Salvini. Gérard
Collomb aura ainsi le plaisir de coopérer directement avec le leader de
la Ligue du Nord. Etant donné la passion de l’un et l’autre pour la
question de la lutte à outrance contre les réfugiés, il est plus que
certain qu’ils auront matière à discuter ensemble.
De fait, la terrible histoire de l’Aquarius a
démontré la communauté de vue entre le gouvernement français et le
gouvernement italien sur la question du traitement des migrants et des
migrantes qui fuient les guerres que les impérialistes ont eux-même
attisées.
L’Aquarius est
un navire de secours battant pavillon italien, qui a pris en charge 630
naufragés et naufragées en mer Méditerranée. Devant faire route vers
l’Italie, il a été interdit d’accès au port par décision du ministre de
l’intérieur, lequel a obligé le navire, surchargé, manquant de vivres et
de médicaments, à errer en mer. Malgré qu’Emmanuel Macron ait critiqué
la “part de cynisme et d’irresponsabilité du gouvernement italien”,
celui-ci n’a pas daigné apporter la moindre aide au navire, qui est
pourtant passé à 17 km des côtes Corses.
Ce
n’est que lorsque le port de Valencia, dans l’Etat espagnol, a accepté
de prendre en charge le navire que la fibre humanitaire de la France
s’est réveillée, promettant toute l’aide possible à la ville.
La brouille n’a d’ailleurs pas empêché une rencontre entre Giuseppe
Conte et Emmanuel Macron quelques jours plus tard. Rencontre sur fond de
tension, de la part d’une bourgeoisie monopoliste italienne qui voit
dans la France l’Etat qui lui a volé ses relations de clientèle avec la
Libye. Mais surtout difficulté de compréhension entre deux lignes
politiques réactionnaires mais antagoniques : une qui se veut
ultra-libérale, l’autre qui opine déjà de manière beaucoup plus marquée
pour des solutions simili-fascistes. Un pro-européen convaincu face à un
eurosceptique par la droite.
L’Italie, par ailleurs, connaît une période trouble et clivante.
L’extrême-droite garde des bastions importants. Durant la guerre froide,
les réseaux stay-behind de la CIA et l’opération Gladio ont
été des sinécures pour les anciens partisans de Mussolini ainsi que le
moyen d’en recruter des nouveaux, pour lutter contre la puissance du PCI
de l’immédiat après-guerre. Il n’y a pas eu de réelle “défascisation”
dans le pays ou la petite-fille du Duce peut siéger au nom d’un parti
qui propose les mêmes idées que son grand-père.
Dans les rues, les défilés de Casapound,
une des organisations de masse fasciste, rythme une vie politique
chaque fois davantage gangrénée par l’extrême-droite. Une extrême-droite
qui n’hésite pas à tuer, comme le démontre le cas de Soumaïla Sacko,
militant syndicaliste immigré, qui défendait les droits des travailleurs
surexploités dans les latifundas du sud, dans lesquels les conditions de travail n’ont guère changé depuis l’Empire.
Dernièrement, le gouvernement italien a d’ailleurs annoncé son
intention de ficher les membres de communautés Rroms, dans une logique
qui ne peut qu’évoquer de bien tristes souvenirs. Souvenirs d’autant
plus avivés par l’annonce de la part des ministres de l’intérieur
Allemand ( Horst Seehofe, CSU), Autrichien (Herbert Kickl, FPÖ) et
italien de former un « axe des volontaires contre l’immigration ». Dans
une formulation qui, au mieux est maladroite et de mauvais goût, au pire
est une véritable provocation. Ce sont d’ailleurs des aspect sur
lesquels nous reviendront, tant les destins de l’Allemagne, de
l’Autriche et de l’Italie sont liés.
Dans un pays où l’Etat comme les ménages sont endettés jusqu’au cou,
les immigrés servent de bouc émissaires et sont pointés du doigt comme le problème
de société. La question de l’immigration, travaillée depuis des années,
devient une bombe à retardement tout comme une position virale,
contaminatrice, qui explique notamment l’alliance étrange -au premier
abord- entre le mouvement 5 Étoiles et la Ligue.
