Jeudi le 2
juillet à 15h00, une partie des 1125 membres du Syndicat des débardeurs
du port de Montréal (SCFP 375) ont entamé une grève de 40 heures pour
accentuer la pression sur leur employeur, l’Association des employeurs
maritime (AEM), dans le cadre des négociations en cours sur le
renouvellement de leur convention collective, échue depuis le 31
décembre 2018. Le débrayage touche les opérations de deux terminaux de
la Société Terminaux Montréal Gateway (MGT), tandis que les autres
terminaux demeurent opérationnels. Rappelons que les ouvriers et leur
syndicat ont un mandat de grève en main depuis un an et demi. Le 16
décembre 2018, les syndiqués avaient été plus de 600 à se rassembler
lors d’une assemblée extraordinaire où ils avaient voté à 99,49% en
faveur d’un mandat leur permettant d’exercer des moyens de pression
pouvant aller jusqu’au déclenchement d’une grève. Depuis, le mandat
donné à l’exécutif syndical avait été renouvelé pas moins de deux fois
– d’abord lors d’un vote par scrutin secret le 5 décembre 2019, puis
lors d’un troisième vote en février 2020. À chaque fois, la
participation avait été encore plus élevée que lors du premier vote et la grève avait été approuvée quasiment à l’unanimité.
La détermination des
débardeurs à lutter pour faire des gains provient en partie du fait
qu’ils avaient dû encaisser des reculs importants lors des deux
négociations précédentes sous la pression de l’employeur et du
gouvernement fédéral. Or, ils visent maintenant à récupérer les pertes
passées. À présent, ils réclament non seulement de meilleurs salaires
(puisqu’ils ont vu croître les activités du port de Montréal bien plus
vite que leur rémunération dans les dernières années), mais également
des améliorations au niveau de leurs conditions de travail, notamment au
niveau des horaires. Présentement, les capitalistes exigent d’eux une
disponibilité presque constante, ce qui nuit grandement à leur qualité
de vie. Selon ce qu’avait affirmé Michel Murray, conseiller syndical au
SCFP en janvier 2019, « les débardeurs doivent être disponibles 19 jours
sur 21, et avec le volume qu’il y a actuellement au port de Montréal,
près de 90% d’entre eux travaillent toutes ces journées ». Par ailleurs,
les débardeurs exigent des assouplissements au niveau du code de
discipline qu’ils considèrent comme archaïque et répressif. Toujours
selon Michel Murray, « [les] débardeurs se font discipliner quand ils
considèrent que leur santé et leur sécurité sont en danger »! Aussi, les
débardeurs revendiquent un meilleur accès aux vacances, notamment pour
ceux qui ont moins d’ancienneté.
Si la grève n’a pas
pu avoir lieu plus tôt, c’est que les débardeurs étaient en attente de
la décision du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI)
concernant les « services essentiels » à être maintenus en cas de grève.
En effet, devant la menace d’un débrayage, l’Association des employeurs
maritimes (AEM) s’était adressée à ce tribunal fédéral spécialisé en
relations de travail pour demander le maintien de la totalité des activités des débardeurs,
c’est-à-dire pour les priver ni plus ni moins de leur droit de faire la
grève. L’employeur alléguait avec une mauvaise foi écœurante qu’il y
aurait « manifestement des risques imminents et graves pour la santé et
la sécurité du public » en cas de débrayage – en fait, ce sont surtout
les profits des capitalistes du transport maritime ainsi que ceux des
compagnies qu’ils approvisionnent qui allaient être menacés! D’ailleurs,
en 2010, l’employeur avait lui-même décrété un lock-out qui avait duré
six jours, preuve que la soi-disant protection de la « sécurité du
public » ne vaut que lorsque cela fait l’affaire des bourgeois. Or, le 8
juin dernier, après des mois de manœuvres juridiques douteuses de l’AEM
visant à lui faire gagner du temps et à retarder au maximum la
possibilité du débrayage (au grand plaisir des capitalistes), le CCRI a
finalement rendu sa décision : les débardeurs allaient pouvoir faire la
grève puisque « les risques imminents et graves pour la santé et la
sécurité du public » n’ont pas été démontrés par l’employeur. La
conclusion heureuse de ces procédures juridiques (qui ont constitué les
plus longues audiences pour les services essentiels dans toute
l’histoire du Canada) a évidemment réjoui les ouvriers qui viennent
ainsi de retrouver leur liberté d’action syndicale. On pouvait
s’attendre à ce que des actions de grève commencent dès que le jugement
serait rendu et c’est effectivement ce à quoi l’on assiste cette
semaine. C’est donc une nouvelle étape dans la lutte prolongée des
débardeurs contre leur employeur qui vient de s’amorcer. La suite
s’annonce enthousiasmante et il faudra demeurer attentifs aux prochains
développements de l’affrontement.
