La
COVID-19 se répand partout sur le territoire. Il n’en demeure pas moins
qu’après de nombreuse semaines de propagation, l’on constate que ce
sont les quartiers populaires et ouvriers de la métropole qui sont
particulièrement touchés. En effet, en date du 12 mai dernier, la grande
majorité des arrondissements qui étaient identifiés comme étant aux
prises avec des hausses importantes de cas d’infection étaient de
composition prolétarienne. En utilisant le barème employé par les
agences de santé officielles, barème qui mesure la propagation du virus
en examinant le nombre de cas et de décès par 100 000 habitants, on
constate que les arrondissements les plus touchés étaient
Ahuntsic-Cartierville (1 225,4 cas et 166,1 décès),
Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (970,5 cas et 105,1 décès), Dorval
(774,5 cas et 152,8 décès), Lachine (937,3 cas et 132,6 décès), LaSalle
(1 230,9 cas et 167,9 décès), Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (1 141,0 cas
et 146,3 décès), Montréal-Nord (2 160,6 cas et 166,2 décès), le
Sud-Ouest (930,3 cas et 180,4 décès) et Verdun (1 109,4 cas et 156,0
décès). Si l’on compare ces données avec celles des arrondissements
nettement mieux nantis de Montréal, à l’exception de celles recensées à
la ville de Mont-Royal (1 114,6 cas et 291,0 décès), l’on constate que
l’épidémie touche moins durement ces populations : Dollard-des-Ormeaux
(593,1 cas et 45,0 décès), Outremont (926,8 cas et 33,4 décès),
Pierrefonds-Roxboro (544,0 cas et 30,3 décès), Plateau Mont-Royal (682,7
cas et 68,3 décès), Pointe-Claire (462,1 cas et 66,9 décès),
Ville-Marie (604,5 et 43,7 décès) et Westmount (733,6 cas et 83,7
décès). Il y a fort à parier que ces écarts manifestes se creuseront
davantage avec le déconfinement en cours. D’abord, les travailleurs de
la santé et des commerces essentiels ont continué de travailler pendant
le confinement, ce qui a grandement affecté les quartiers pauvres de la
ville. Ensuite est venu le retour au travail des ouvriers de la
construction et du secteur manufacturier, ce qui, une fois de plus, a
massivement touché les résidents de ces mêmes quartiers. Bientôt, nous
assisterons à la relance de l’activité économique des commerces
non-essentiels, et fort probablement aussi de celle des restaurants et
des hôtels, ce qui affectera encore davantage la population des
quartiers les plus vulnérables. En contrepartie, les bourgeois
montréalais auront cessé depuis la mi-mars de voyager aux quatre coins
du monde pour les affaires ou pour leur bon plaisir. Aussi, ils
continueront à faire du télétravail dans le confort de leur maison
principale ou secondaire, ce qui les gardera à l’abri de la
contamination. Cependant, si l’on se fie aux autorités de la santé
publique, l’incapacité de contrôler l’épidémie dans la métropole serait
principalement due à des causes multifactorielles : la densité
urbaine,
la pauvreté, le poids démographique de l’immigration, la barrière de la
langue, etc. Sans être entièrement dans l’erreur, l’explication fournie
par les autorités bourgeoises en charge de lutter contre la pandémie est
imprécise, et surtout, elle laisse dans l’ombre le facteur le plus
déterminant dans la présente situation, soit que les travailleurs et les
travailleuses habitent ces arrondissements, et par conséquent, qu’ils
sont à risque de contracter la COVID-19 sur leurs lieux de travail.
Être forcé de mettre sa vie en danger pour survivre
Selon
le dernier recensement, en 2016, sur 1 163 000 travailleurs
montréalais, l’on en retrouvait 149 000 dans les soins de santé et
l’assistance sociale (12,8%), 117 000 dans le commerce de détail (10%),
15 000 dans la fabrication alimentaire (1,5%) et 60 000 dans le
transport et l’entreposage (5%). Ces données nous révèlent qu’une forte
proportion de travailleurs montréalais sont placés, depuis le décret de
l’état d’urgence sanitaire, devant l’obligation de continuer de
travailler dans des conditions qui mettent leur santé à rude épreuve,
une épreuve qui peut s’avérer fatale. Plus encore, dans les
arrondissements durement touchés, l’on constate, toujours selon les
données de 2016, que les revenus sont particulièrement bas. Par exemple,
66,4% des résidents de LaSalle (ayant 15 ans et plus et travaillant ou
cherchant un emploi) ont déclaré des revenus annuels de moins de
40 000$, 64% à Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, 63,5% à
Ahuntsic-Cartierville, 66,5% à Verdun et 76,6% à Montréal-Nord.