Italie, populisme et faillite de sa forme « de gauche »
partie 2 :Une alliance révélatrice
E.Vertuis
L’accord signé entre les deux organisations à mis mal à l’aise plus
d’un observateur. Le mouvement des 5 étoiles, se voulant un mouvement de
démocratie directe, autour de cinq valeurs : “eau, à l’environnement, aux transports, (…) développement et (…) énergie”. Thématiques qui évoquent le progressisme, sur le papier. Sur le papier, car dans les faits, l’intérêt porté à des thématiques
et des sujets de détermine pas la manière dont ils seront traités, et
surtout le contenu politique de ce traitement. Comme tous les mouvements
populistes, le mouvement des 5 étoiles ne le fait jamais clairement. Il
ne détermine pas de position précise, pour conserver sa possibilité
d’avoir la base la plus large -même si elle est contradictoire- et ainsi
gagner en influence. Seulement le flou, en idéologie comme en
politique, profite systématiquement aux tendances les plus libérales et
les plus droitières. L’absence de physionomie politique signifie une
illusion de démocratie, mais en pratique l’opportunisme et la
conciliation avec les réactionnaires.
C’est là la faillite du populisme depuis ses origines. Le mouvement russe des narodnichestvo, à la fin du XIXème siècle peut être considéré comme un des ancêtres du populisme. Dans les faits, sa thèse était celle d’une « croisade vers le peuple », dont
le but était de réaliser les souhaits des larges masses populaires.
Déja, à ce moment là, ce mouvement non-marxiste était périmé dans sa
conception théorique tout comme dans son moyen politique d’organisation.
Ce mouvement s’est d’ailleurs scindé en deux branches, l’une qui s’est
engagée dans la voie du terrorisme individuel, l’autre dans le
réformisme. Les deux branches ont pris des voies qui étaient des
impasses stratégiques, mais qui révèlent une tendance de gauche
aventuriste et une tendance de droite opportuniste.
Dans un sens, cette dualité existe toujours au sein des organisations
non-marxistes. Les organisations libertaires sont quelque part les
héritières de ce passé, dans leur volonté de « réaliser les souhaits des
masses » sans prendre en compte les questions clivantes en leur sein,
en voulant ne jamais faire « d’oppression » au point de pouvoir tout
tolérer, dans la mesure où cela participe à l’épanouissement individuel.
Elles ont un caractère d’aventurisme, mais un fond qui demeure
libertaire et de facto,
bien que la bonne volonté et les bonnes intentions de leurs adhérents
ne soient pas à mettre en doute, un contenu libéral. Leur volonté est
sincères, mais leur méthode de raisonnement, partant de principes pour
aller vers la réalité concrète, et non de la réalité concrète pour
déterminer une stratégie, les conduit dans une gestion des questions
politiques sans autres angles que celui de la tactique. Cependant on ne
saurait les dire « populistes » au sens actuel du terme.
Populisme, aujourd’hui, a pris un sens nouveau. Un sens ambivalent, à
la fois relié à l’extrême droite tout comme à certains groupes « de
gauche ». D’une part le terme est devenu péjoratif, personne ou presque
ne se revendique « populiste », mais sa définition elle même a changé.
Le dictionnaire en ligne « la toupie » le définit ainsi : « En politique, le populisme désigne l’idéologie ou l’attitude de certains mouvements politiques qui se réfèrent au peuple pour
l’opposer à l’élite des gouvernants, au grand capital, aux privilégiés
ou à toute minorité ayant « accaparé » le pouvoir… accusés de trahir
égoïstement les intérêts du plus grand nombre. Pour les « populistes »,
la démocratie représentative fonctionne
mal et ne tient pas ses promesses. Prônant une démocratie plus directe,
ils ont donc pour objectif de « rendre le pouvoir au peuple ». »
Derrière
ce terme, un grand nombre d’organisations se retrouvent. Ce qui les
unifie derrière un patrimoine génétique commun, c’est leur analyse
déformée des rapports sociaux, où une nébuleuse « le peuple » s’oppose à
une autre nébuleuse « l’élite », « l’establishment » …etc. Si
l’apparence est louable, le font est nettement plus pervers. « Peuple »,
n’y a t’il pas de terme qui soit plus flou, plus vague, sans contenu de
classe, sans conception des contradictions au sein de la société et de
la place dans l’appareil de production capitaliste ?
