Au
moment même où le régime réactionnaire en place mène son attaque féroce
contre les masses populaires et notre peuple, et où simultanément les
réformistes se jettent dans le marasme de l’attentisme et des
négociations, la résistance et la lutte des masses populaires
s’intensifient pour défendre le droit élémentaire à une vie digne et
pour combattre les attaques successives lancées contre les acquis
sociaux historiques qui se réduisent en peau de chagrin jour après jour.
Il
en a toujours été ainsi dans notre pays, à toutes les étapes de la lutte
de classes, depuis l’indépendance formelle et la trahison des accords
d’Aix-les-Bains jusqu’à nos jours, et toujours dans nombre de secteurs
de la société, parmi lesquels celui de l’enseignement qui est devenu en
particulier, depuis dix ans, la cible centrale des attaques des classes
réactionnaires et des institutions monétaires impérialistes. Les masses
estudiantines ont su durant la période de l’indépendance formelle faire
face à plusieurs de ces attaques et elles sont parvenues à ralentir
plusieurs plans qui visaient à rogner le droit des masses laborieuses à
l’éducation. Cela a été arraché au prix fort de plusieurs centaines de
détenus politiques et de dizaines de martyrs tombés pour défendre ces
droits légitimes et au nom de l’identité progressiste et combattive de
l’Union Nationale des Etudiants du Maroc.
Aujourd’hui, si d’un côté et une fois de
plus, s’accentuent les attaques de classe du régime antinational,
antidémocratique et antipopulaire contre le mouvement étudiant, d’un
autre côté s’accentue aussi et de nouveau la résistance des masses
estudiantines – et ce même si cette fois encore on emprisonne les
meilleurs fils du peuple et que parfois on les assassine.
L’un
d’eux -Mustapha MEZZIANI- vient ainsi de rejoindre le cortège glorieux
des martyrs en défendant ce droit à l’Education. Il a été assassiné par
le régime réactionnaire qui a refusé de répondre à sa revendication
juste et légitime : celle de pouvoir poursuivre ses études. Cette
infamie est celle d’un régime monstrueux et des partis réactionnaires
qui ne le sont pas moins.
Camarades ! Le sacrifice fait par les
militants et les militantes afin de consolider ce qui reste des acquis
des masses populaires dans le domaine de l’enseignement, est immense :
des centaines d’entre eux sont détenus derrière des barreaux et des
dizaines sont tombés en martyrs. Cette réalité nous impose à nous -
militants sincères et défenseurs des masses populaires - de tirer les
leçons et les lois nécessaires.
La mort de notre camarade martyr
Mustapha MEZZIANI entache du sceau de la honte la face du régime en
place et de ses acolytes réactionnaires, mais elle est aussi le signe
des limites des forces en lutte et de la gauche militante et
combattante.
La mort de notre camarade martyr est
l’expression même du sacrifice immense que peuvent faire les enfants du
peuple pour arracher des droits élémentaires et légitimes, comme celui
de pouvoir continuer ses études. Mais c’est aussi le signe de la
faiblesse du mouvement estudiantin aujourd’hui dans sa défense de ses
militants et de ses militantes. C’est aussi l’expression de la
difficulté du mouvement à contrer les attaques féroces de la réaction
contre les masses estudiantines.
Tout ce que subissent les masses doit
aiguiser notre conscience et notre sens de l’engagement et de nos
responsabilités afin de mieux étudier et comprendre les conditions
actuelles par lesquelles passe le mouvement estudiantin. Cela doit nous
amener à gagner en maturité politique afin que le sang des martyrs et
les sacrifices des prisonniers politiques ne soient pas vains.
Camarades ! Le sang qui a coulé une fois
de plus dans le bastion de Fès, les souffrances et la résistance des
prisonniers politiques nous imposent de prendre conscience d’une chose :
l’émiettement de la lutte, son inscription dans des combats marginaux,
et en parallèle la multiplication des groupuscules ne permettent pas de
renforcer le processus d’unification de la résistance estudiantine ni
d’œuvrer pour créer les conditions nécessaires à la lutte syndicale et
politique sur le plan national. Tout cela constitue l’un des points
majeurs de notre faiblesse, dont le régime et les ennemis du peuple
tirent profit.
L’unification des luttes estudiantines -
loin des surenchères et des viles spéculations politiciennes – doit
permettre le développement des conditions propices à la transformation
des luttes syndicales et politiques au niveau national. L’un de nos
impératifs doit être d’accroître notre résistance face à notre ennemi et
d’exercer une influence positive sur les rapports de force qui se
jouent à l’intérieur des universités dans l’intérêt de tous les
étudiants. Nous devons proclamer haut et fort le mot d’ordre suivant :
« œuvrons pour l’unité des luttes estudiantines contre l’unité de
l’attaque des ennemis de l’U.N.E.M ! ».
