L’accord
de libre-échange nord-américain (ALENA) qui est entré en vigueur
officiellement le 1er janvier 1994 constituait lors de sa mise en œuvre
d’une extension au Mexique de l’accord économique qui liait déjà les
États-Unis et le Canada depuis 1989. Comme chacun le sait maintenant,
l’administration Trump à titre de représentante des intérêts
capitalistes américains a imposé à ses partenaires économiques une
renégociation de l’entente afin de mieux satisfaire les intérêts
impérialistes des États-Unis. De fait, lors de la dernière
campagne électorale américaine, Trump a fortement insisté sur l’idée
selon laquelle l’entente de libre échange était la principale cause du
déficit commercial américain et du déclin du secteur manufacturier des
États-Unis au cours des trente dernières années.
RETOUR SUR L’ALENA
Ce
qui s’est formé avec l’ALENA est une importante zone de marché de plus
de 400 millions de personnes et partageant un produit intérieur brut
(PIB) de plusieurs milliers de milliards de dollars. L’intégration des
économies des États-Unis, du Canada et du Mexique a ainsi favorisé
l’émergence et le développement d’un puissant bloc capitaliste capable
de rivaliser avec d’autres importants blocs économiques, notamment le
bloc composé par les États membres de l’Union Européenne (ÉU).
Grâce
à l’ALENA, les États-Unis sont devenus la plaque tournante des échanges
régionaux en Amérique. De fait, les membres de l’ALENA entretiennent
entre eux des liens étroits. Plus particulièrement, le Canada et le
Mexique occupent une place privilégiée auprès des États-Unis
(représentant les deux premiers marchés à l’exportation des États-Unis),
si on tient compte de leur poids respectif réel dans l’économie
mondiale (i.e. PIB équivalant à 1,3% et 1,9% du PIB mondial en 2016 pour
le Canada et le Mexique respectivement). Par ailleurs, les États-Unis,
dont le poids dans le PIB mondial atteignait 15,5% en 2016, sont le
principal partenaire commercial du Mexique et du Canada. Ces derniers
ayant respectivement exporté, en 2016, 81,3% et 76,4% de leurs
marchandises aux États-Unis tandis que 46% et 52,2% de leurs
importations provenaient respectivement des États-Unis.
Étant
donné un tel rapport étroit entre les différentes économies
capitalistes, il apparaissait normal que ces dernières cherchent à
pérenniser les rapports qu’elles entretiennent les unes avec les autres
afin d’assurer le fonctionnement de l’ensemble économique nord
américain. Toutefois, il ne faudrait pas oublier que derrière toute
entente entre capitalistes se cache toujours et nécessairement
l’organisation régionale de la division du travail entre États qui
permet de faire perdurer les rapports d’exploitation les plus favorables
pour le capitalisme au détriment des prolétaires (et de la paysannerie
si on considère le Mexique)
.
.
LE RÔLE DES ACCORDS ÉCONOMIQUES SOUS LE CAPITALISME
L’apparition
et le développement d’ententes économiques entre États ( mais ayant
sans contredit des ramifications au niveau politique, social et au
niveau culturel) qui par ailleurs compétitionnent férocement les uns
avec les autres sur les marchés s’explique par les exigences d’extension
du marché capitaliste et découle principalement de la crise généralisée
du capitalisme qui a imposé à l’ensemble des capitalistes l’obligation
de mettre en œuvre une politique générale visant à étendre, notamment
pour les pays capitalistes les plus puissants (les pays regroupés autour
du G20), les diktats du commerce international à l’ensemble de la
planète.
Présentées
comme des ententes économiques, les ententes comme celle de l’ALENA
permettent aux pays impérialistes les plus puissants d’accroître leur
rôle hégémonique dans des zones géographiques déterminées qui vont en
s’élargissant de plus en plus, notamment en procédant à l’intégration
des économies les plus faibles par le biais de la restructuration de ces
économies afin de les rendre aptes à servir les intérêts des
capitalistes dominants. De fait, profitant de la chute des pays de
l’Est, le capitaliste mondiale a pu se perpétuer en ouvrant et en
s’accaparant de nouveaux marchés et c’est ainsi qu’on a assisté à une
longue période de développement du commerce international qui a permis
de solutionner temporairement les graves problèmes qui entravaient alors
les économies capitalistes (en particulier la surproduction de
capitaux).
Cela
dit, loin d’améliorer la situation des travailleurs et travailleuses,
l’élargissement du marché capitaliste et les entente qui ont accompagné
celui-ci ont surtout profité aux seuls capitalistes. En effet, partout
où les ententes sont signées les économies des pays dominés ont été de
plus en plus inféodées aux puissances régionales et internationales.
Loin d’avoir bénéficier de l’effet de « ruissellement » ( trickle down),
les pays les plus pauvres sont demeurés pour l’essentiel au même stade
qu’auparavant. Loin de ruisseler vers les masses exploitées, les
richesses produites ont de plus en plus été accaparées par les
capitalistes les plus puissants.
POURQUOI DONC RENÉGOCIER L’ALENA?