Ce qui démarque le populisme du marxisme, au delà de l’analyse, c’est
que le second a vocation a combattre les conceptions rétrogrades, les
conceptions réactionnaires, les erreurs qui se trouvent dans les
raisonnements que peuvent avoir les masses. Elle reconnaît le fait que
l’idéologie dominante, donc les idées dominantes, sont celles des
classes dominantes, soit celles de la bourgeoisie. De plus, les
organisations communistes combattent dans le but de transformer les
rapports sociaux -dont principalement les rapports de production, de
rapports capitalistes en rapports socialistes. Il ne s’agit pas pour
autant de surimposer une volonté extérieure par la force, mais bien de
soutenir les idées justes qui préexistent au sein des masses, de leur
permettre de s’affirmer et de devenir hégémoniques.
Le but des populistes, quant à lui, est justement d’aduler les pensées
dominantes au sein des masses, de les flatter, de les exacerber. Il
s’agit non pas de transformer les rapports e production, les rapports
sociaux, de faire évoluer les pensées, mais simplement de « réaliser les
rêves » du « peuple ». Dès lors, il s’agit de parler avec « bon sens »,
de dire ce que le « peuple » veut entendre. Les exploités et exploitées
trouvent le système économique injuste, il suffit de se proclamer
« anti-système » et de pointer du doigt les travers évident que celui-ci
peut avoir, en promettant de le changer. Les impôts sont haïs ? Ils
seront baissés… La démagogie est le fond de commerce du populisme. Elle
est également sa faille la plus profonde.
Les réactionnaires ont trouvé dans le populisme une manière de pouvoir
avancer leurs thèses. Il suffit de flatter ce qu’il y a de plus
réactionnaire dans la société pour engranger des voix. Pour échapper au
classement dans l’échiquier politique, les populistes ont fait le choix
de se déclarer « ni de droite, ni de gauche », mais présentent des
conceptions transcendantales : la nation, le peuple… Il n’est pas même
nécessaire de rechercher la cohérence, car celle-ci est
contre-productive dans la course au pouvoir. Il s’agit par ailleurs de
détourner la colère ou le sentiment d’injustice que peuvent connaître
ceux qui subissent l’exploitation -tout comme même la petite bourgeoisie
qui se sent menacée par la grande ou par la concurrence- et de le
détourner vers d’autres parties des exploités et exploitées. Ainsi, la
question de l’immigration est utilisée comme épouvantail constant.
L’argument de l’existence de « parasites » qui drainent les finances des
contribuables d’un côté, et qui prennent les emplois de l’autre est
pourtant on-ne-peut-plus-creux. Mais en surinfectant une xénophobie
atavique, viscérale, il est tout à fait possible d’y greffer le racisme.
Les sirènes de la démagogie sont séduisantes, mais ne mènent qu’a
l’arrivée au pouvoir des laquais des franges de la bourgeoisie les plus
réactionnaires et les plus chauvines.
Si l’extrême-droite utilise beaucoup la démagogie, elle n’en a pas le
monopole. Une partie de la gauche s’en est également emparée, dans le
but, là aussi, de se hisser vers les hautes sphères de la politique et
vers les lieux de pouvoir.
Italie, populisme et faillite de sa forme « de gauche » – partie 3
Le populisme de « gauche ».
E.Vertuis
Pourquoi
des guillemets sur ce terme ? Car, fondamentalement, le populisme est
une notion qui est réactionnaire. Réactionnaire tant au niveau des
valeurs qu’elle met en avant, mais réactionnaire également au niveau de
son positionnement dans la lutte des classes, du fait qu’elle tire en
arrière les consciences politiques des ouvriers, des ouvrières, comme
des exploités et exploitées en général. En escamotant la question de
l’exploitation, la question du capitalisme, la question des
contradictions au sein du peuple, elle prête le flanc aux conceptions
rétrogrades, au social-chauvinisme, même parfois à une géopolitique
paranoïaque qui frise le conspirationnisme.