Le
clown qu’est Horacio Arruda peut bien venir se pavaner dans la
métropole sous prétexte d’enseigner aux Montréalais à se prémunir de la
COVID-19, il n’en reste pas moins que les prolétaires de la ville, de
par leur rôle dans la division sociale du travail
qu’impose la société capitaliste, se voient contraints de s’exposer au
virus et de multiplier les occasions de le contracter. On parle ici de
milliers d’infirmières auxiliaires, de préposées aux bénéficiaires,
d’éducatrices dans les services de garde d’urgence desservant les
travailleurs de la santé, d’ouvriers dans la production et la
transformation alimentaires, de commis dans les commerces essentiels
comme les épiceries, les quincailleries et les pharmacies, d’ouvriers
dans la manutention et le transport des marchandises, d’ouvriers de la
construction et d’ouvriers dans l’industrie manufacturière. L’ensemble
de ces travailleurs vivent et travaillent dans des conditions
défavorables. En voici quelques exemples :
- Un accès limité au dépistage et une municipalité ayant peu de capacités de tester la population au-delà de ceux et celles exhibant les symptômes les plus communs du virus;
- Un manque flagrant d’équipement de protection, tant en termes de qualité que d’accessibilité, et ce, sur les lieux de travail et dans la communauté en général;
- Des déplacements nombreux et de longue durée dans les transports en commun bondés et contaminés;
- Du travail à temps partiel pour de nombreux travailleurs qui finissent par devoir cumuler plusieurs emplois, ce qui multiplie les déplacements qu’ils font, les gens qu’ils côtoient et les lieux qu’ils fréquentent;
- Des magasins à grande surface où s’approvisionnent une concentration élevée d’habitants;
- Des immeubles à logements multiples comprenant des espaces communs tels que des halls d’entrée, des corridors, des cages d’escalier, des ascenseurs, des buanderies, etc.
- Des logements vétustes et mal entretenus;
- Des familles nombreuses et des logements surpeuplés;
- De la pauvreté.
Face
à la volonté générale de la bourgeoisie de repartir la machine à
accumuler du capital, les prolétaires sont forcés de courir le risque de
contracter le virus mortel. Les mesures dictées par la santé publique
sont au service de la relance économique. Par exemple, on permet
désormais aux personnes de 60 à 69 ans de regagner leurs lieux de
travail en prétextant que bien qu’elles soient vulnérables, elles ne le
sont pas tant que ça, finalement. Avouer le contraire
priverait la bourgeoisie d’une trop grande partie de sa main-d’œuvre.
Aussi, sachant que la distanciation de 2 mètres est difficile, voire
impossible à faire respecter dans certains milieux, l’on invite
désormais les gens à enfiler un couvre-visage artisanal. Cette consigne
vise certes à limiter la propagation du virus, mais aussi, au détour, à
donner un sentiment de sécurité surdimensionné à la population. Ainsi,
le gouvernement laisse entendre aux travailleurs qu’ils sont entre de
bonnes mains. Or, le port généralisé du masque de tissu protège
partiellement (plus que le fait de se promener à visage découvert), mais
il s’avère nettement insuffisant pour protéger adéquatement la
population. Il en va d’ailleurs de même pour la consigne du maintien du 2
mètres de distance. La propagation se faisant en partie par aérosols en
suspension dans l’air et voyageant sur de longues distances, des
protections bien plus étanches s’imposent. Plus encore, la contagiosité
du virus est telle que même avec un équipement de protection plus
efficace, il s’avérerait dangereux d’ordonner des réouvertures et de
forcer la population à multiplier ses contacts, lesquels avaient été
largement réduits avec le confinement.
De manière générale, la bourgeoisie du monde entier tente de convaincre
le prolétariat que la situation, qui hier encore était alarmante, s’est
magiquement transformée en situation des plus normales, à quelques
détails près. La concurrence impérialiste est telle qu’elle pousse tous
les pays à procéder au déconfinement alors que tous les voyants sont au
rouge. Il n’a jamais été aussi dangereux de maintenir une activité
économique intensive, et pourtant, où que l’on soit dans le monde, l’on
assiste à la sinistre décision de relancer l’économie. Malgré tous les
efforts propagandistes déployés par la bourgeoisie, il est clair que les choses ne vont pas mieux, loin de là.
Certes, la trêve commune a permis un ralentissement de la propagation,
mais le mouvement mondial de relance économique en provoquera
l’accélération. Le retour au travail de nombreux prolétaires d’ici et
d’ailleurs comporte donc un lot très important de risques. Les
travailleurs, eux, seront ceux qui paieront durement le prix de cette
relance, car dans les petits espaces de travail (boutiques, garderies,
restaurants, etc.) comme dans les grands espaces (hôtels, usines,
grandes surfaces, entrepôts, écoles, etc.), la concentration de
personnes sera élevée et fera inévitablement croître les occasions de
contracter la COVID-19.
Et
comme si ce n’était pas assez de jouer à la roulette russe avec la vie
des travailleurs, les capitalistes chercheront à compenser la perte de
profits par une plus grande exploitation. La bourgeoisie profitera du
chômage pour abaisser les salaires des prolétaires. Plus encore, elle
obligera les exploités à payer la note des mesures de crise qu’elle aura
prises sous prétexte qu’il faudra se serrer la ceinture pour rembourser
la dette. Les prolétaires n’auront d’autre choix que de se serrer les
coudes pour se porter à la défense de ce qui a été gagné dans
l’histoire… et pour mettre fin à l’exploitation capitaliste.
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