Répondant
aux souhaits des capitalistes de faire croître le commerce, le volume
des échanges a dans les faits globalement augmenté avec l’ALENA.
Toutefois, il en a résulté un déficit croissant des États-Unis vis-à-vis
de ses « partenaires » économiques. En effet, il s’est avéré que les
faibles les coûts de production, en particulier aux Mexique, ont poussé
les capitalistes américains à déplacer une partie de leur production .
Si on ajoute la faiblesse des devises de ces pays face à la devise
américaine il en a résulté un débalancement dans les échanges.
Cela
dit, d’autres raisons peuvent permettre d’expliquer l’insistance de
l’administration américaine à renégocier l’ALENA. En effet, bien qu’il
demeure vrai que l’impérialisme américain soit la principale puissance
impérialiste dans le monde, il n’en demeure pas moins que cette
puissance traverse une longue période de déclin manifeste. Or, avec la
crise de longue durée qui s’est installée dans le monde capitaliste,
l’impérialisme américain est placé devant l’obligation de devoir à tout
prix à reconquérir le terrain perdu au niveau de l’économie mondiale (en
particulier vis-à-vis la Chine) s’il veut éviter que les contradictions
internes aux États-Unis continuent de ce développer. En effet, ce qui
menace à terme l’intégrité du capitalisme américain, s’il ne réussit pas
à redevenir une puissance hégémonique, c’est la menace que fait peser
sur lui le développement de la lutte des classes aux États-Unis. De
fait, les écarts entre riches et pauvres aux États-Unis accroissent et
accélèrent le développement des contradictions qui traversent la société
américaine. La stratégie américaine est donc de chercher à récupérer
une partie de la production qui avait été délocalisée pour la rapatrier
vers les États-Unis. C’est donc dans ce cadre que ce sont déroulées
négociations pour mettre à jour l’entente de l’ALENA. De fait, le Bureau
du représentant américain au commerce publiait en juillet 2017 les
objectifs généraux de l’administration américaine en la matière. Dans ce
rapport, les États-Unis réaffirmaient notamment leur volonté de réduire
leur déficit à l’intérieur de l’entente.
Étant
donné la forte intégration économique du Canada aux États-Unis et de la
dépendance de son économie aux exportations vers le voisin du sud, il
était prévisible que le gouvernement libéral de Justin Trudeau cherche à
tout prix à maintenir l’entente de l’ALENA. Par ailleurs, considérant
le poids que représentent les exportations vers les États-Unis pour le
capitalisme canadien cela explique pourquoi Trudeau et ses principaux
ministres se font les chantres du libre-échange partout dans le monde.
En effet, il s’agit pour le capitalisme canadien de déborder les limites
imposées par le capitalisme américain en affirmant les intérêts des
capitalistes canadiens partout dans le monde.
Considérant
que l’économie du Canada est tributaire du commerce international pour
un pourcentage non négligeable de son PIB, il est jusqu’à un certain
point normal que pour maintenir son statut de puissance impérialiste le
Canada doive réussir à maintenir et développer ce secteur. Or, pendant
la renégociation de l’ALENA le gouvernement libéral, à titre de conseil
d’administration des capitalistes au Canada, a été placé devant
l’obligation d’arbitrer entre les revendications de deux puissant
lobbies que sont le lobby de l’industrie de l’auto (principalement situé
en Ontario) et celui des produits laitiers (principalement situé au
Québec). Or, étant donné l’importance du secteur de l’automobile au
niveau des exportations dans l’économie canadienne et étant donné que
sans entente, la production dans ce secteur diminuerait et que le Canada
serait particulièrement affecté (diminution de 24%) en raison de sa
position privilégiée dans la chaîne de production automobile, il était
prévisible que le gouvernement libéral cherche avant tout à préserver ce
secteur au détriment de celui de l’industrie laitière. De fait, le
Canada n’est pas un grand exportateur de produits laitiers. En effet,
sa production de lait et de produits laitiers est destinée
principalement aux marchés intérieurs. Par ailleurs,
il ne faudrait surtout pas perdre de vue que derrière l’image des
petites fermes familiales que cherche à promouvoir l’industrie laitière
se cachent de puissants monopoles (Saputo, Agropur, Parmalat, etc.) qui
organisent et contrôlent l’industrie en son entier (environ 6 000 fermes laitières au Québec — près de 55 % de la production de lait au pays — la transformation des produits laitiers emploie près de 42
000 personnes dans la province). Soulignons tout de même que bien que
la nouvelle mouture de l’ALENA porte atteinte à la gestion de l’offre,
il n’en demeure pas moins qu’Ottawa a déjà annoncé qu’il y aura des
compensations financières importantes pour les producteurs laitiers.
ENTENTES ENTRE CAPITALISTES CONTRE LES PEUPLES
Souvent
présentées comme des instruments de progrès pour les États et les
peuples, les ententes capitalistes débouchent rarement sur des
améliorations substantielles pour la majorité des travailleurs et
travailleuses. La raison pour laquelle l’ALENA et autres ententes
économiques produisent toujours des résultats décevants pour les
prolétaires et paysanEs est simple: ces ententes visent toujours à
consolider avant tout les entreprises et monopoles capitalistes.