L’accusation
de populisme « de gauche » qui vise régulièrement la France Insoumise a
un côté paradoxal qui s’illustre dans la réaction qu’ont ses adhérents
vis-à-vis du gouvernement italien. N’allons
pas faire des procès d’intention là où il n’y a pas lieu d’être. La
base de la France Insoumise est, d’une manière générale, sincèrement révulsée
par les déclarations et les prises de position du nouveau gouvernement
italien. En revanche, la direction, incarnée par Jean-Luc Mélenchon, a
été beaucoup plus timorée à s’exprimer contre le mouvement des 5 étoiles
et son alliance avec la Ligue du Nord. Dans un article nommé Berlin peine à former le gouvernement italien sur
le site Melenchon.fr, le tribun expose sa grille de lecture :
l’important, l’essentiel, c’est de résister à l’Allemagne de Merkel, qui
serait la puissance dominante sur le continent Européen. L’Union
Européenne serait un IV ème Reich et,
dans cette analyse ahurissante, le gouvernement italien, gouvernement
« anti système », serait un pôle de résistance. Ainsi, la thèse
principale est la suivante : « Un
des pays fondateurs de l’Union européenne a reçu la foudre de la
Commission européenne et de son maître berlinois. L’Union européenne a
montré où était sa main de fer. Plutôt que de laisser nommer un ministre
des Finances qui ne convenait pas à Berlin, le président de la
République italienne a joué la terre brûlée. »
Cette grille d’analyse, in fine,
est ne grille d’analyse qui ne voit dans les relations économiques, que
la main des États, et qui ne voit pas la question de classe sociale et
des intérêts de celle-ci. Si des choses sont à condamner dans l’attitude
du gouvernent italien, elles ne sont pas évoquées. Ce qui importe est
la « seule et unique responsabilité de la situation [qui] vient
des diktats de Bruxelles et de la brutalité des gouvernants allemands.
Berlin peine à trouver des marionnettes convaincantes en Italie pour
garantir sa domination. »
Nous
ne doutons pas que la base de la FI soit pétrie de bonnes intentions et
d’une volonté de croiser le fer avec les capitalistes. Seulement elle
se heurte à un paradoxe, qui est celui de la question de l’impérialisme.
Même amoindri, le niveau de vie en France est dopé artificiellement par
l’impérialisme. Le confort et les avantages sociaux en sont les miettes
et les retombées. Hors la négation de l’impérialisme français, du
néocolonialisme, de la surexploitation, n’est pas qu’une question de
principe. Il s’agit d’un nœud gordien. La croissance économique et le
commerce extérieur du capitalisme français est au cœur des déclarations
de Jean-Luc Mélenchon. Ses pleurs sur la place de la France dans la
monde tout comme sa joie sur l’agrandissement de sa ZEE sont tout autant
d’expressions révélatrices d’une pensée politique marquée par un
chauvinisme atavique. Pour autant, nous ne sauterons pas à pied joints
dans l’appellation « populiste » que certains accolent à Jean-Luc
Mélenchon, mais il n’est pas possible de taire le fait que certains
membres de son organisation ont un discours plus que marqué par cette
tendance. L’exemple même étant le barbouze Djordje Kuzmanovic, dont les
déclarations réactionnaires récurrentes illustrent bel et bien le fait
que cette ligne existe au sein de la FI.
A
ses yeux, un capitaliste comme Dassault était un « bon capitaliste »,
car, au travers d’une analyse économique très colbertiste, il apportait
de l’argent « au pays ». En revanche, une fusion comme celle de Nexter
et de Rheinmetal-Borsig est « mauvaise » car elle soumettrait les
capitalistes français (civilisés et pétris de valeurs républicaines) à
leurs homologues Allemands (sauvages prussiens). Cette analyse
économique bas de gamme ne résiste pas à un examen plus sérieux, les
fusions acquisitions n’étant pas nécessairement un signe de bonne santé
économique, et il n’est pas exclu que cette fusion, aussi étrange
soit-elle, ne soit simplement un préalable à l’absorption d’une
Deutschbank épuisée par la BNP Paribas. Une absorption qui devrait donc
réjouir le tribun.
Outre
Rhin, justement, un exemple de fracture populiste se forme. Die Linke,
qui est une clique fourre-tout, s’est montrée incapable de réaction
vis-à-vis des dernières élections Allemandes. Surtout, elle est à la
croisée des chemins. Son aile droite, dirigée par des ex-membre du SPD,
semble vouloir scissionner sur la question de l’immigration. Oskar
Lafontaine et Sarah Wagenknecht se sont ainsi illustrés par leur
tentative de renverser la ligne favorable à l’acceuil des réfugiés au
profit d’une ligne visant à copier les positions de l’extrême-droite.