Pour conclure, nous présentons nos
sincères condoléances, une fois de plus, à la famille du martyr Mustapha
MEZZIANI, à ses camarades, aux masses estudiantines et pour tous les
militants et les militantes du peuple marocain. Nous dénonçons
l’assassinat de notre camarade et nous exigeons que ses tortionnaires
soient jugés et condamnés.
Nous exigeons la libération sans
condition de tous les détenus politiques et à leur tête les détenus du
mouvement estudiantin de : Marrakech, Fès, Agadir, Meknès, Taza…
Nos chaleureuses félicitations vont à
nos camarades libérés du groupe Aziz ELBOUR : Boujemâa Jamou, Hamid
Zadou, Mohamed Elouakassi, Mohamed Harik.
Nous appelons tous les militants et toutes les militantes de l’U.N.E.M. à davantage unifier leurs luttes.
Nous appelons toutes les forces
progressistes à s’engager pour la cause du martyr Mustapha MEZZIANI et
pour la défense de tous les détenus politiques qui meurent dans le
silence de geôles de la réaction.
Notre solidarité avec tous les peuples qui aspirent à la libération et à leurs têtes le peuple palestinien.
Gloire et éternité pour le martyr Mustapha MEZZIANI et à tous les martyrs du peuple marocain !
Ni l’arrestation des révolutionnaires ni leur mort n’arrêteront l’avancée inéluctable de la révolution !
Aziz ELBOUR, Mohamed ELMOUADEN – prison de Tiznit
Abdelhak ATALHAOUI – prinson civile d’Essaouira
Hichem ELMISKINI – prison civile de Safi
Témoignage sur la torture du détenu politique Hichem ELMISKINI
« Le mouvement étudiant ne peut faire
face à la politique de répression et de terreur qu’il subit de la part
de la police et des services secrets (…), qu’à la condition que sa lutte
embrasse celle des travailleurs, des paysans et des soldats. » Mao
Tsé-toung
Après avoir passé une nuit éreintante à
écrire un rapport sur la situation que traversait l’université Qadi Ayad
et à préparer mes cours pour la fonction que j’exerce – celle
d’enseignant prodiguant des cours de soutien –, après donc ces heures
de travail et alors même que je me décidai à aller me coucher, j’ai été
surpris par un groupe de policiers qui a brutalement fait irruption
chez moi.
Après m’avoir fait subir une pluie
d’insultes et de coups, ils ont fini par me menotter à un coin de ma
chambre, avant de se mettre à la fouiller de fond en comble. De cette
fouille, il me reste notamment en mémoire ce moment douloureux où ils
ont violemment arraché le drapeau palestinien accroché à un des murs de
ma chambre : ce fut comme s’il m’arrachait le cœur ! Puis ils ont
également mis en miettes la photo du camarade internationaliste Che
Guevara et ont confisqué tous mes livres.
Une fois ceci réglé, ils m’ont sorti de
l’appartement et m’ont descendu, toujours sous un déluge d’insultes et
de coups. Quand je me suis retrouvé en dehors de l’immeuble, j’ai alors
pu évaluer à sa juste dimension le nombre considérable des forces
répressives présentes – à l’image de celles que l’on envoie lors d’une
intervention sioniste contre les maisons des Gazaouis. C’est à cet
instant précis que j’ai pris conscience que notre situation était à
l’égal de celle des Palestiniens.
Ils m’ont alors fait monter dans une
estafette bleue : j’ai retrouvé à l’intérieur deux de mes camarades -
Mohamed ELMOUADEN et Boujemâa JAMOU-. Des traces de torture étaient
déjà, à cet instant, visibles sur leurs visages. Puis nous ont rejoints
les camarades Aziz ELBOUR et Mohamed HARIK, tous deux épuisés également
par les sévices de la torture qu’ils avaient déjà endurés. Sur le visage
du camarade ELBOUR apparaissaient nettement des traces de coups et de
même pour le camarade HARIK qui présentait des bleus sur ses bras.
A ce moment, des gémissements et des
cris se sont fait entendre du rez-de-chaussée de l’immeuble. Et après
quelques minutes, on a pu voir sortir de la maison d’autres camarades :
ZADDOU, ELBAGDADI, NEJMI, LOUAKASSI. Eux aussi ont été embarqués dans
une autre estafette et les deux véhicules ont alors démarré en trombe.
Dans ce cortège, les deux estafettes étaient escortées par plusieurs
voitures policières et par des motos - comme s’ils avaient arrêté un
groupe qui appartiendrait au groupe sioniste « notre maison Israël ».
Lorsque nous sommes arrivés à la
préfecture, on nous a fait descendre des estafettes toujours sous un
déluge d’insultes accompagné de gifles, de coups de poing et de coups de
pieds ; puis nos gardiens nous ont mis face au mur. Ils m’ont arraché
ma montre de marque Swatch, mon téléphone portable, et l’un deux m’a
dit : « toi, tu ne mérites pas d’être cet endroit ! Fils de pute !».
