Wednesday, February 6, 2013

Tunisie eclate




 ecrit par
 Partisan
voie proletarienne
france


Les élections de l’assemblée nationale constituante du 23/10/2011 ont donné au parti « Ennahdha » (Islam politique) et ses deux alliés ( du « centre ») une majorité de sièges. Le gouvernement est issu de ces trois partis, avec une domination d’Ennahdha. Une semaine après la formation de ce gouvernement, les représentants des trois partis ont exprimé leur agacement face aux grèves, protestations et revendications populaires. Des représentants des 3 partis ont accusé l’extrême-gauche de raviver les tensions sociales « pour compenser son échec électoral »…

Ennahdha et Ben Ali, deux faces de la même médaille

En avril 2012, la police, épaulée par la milice armée du parti islamiste au pouvoir, a réprimé une grande manifestation des chômeurs, des familles des victimes (morts et blessés) de la « révolution ». Puis est venu le tour des journalistes, des femmes, des syndicalistes, des enseignants, artistes etc… Bref toutes les catégories sociales ayant participé à la chute des symboles du pouvoir de Ben Ali ont été réprimées. Les habitants de Sidi Bouzid, de Kasserine et des régions défavorisées ont repris les manifestations de rue depuis le mois de mars 2012… Les locaux syndicaux de l’UGTT ont été saccagés, brulés. Lors de la grève des éboueurs, les membres du parti au pouvoir ont déversé les déchets et les détritus devant ou dans les locaux de l’UGTT dans plusieurs villes, le même jour, tôt le matin…
Le gouvernement islamiste a multiplié les appels aux investisseurs étrangers, en promettant « d’assouplir la législation du travail » (qui est déjà trop « souple »). La dette extérieure a enflé. La dépendance à l’égard de l’UE, le FMI et la Banque Mondiale s’est renforcée… Face à ceux qui demandent la suspension de la dette (même pas l’annulation), les islamistes et leurs alliés répliquent : « Nous honorerons les dettes. C’est une question de crédibilité » !
Sur le plan international, Rached Ghannouchi (fondateur et président d’Ennahdha, véritable homme fort du pouvoir islamiste) a effectué, en décembre 2011, une visite aux Etats-Unis, sur invitation du « Washington Institute », véritable think-thank de droite, fondé par des conservateurs et l’AIPAC, le plus grand lobby sioniste au monde. Il a déclaré en public, puis à des médias israéliens, que la question palestinienne ne le concerne pas. « Je ne m’occuperai que de ce qui se passe en Tunisie »… Quelques semaines après, le gouvernement islamiste a accueilli une réunion internationale des « amis de la Syrie », initiée et financée par le Qatar, l’Arabie Saoudite ( les sous-traitants des Etats-Unis). La Tunisie est un des premiers pays qui a demandé une intervention étrangère en Syrie et en a expulsé l’ambassadeur, avant même ses bailleurs de fonds…
En résumé, ce gouvernement ne diffère guère de celui de Ben Ali concernant ses rapports avec les forces impérialistes, avec leurs organismes de domination économique et financière ( FMI, BM, OMC…). En politique intérieure, il a pris position contre les chômeurs, les travailleurs et leur syndicat, les populations pauvres des régions de l’ouest tunisien… Il a multiplié les atteintes aux libertés démocratiques et individuelles, les agressions répétées et impunies, menées par des groupes dits salafistes contre des mouvements sociaux, des femmes, des artistes, intellectuels, syndicalistes et représentants de divers autres secteurs de la vie politique et sociale en Tunisie…

Le chaînon manquant : le parti

La gauche, dont les militants sont omniprésents dans toutes les luttes, tente de s’organiser au sein du « Front populaire du 14 janvier ». Objectif : « représenter une alternative crédible à la droite religieuse représentée par le mouvement islamiste Ennahdha et ses alliés, et à la « droite libérale » dont le noyau dur est le Mouvement Nidaâ Tounes créé récemment par l’ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi, qui représentent des forces contre-révolutionnaires. Ils sont, en fait les deux faces d’une même monnaie, à savoir la droite libérale…
La plateforme du Front du 14 janvier prévoit notamment « l’encouragement d’un développement économique au service du peuple, la re-nationalisation des secteurs stratégiques qui ont été privatisés, la formulation d’une politique économique et sociale qui rompt avec l’approche libérale capitaliste (…), le lancement de négociations avec les bailleurs de fonds internationaux en vue de suspendre le paiement de la dette extérieure pendant quelques années et la création d’un fonds spécial dédié à l’investissement dans les régions défavorisées… »
Malgré le caractère de classe de la révolte, le pouvoir est resté entre les mains des forces de droite capitaliste, libérale, réactionnaire et pro-impérialiste. Malgré la participation des militants de la gauche marxiste à toutes les actions dès le début de la révolte à Sidi Bouzid le 17/12/2011, la gauche s’est trouvée marginalisée et exclue du processus de changement… La gauche n’avait pas (et n’a toujours pas) de parti digne de ce nom, pour présenter une alternative aux « droites » qui se sont succédées depuis la fuite de Ben Ali. C’est toujours la même classe ou alliance de classes qui gouverne. Les revendications d’aujourd’hui sont presque les mêmes que celles de décembre 2011/janvier 2012… Il y a eu un changement à la tête de l’Etat, mais c’est le même appareil, avec les mêmes composantes de classe, les mêmes méthodes.
L’Etat ne se limite pas à une personne (Ben Ali), à son outil de pouvoirs (le parti RCD). L’Etat est un appareil entre les mains d’une classe sociale. Cet appareil (armée, police, justice…) lui sert d’outil de contrôle social et de répression. Si, en face, il n’y a pas de parti organisé qui présente une alternative de classe (et pas seulement démocratique), la tête de l’Etat peut changer mais les classes qui gouvernent restent en place…
En Tunisie comme ailleurs, le « peuple » peut se révolter, mais le résultat ne sera garanti que si le peuple possède un outil, un programme et des militants capables de gouverner.

Hussein Al-Ahouazi, septembre 2012 

Tunisie eclate 


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