Leur idée est d’aller sur le terrain d’Alternativ für Deutschland,
et se montrer plus inflexibles qu’eux -si c’est possible- sur la
question de l’immigration, en reprenant des thématiques sur le coût de
l’accueil et sur l’impact sur le niveau de vie des travailleurs
Allemands. Mis en minorité lors du congrès, les deux brillants orateurs
-reconnaissons-le- semblent vouloir opérer une scission pour créer leur
propre organisation populiste. En ce faisant, ils légitiment les prises
de position politiques de l’AfD et renforcent son influence. Voilà où
mène le fait de caresser les idées réactionnaires dans le sens du poil
et de ne jamais vouloir aller contre les idées influentes au sein des
masses, même si celles-ci sont réactionnaires voir pogromistes.
Italie, populisme et faillite de sa forme « de gauche »
partie 4
E.Vertuis
L’amour de la bourgeoisie pour le populisme.
La bourgeoisie apprécie-t-elle le populisme ou non ? Il s’agit d’un
d’une question qui mérite d’être creusée. Dans un sens, les
revendications populistes sont contradictoires avec le libéralisme
officiellement défendu par la bourgeoisie monopoliste. Le chauvinisme,
l’antilibéralisme, la « partriotisme économique » s’opposent au
libre-échangisme, au libéralisme, à la dérégulation. Dans les faits, la
réalité est plus complexe. Au libéralisme triomphant du XIXe siècle a
succédé rapidement la saturation et le monopole. Quelques soient les
discours officiels, quelques soient les conférences internationales, les
GATT, les OMC, le libéralisme « réel » est moribond. En fait de
concurrence, ce sont les négociations entre trusts, en fait de
libéralisme et d’indépendance entre les entreprises et l’Etat, voir même
conflit entre les deux, il y a une véritable fusion entre Etat en
grands trusts. Le capitalisme monopolistique est un capitalisme
monopolistique d’Etat. Il en vit, il en use, il en dépend même ! Les
commandes d’Etat et la politique d’Etat sont faits pour servir au mieux
les intérêts des grands trusts. Les difficultés de ceux-ci sont
une affaire d’Etat et leur survie peut faire appel aux deniers publics,
dont à des prélèvements sur salaires pour maintenir ou augmenter les
bénéfices des capitalistes. La géopolitique du pays est décidée par les
intérêts de ces immenses conglomérats Malgré l’image d’une France de
PME, la quasi intégralité du tissus industriel est relié d’une manière
ou d’une autre à ces grandes entreprises dominantes. Combien de
sous-traitants, combien d’exécutants ? Les branches les moins rentables
sont externalisées, formant ainsi des petits groupes qui vivotent, des
petits bourgeois qui vivent dans l’endettement et peinent à garder la
tête hors de l’eau, mercenaires de grands groupes.
Comprendre cela permet de se poser la question différemment. La grande
bourgeoisie peut user sans le moindre problème de tactiques différentes,
y compris en appliquant une partie du programme des populistes. Dans le
fond, les réclamations de la part des certaines organisations, de
droite ou de « gauche », peuvent très bien faire les affaires de la
grande bourgeoisie. L’hostilité envers un autre impérialisme, jugé
opposés aux intérêts du « peuple » français, est quelque chose qui est
potentiellement exploitable. Le « produire français » porte ce relent
douteux. Car il ne signifie par « produire « éthique » » contre la
mondialisation, il signifie simplement « produire dans le cadre de
l’espace économique dominé par l’impérialisme ». Admettons que le
programme économique du FN ou de la FI soit appliqué, sans qu’il soit
question de mettre l’un et l’autre sur un pied d’égalité, cela
signifie-t-il une remise en cause du capitalisme ou de l’impérialisme
français ? Non.