Après une heure passée sous un soleil de
plomb, ils nous ont fait entrer à l’intérieur de la préfecture et ils
nous ont répartis dans des bureaux vides de tout, à l’exception de la
présence de nos tortionnaires. Ils m’ont mis sur mes genoux, visage face
au mur : « Assieds-toi sur tes genoux, pédé, fils de pute !», pour
qu’ensuite commence le déroulé de l’interrogatoire sur ce que nous
planifions sur le plan politique.
Comme je résistai à leurs brimades, l’un
d’eux m’a donné un coup de pied sur la poitrine d’une violence telle
que je suffoquai à en perdre tout mon souffle ; et avant même que je
puisse récupérer mes forces, un autre flic déjà me donnait un autre coup
de pied cette fois sur le bras gauche au point que je ne le sente
bientôt plus. Le policier chargé de mon interrogatoire est alors devenu
presque fou : il a commencé à vouloir m’arracher les oreilles ; il
donnait dessus des coups si violents que je crus que j’allais en perdre
l’ouïe. Je me suis dit alors : « ma vie n’a de prix que pour servir mon
peuple ! ».
Tout cela a continué à une heure très
tardive de la nuit. Puis ils nous ont descendus dans les sous-sols et
ils nous ont regroupés, moi et mes camarades tous marqués à vif par la
torture qui nous avait éreintés. Malgré tout cela, nous avons chanté
pour l’avènement de notre patrie et nous avons répété des mots d’ordre
comme celui d’un poète : « Oui nous allons mourir ; mais avant cela nous
éradiquerons la torture de notre terre !». Tous ces chants nous ont
aidés à défier la torture, la faim et le manque de cigarettes.
Le jour suivant, le 16.02.2013, nos
tortionnaires nous ont fait remonter l’un après l’autre pour continuer
le même scénario que celui du premier jour, avec cependant une
variante : le remplacement de nos bourreaux par de nouveaux. Chacun
d’eux était dans une pièce particulière et avait ses propres méthodes de
torture : l’un excellait pour décoller les oreilles, l’autre pour
donner des gifles, des coups de pieds, ou pour écraser sa victime ; un
autre encore se réservait encore pour tirer les cheveux avec à chaque
fois, à la fin, la même menace : celle de nous violer.
Durant ce jour, ils concentrèrent leurs
questions sur nos objectifs politiques et sur la stratégie visée par
notre action. Ces questions - reflets d’intelligences médiocres –
étaient par exemple les suivantes : « Que voulez-vous faire dans ce
pays ? Qui vous finance ? Qui est votre leader ? Comment vous
procurez-vous les livres de ce pédé de Mao ? Quel lien existe-t-il entre
vous et Mao alors que lui est Japonais et vous Marocains ? ». Quelle
ignorance ! Ils ne savent même pas de quel pays provient le président
Mao.
Bien sûr, chaque question et chaque
commentaire étaient entrecoupés de périodes de torture. Et dans cette
situation, je pensais toujours à mon cher camarade de route, le martyr
Abdrazac ALGADIRI, ce qui me permettait de supporter ce calvaire et
d’occulter la torture.
Cette situation a continué jusqu’au
soir ; puis ils nous ont redescendus aux sous-sols sans nous permettre
de manger ni de fumer.
Le dimanche 17.02.2013, ils nous ont
présentés au procureur pour prolonger notre « garde à vue » car 48h ne
leur avaient pas suffi pour nous faire plier. Puis ils nous ont ramenés à
la préfecture pour entamer le dernier acte déterminant de ce processus
de tortures physique et psychique. Il s’agissait de nous faire signer
des aveux déjà concoctés dans les bureaux des services secrets. L’un
d’eux m’a dit de signer, et lorsque j’ai refusé, il m’a tordu le bras
droit jusqu’à pratiquement le briser. Un autre a commencé à signer en
mon nom et là encore tout cela après une longue période de torture. Puis
ils nous ont jetés de nouveau dans les caves.
Tout
cela jusqu’au jeudi où ils nous ont emmenés au tribunal. Les traces de
coups de la torture se voyaient encore distinctement sur nos corps. Et
les avocats de la défense en ont alors profité pour exiger que soit
faite une expertise médicale ; ce que le procureur du roi a ordonné.
On a alors été amené à l’hôpital Ibn
TOUFAYL pour voir un médecin mais ce dernier n’a fait qu’inscrire la
mention « rien à signaler » sur tous les documents, et nous avons donc
compris qu’il était totalement corrompu. Puis a commencé notre détention
à la prison de BOULMAHREZ, connue de tous pour sa mauvaise réputation.
Comment conclure tout ceci si ce n’est
de rappeler que le projet de l’unification de la résistance ne peut se
construire qu’avec des initiatives sérieuses qui s’appuient sur
l’engagement et l’autocritique militantes et politiques, et qui seront
évidemment initiées par la lutte sur le plan des libertés politiques et
syndicales.
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