Appuyons le combat de ces ouvriers indispensables au fonctionnement de la société et à la lutte pour le socialisme!
Les ouvriers du port
de Montréal, comme ceux des autres grands ports canadiens (comme par
exemple ceux de Vancouver ou d’Halifax), jouent un rôle fondamental dans
la grande production au Canada. Ils mettent en œuvre chaque jour de
puissants moyens de production indispensables au fonctionnement d’une
société moderne comme la nôtre : des outils prodigieux absolument
nécessaires à l’existence et au bien-être du prolétariat. Aussi, ils ont
le potentiel de causer des dommages économiques importants à la
bourgeoisie canadienne en bloquant la circulation d’une quantité
impressionnante de marchandises – et donc, en empêchant les capitalistes
de réaliser la valeur qu’elles contiennent. Rappelons qu’environ 2 000
navires par année accostent au port de Montréal et que jusqu’à 2 500
camions s’y rendent chaque jour. Plus encore, selon les chiffres
dévoilés récemment par l’Administration portuaire de Montréal (APM), ce
sont 40,6 millions de tonnes de marchandises et 1,75 millions de
conteneurs EVP (équivalents vingt pieds) qui ont transité au port de
Montréal l’an dernier. En plus de permettre à un grand nombre de
capitalistes de réaliser leurs ventes, les débardeurs ajoutent eux-mêmes
de la valeur aux marchandises qui passent entre leurs mains en
effectuant un travail physique nécessaire au processus de production et à
la satisfaction des besoins de la société. Ils produisent eux-mêmes une
grande quantité de plus-value (la source du profit bourgeois) dont ils privent les capitalistes qui les exploitent lorsqu’ils interrompent le travail.
En fait, les débardeurs font partie du noyau dur de la classe ouvrière canadienne, le noyau de classe actif au sein de
la grande industrie et sur lequel les masses prolétariennes et
populaires devront éventuellement s’appuyer pour renverser la classe
bourgeoise et instaurer un nouvel ordre social. Plus précisément, les
débardeurs font partie de l’un des quatre secteurs de la grande
production industrielle où se concentre la classe ouvrière, soit celui du transport et de l’entreposage (les trois autres secteurs étant celui de la fabrication, celui de la construction ainsi que celui de l’extraction des ressources naturelles et de l’agriculture).
En 2015, environ 750 000 ouvriers travaillaient dans ce secteur qui
comprend également le transport ferroviaire, le transport routier et le
transport aérien, en plus d’inclure le vaste réseau d’entrepôts que l’on
trouve partout au pays. Avec leurs millions de camarades des trois
autres secteurs de la grande industrie canadienne, ces centaines de
milliers d’ouvriers se trouvent au cœur du processus d’ensemble
permettant au Capital d’exister et de s’accroître : par conséquent, ils
se trouvent dans la meilleure position pour l’attaquer et ultimement
pour l’abattre.
Les combats qu’ils
mèneront dans le cadre de la révolution à venir feront certainement
partie des combats les plus décisifs pour assurer le triomphe du
prolétariat sur la bourgeoisie et le succès de la collectivisation des
moyens de production. Déjà, les luttes menées en ce moment par les
ouvriers du transport ainsi que par ceux de la grande industrie en
général font partie des événements les plus importants de la vie sociale
actuelle. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à se rappeler de la grève du
CN de l’automne dernier, grève qui avait ébranlé à elle seule l’économie
d’un bout à l’autre du pays et qui avait suffi à affoler l’ensemble de
la bourgeoisie canadienne. Pour toutes ces raisons, le présent
affrontement entre les débardeurs du port de Montréal et les
capitalistes du transport maritime doit être suivi avec une grande
attention et avec un grand intérêt par l’ensemble de notre classe. Appuyons sans hésitations leur combat actuel et soyons prêts à combattre fraternellement à leurs côtés, dans le futur, pour vaincre la bourgeoisie!
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