Dans l’exemple actuel, et si on s’intéresse aux États qui ont opté pour
un pouvoir populiste, on observe que la grande bourgeoisie s’est
montrée plus que conciliante vis-à-vis d’organisations et de programmes
censés aller contre ses intérêts. Ils ont une particularité, qui est
d’être dans l’orbite Allemande, et d’avoir été les réceptacles
d’investissements de la part de l’Allemagne. Investissements et prêts
qui ont été particulièrement risqués, et qui se paient aujourd’hui. A
l’heure actuelle, un risque de faillite de la Deutsch Bank n’est pas
inenvisageable. Cette faillite aurait des répercutions terribles sur
l’ensemble de l’Europe, jetant dans la misère un nombre considérable de
prolétaires. Cette faillite est pour le moment contrée par une forte
activité de la BCE, dans le but de tresser un coussin de plumes pour
amortir le choc. De fait, la planche à billets tourne à grande vitesse,
pour éponger les dettes. Cette planche à billet est d’ailleurs un
phénomène fascinant sur la nature de l’euro, qui est une « fausse
monnaie unique. » Les États peuvent produire des euros avec un contrôle
relativement faible de la BCE, ce qui explique l’existence de casa de papel
dans de les États membres de l’UE. Les grands capitalistes d’Allemagne
sont d’ailleurs parmi les plus méfiants vis-à-vis de l’euro, du fait de
la situation économique. Savoir, en revanche, quand cela tombera est du
domaine de la prestidigitation tant les paramètres sont nombreux.
Dans ce marasme économique, les partis populistes préparent les masses
populaires à la misère et à la caporalisation de la société, parfois
même contre leur volonté à l’origine. Du fait de leur base sociale, ils
sont condamnés à jouer ce rôle. De fait, cette base est
petite-bourgeoise. Dans les États dominés par l’impérialisme, par
exemple le populisme sud-américain, cette petite-bourgeoisie, cette
bourgeoisie nationale, s’est appuyée sur les masses pour, parfois,
réaliser un pas en avant vers le progrès -chasser l’occupation
étrangère, repousser les tentacules de l’impérialisme- sans pour autant
pouvoir mener les choses à un autre terme qu’a la poursuite d’un système
d’exploitation. Dans les pays impérialiste, le postulat de départ est
d’ores et déjà réactionnaire. Au final, ils mobilisent les masses
populaires dans l’intérêt de la bourgeoisie, et gouvernent pour
celle-ci. Ils ne servent qu’à une chose, c’est d’interface pour la
dictature bourgeoise, se parant des oriflammes du discours populaire, du
discours sur la nation, du discours sur le peuple. Même si ce
gouvernement peut donner l’impression de combattre la bourgeoisie, ce
combat n’est rien d’autre que cosmétique. Les seuls reproches que font
les populistes aux grands capitalistes sont sur leur gestion, sur leur
morale, sur le fait qu’ils « ne servent pas bien les intérêts de la
nation », mais jamais sur leur existence sociale, ou uniquement de
manière invocatoire et idéaliste, de l’ordre de la moralisation de la
bourgeoisie.
Les partis populistes ne sont donc pas en mesure de mettre en place
leur programme, ne sont que des charlatans. Ils ne sont absolument pas
en mesure de pouvoir stopper la crise. En revanche, ils l’accompagnent
et accompagnent le plongement dans la misère, en le détournant de sa
voie de résolution finale, la révolution, pour l’entraîner sur une voie
de garage : la soumission absolue aux franges les plus réactionnaires de
la société. Les populistes, in fine, livrent à la bourgeoisie
les masses, pieds et poings liés. Ils proposent comme sortie de crise,
le parant de vertus, le fait de se sacrifier, de se serrer la ceinture,
le fait, également, de se préparer et d’accepter un repartage du marché
mondial, par le conflit, par la guerre.
Italie, populisme et faillite de sa forme « de gauche »
Partie 5 : Les voies sans issues.
E.Vertuis
Le populisme, quelque soit sa forme, n’est pas une
issue pour les exploités et les exploitées. Il ne porte en lui que les
ferments de la défaite et de la soumission aux intérêts des fractions
les plus réactionnaires de la grande bourgeoisie. Cette voie est sans
issue.
Fondamentalement, la question sous-jacente, derrière
le populisme, est celle, immense, du réformisme. Pas uniquement le
réformisme « conscient » et assumé, mais également celle du réformisme
insidieux, niché dans ce qui pourrait passer pour des détails, mais qui
est, en réalité un ensemble de questions fondamentales et stratégiques.
Ce qui démarque une organisation réformiste d’une organisation
révolutionnaire n’est pas simplement que quelques mentions incluses dans
les corpus de textes, ce n’est pas qu’une question de symbole. Il
s’agit de questions profondes, dont les ramifications et les
implications se retrouvent tant dans le fonctionnement de l’organisation
que dans sa structure et dans son programme (au sens de programme de
développement et d’action, pas au sens de programme électoral.)