Autrement dit, ces ententes visent avant tout à faire fructifier le
capital et non pas améliorer les conditions de vies des personnes et par
conséquent toute consolidation du capitalisme se fera toujours au
détriment des travailleurs et travailleuses qui produisent les
richesses.
Par
exemple, selon une étude de l’Institut de politique économique, l’ALENA
a fait disparaître près de 700 000 emplois américains, dont beaucoup
dans les manufactures de « la ceinture de la rouille » où sont situés
les trois États clés — Wisconsin, Michigan et Pennsylvanie qui ont
favorisé l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.(Le
Devoir, novembre 2017).
Au
Mexique l’entente de libre-échange a surtout signifié la destruction de
l’agriculture traditionnelle et l’augmentation de la pauvreté.
De plus, l’orientation de la production agricole vers l’exportation
plutôt que vers la satisfaction des besoins alimentaires de la
population locale dans les trois pays membres de l’ALENA a favorisé la
concentration de la production entre les mains des multinationales, ce
qui a en retour favorisé la transformation de la structure agricole,
notamment par l’augmentation de la monoculture et de la culture à haute
intensité (par exemple le maïs au Québec) amenant ultimement à une
baisse constante du revenu des petits et moyens producteurs. L’ALENA a
aussi découragé la diversification de l’économie mexicaine dans d’autres
secteurs, dans la mesure où il n’y a quasiment aucune valeur ajoutée
dans l’assemblage en usine de pièces détachées largement fabriquées aux
États-Unis et au Canada et rarement au Mexique.
Comme
l’indiquait un article de la presse bourgeoise, « La chute des
barrières commerciales a placé les agriculteurs mexicains en situation
de faiblesse face aux grands producteurs américains, qui bénéficient
d’importantes subventions. Les petits cultivateurs de maïs, la base de
l’alimentation, sont marginalisés. Le pays en importe 10 millions de
tonnes par an, 50 fois plus qu’en 1993 » (La Presse Édition du 21
décembre 2013).
De
fait, bien qu’ayant multiplié par cinq son commerce avec les États-Unis
et le Canada, il n’en demeure pas moins que la situation
socio-économique du Mexique ne s’est pas améliorée. En effet, le taux de
chômage est demeuré; les salaires ont stagné au plus bas tandis que
52 % de la population vit dans la pauvreté, ce qui explique que perdure
le phénomène de l’émigration vers le nord.
Au
Canada le secteur manufacturier a été grandement touché par la
délocalisation de la production forçant le Canada à s’installer dans le
rôle de fournisseur de ressources naturelles. Cela dit, au Canada comme
ailleurs, les effets les plus négatifs de l’ALENA sur les travailleurs
et travailleuses découlent des avantages octroyés aux entreprises
multinationales, plus particulièrement les protections accordées aux
entreprises capitalistes. Cette protection augmente la mobilité des
capitaux en réduisant les risques pour les investisseurs. Ainsi à
l’échelle tri-nationale (Canada-États-Unis-Mexique) on a assisté à un
fléchissement des salaires et accroissement des écarts de revenus.
POUR L’UNITÉ PROLÉTARIENNE ET PAYSANNE
Le
prolétariat ne peut se permettre de demeurer passif et laisser les
capitalistes se partager librement le monde. Combattre le capitalisme
s’est aussi s’opposer aux accords entre capitalistes qui permettent à
ces derniers d’exploiter de plus en plus le prolétariat mondial.
Toutefois, cette opposition doit être vivante et par conséquent ne pas
se cantonner dans le seul débat des idées mais être accompagnée par des
actions qui mettent en lumière le caractère international du prolétariat
et des ses aspirations à un monde plus juste.
Le
prolétariat doit d’abord chercher à développer de plus en plus
l’internationalisme prolétarien notamment en favorisant l’émergence et
le développement tant théorique que pratique d’initiatives et d’actions à
l’échelle internationale contre les capitalistes. De fait, la lutte
généralisée contre le capitalisme, ici comme ailleurs, peut importe que
cette lutte soit encore au niveau embryonnaire où qu’elle ait pris une
forme plus achevée (par exemple les guerres populaires menées en Inde et
aux Philippines) contribue objectivement à renforcer la solidarité
internationale entre travailleurs et travailleuses tandis que les
avancés accomplies par la révolution permet d’envisager la possibilité
de dépasser le système capitaliste exploiteur et envisager la mise en
place d’un monde juste, débarrassé de l’exploitation, ayant adopté le
communisme comme seul horizon politique en mesure d’assurer le plein
développement harmonieux des individus, des sociétés et de
l’environnement. Ce que doivent opposer les prolétaires aux ententes
capitalistes ce sont 1) l’internationalisme prolétarien; 2) le partage
des expériences révolutionnaires des prolétaires et peuples exploités et
3) l’adoption de mots d’ordre d’action révolutionnaires englobant de
plus en plus de travailleurs et travailleuses!
Ébranlons l’unité du monde capitaliste!
Développons l’unité prolétarienne!
Abolissons le capitalisme !
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