Au delà du Parti Socialiste, rares sont les
organisations d’ampleur ou les individus qui les soutiennent, à se dire
réformistes et à assumer clairement le fait de ne voir de changement
possible qu’au sein du cadre électoral. La connotation du terme
réformiste est fort médiocre et renvoi une image fort peu attrayante.
C’est pour cela qu’il est toujours préférable, y compris pour le plus
plat des réformistes, de se maquiller derrière le terme de
révolutionnaire. Même les fascistes les plus réactionnaires et les plus
fervents laquais de la grande bourgeoisie tentent d’usurper ce terme.
L’usurpation passe par jouer avec les mots, en
parlant de révolution avec des conditions implicites ou explicites.
Révolution dans le cadre des institutions, révolution nationale,
révolution citoyenne… ect. Les variations ne manquent pas. Dans les
faits, deux voies se dégagent, celle de l’économisme et celle de la
politique réformiste.
Les organisations révisionnistes -au sens de celles
qui ont jeté par dessus bord le marxisme pour en adopter une version où
la transition vers le socialisme se fait de manière pacifique- sont des
maîtresses dans l’utilisation de termes cryptiques pour donner du corps à
leurs dires, donner des perspectives à leurs auditeurs, mais qui sont
bien en peine d’expliquer le détail de leur affaire. Bien souvent les
revendications sont purement et simplement économiques, un meilleur
salaire, un meilleur emploi, des retraites plus fournies… en somme
celles d’un syndicat. Quant au politique, il est relégué sous des
revendications dignes de la fin des années 40 et des concessions avec
les gaullistes : nationalisation. Comme si la propriété juridique des
moyens de production définissait les rapports de productions. Tout au
plus, parle t’on de nationalisations démocratiques sous contrôle
ouvrier, chose dont la définition n’est jamais donnée. Comment est-il
mis en place ? Sous quelle forme ? Qu’est ce qui le différencie de
l’autogestion yougoslave, voir même de la cogestion à l’Allemande ? Tout
est laissé à l’imagination.
La seule référence est celle apportée par un Daniel
Bensaïd, militant à la LCR, lequel parle de l’application du programme
de transition trotskiste. Dans le même ordre d’idée, les trotskistes se
refusent à dépasser l’horizon des revendications économistes. Ce plafond
de verre explique les déclarations de Philippe Poutou et de Nathalie
Arthaud à la dernière présidentielle. Loin de briser le « quatrième
mur » celui de la dénonciation de la dictature de la bourgeoisie, les
déclarations sont restées dans le sillon du jeu de la bourgeoisie. Des
revendications économiques impossibles à satisfaire sous le capitalisme,
une négation de la question du pouvoir et de la révolution -de peur
d’effrayer les masses- en somme, une position réactionnaire, puisque ce
mettant non seulement à la remorque des parties les plus avancées des
travailleurs, mais tirant même leur réflexion en arrière, vers
l’économisme et le trade-unionisme le plus plat. Ces organisations
reculent devant l’obstacle, et mènent des combats d’arrière garde sans
jamais chercher à aller plus loin. Ce sont des organisations qui
condamnent à l’attentisme, à l’inaction, au dépérissement. Nullement
étonnant qu’elles soient court-circuitées et dépassées par d’autres,
pourtant elles aussi bardées de failles.
Si l’autre est politique et pose la question de l’accès au pouvoir, ce qu’elle y fait est –in fine–
pire. Le réformisme comprend la nécessité du pouvoir pour transformer
la société, mais, en revanche, est incapable de dépasser la conciliation
de classe avec la bourgeoisie. Autour de théoriciens comme Kautsky ou
Bernstein, les réformistes ont tenté de justifier leur renoncement
derrière des arguments qui ne résistent pas à l’examen. Ils ont escamoté
la dictature de la bourgeoisie de leur théorie, ils ont escamoté le
défaitisme révolutionnaire et l’anti-impérialisme. En catimini, en
fraude, ils ont inséré le soutien à l’impérialisme, en affirmant que la
victoire totale et mondiale d’un « super-impérialisme » apporterait une
exploitation dans la paix et la condition préalable à l’unité
prolétarienne et au triomphe de ses revendications.
Pour accéder au pouvoir, les réformistes se sont
montrés prêts à tous les opportunismes. Qu’importe qu’il faille
promettre monts et merveilles, qu’importe qu’il faille même flatter des
conceptions réactionnaires, tant que la fin est accomplie. Mais cette
fin d’accession au pouvoir, une fois acquise, qu’en font-ils ? Hormis
les rares moments où ils sont portés par un mouvement social – dans
lesquels ils agissent en vampires-, comme durant le Front Populaire ou
au début du mandat de Mitterrand, ils se tournent très rapidement vers
la capitulation. Pire, en se prétextant « bouclier du peuple », en
voulant le « protéger », tout en maintenant un consensus avec la
bourgeoisie, ils devancent les désirs de celle-ci. Ils œuvrent au nom
des masses, mais pour le compte des grands bourgeois. Comme le maintient
ce ce consensus est placé au dessus de tout -il garantit les places au
chaud pour les cadres des partis réformistes, des rentes confortables,
mais leur évite aussi d’avoir à sortir d’un rapport de cogestion de la
misère et de l’exploitation- les réformistes sont les fers de lance de
la répression. Le souvenir des Spartakistes, en 1919, ne doit pas être
oublié, car il illustre le véritable visage des réformistes : phrases
sociale, unité avec les réactionnaires les plus virulents.
Ni l’un, ni l’autre n’avancent. Comme l’écrivait Marx, dans le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte : « Mais le démocrate, parce qu’il représente la petite bourgeoisie, par conséquent une classe intermédiaire,
au sein de laquelle s’émoussent les intérêts des deux classes opposées,
s’imagine être au-dessus des antagonismes de classe. Les démocrates
reconnaissent qu’ils ont devant eux une classe privilégiée, mais eux,
avec tout le reste de la nation, ils constituent le peuple. Ce qu’ils représentent, c’est le droit du peuple ; ce qui les intéresse, c’est l’intérêt du peuple.
Ils n’ont donc pas besoin, avant d’engager une lutte, d’examiner les
intérêts et les positions des différentes classes. Ils n’ont pas besoin
de peser trop minutieusement leurs propres moyens. Ils n’ont qu’à donner
le signal pour que le peuple fonce avec toutes ses ressources inépuisables sur ses oppresseurs.
Mais si, dans la pratique, leurs intérêts apparaissent sans intérêt, et
si leur puissance se révèle comme impuissance, la faute en est ou aux
sophistes criminels qui divisent le peuple indivisible en plusieurs
camps ennemis, ou à l’armée qui est trop abrutie ou trop aveuglée pour
considérer les buts de la démocratie comme son propre bien, ou encore,
c’est qu’un détail d’exécution a tout fait échouer, ou, enfin, c’est
qu’un hasard imprévu a fait comprendre cette fois la partie.
En tous cas, le démocrate sort de la défaite
la plus honteuse tout aussi pur qu’il était innocent lorsqu’il est entré
dans la lutte, avec la conviction nouvelle qu’il doit vaincre, non pas
parce que lui et son parti devront abandonner leur ancien point de vue,
mais parce que, au contraire, les conditions devront mûrir. »
Face au mur de l’échec et de l’incapacité, deux voies
de sortie se forment, à celles et ceux qui restent dans cette
stratégie. Celle du dogmatisme atemporel, dans lequel se réfugient les
trotskistes, rêvant du moment où la révolution se fera, pestant contre
les « trahisons », incapable d’examiner la réalités, formulant des
pronostics idéalistes, sur la base de grands principes, incapable de
comprendre leur propre rôle dans cet échec.
Celle de ceux qui, comme la viande pourrie, laissent
filer un jus puant. Cette décomposition donne naissance à l’opportunisme
le plus crasse, le plus sale, celui des Valls, celui des Collomb, celui
de ceux qui sautent à pied joints dans le soutien aux plus virulents
réactionnaires, aux plus virulents exploiteurs. Il est celui que prend
la fraction de die Linke mentionnée plus haut. Il est celui incarné par les tweets
de certains membres de la FI sur la défaite footballistique de
l’Allemagne : une déclaration de chauvinisme et d’opportunisme sans
bornes.
Quels chemins restent ouverts ?
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