Plus de six mois après avoir été effectivement forcé à devoir négocier avec les talibans par les États-Unis suivants leur accord avec les talibans, le gouvernement comprador de l’Afghanistan a finalement avancé aux négociations avec les talibans à Doha, au Qatar. Le premier contact entre le gouvernement comprador et les talibans a eu lieu le 12 septembre. Ce processus nommé les « négociations intra-afghanes » a été retardé depuis la signature de l’accord entre les impérialistes étatsuniens et les talibans du 29 février 2020. Plusieurs facteurs ont contribué au délai : la crise électorale entre le président afghan Ashraf Ghani et son opposant, Abdullah Abdullah, le désaccord général du gouvernement afghan avec les conditions imposées par les États-Unis sur lui par l’accord, et surtout la réticence du gouvernement afghan à libérer 5000 prisonniers talibans pour 1000 de leurs prisonniers. La contestation du résultat de l’élection présidentielle par Abdullah, avec sa base de soutien dans le nord, a été fructueuse. Le candidat lié historiquement à la Russie a reçu un rôle central dans l’équipe de négociation du gouvernement en échange pour son soutien de la présidence de Ghani. Le gouvernement souhaite avant tout un cessez-le-feu avec les talibans, par contre l’accord du 29 février a été suivi par une énorme intensification d’attentats par les talibans qui n’attaquent plus les forces d’occupation de la coalition étatsunienne en retrait progressif du pays. Le 22 juin, le gouvernement a déclaré la semaine la plus sanglante dans la guerre de 19 ans : 422 attaques dans 32 provinces, 291 soldats afghans tués et 550 blessés, 42 civils tués et 105 blessés. Les talibans ont aussi déjà commencé une offensive sur une ville, Lashkar Gah, la capitale de la province sud de Helmand, qui est un bastion des talibans. Le chef d’État-Major des armées, Mark Milley, souhaite préserver une présence étatsunienne plus longue pour répondre à l’assaut des talibans, mais le président Trump a déclaré le retrait des soldats avant Noël pour renforcer sa campagne électorale. Mais d’une manière ou d’une autre, les États-Unis abandonnent le vulnérable régime et donc il ne lui reste pas de choix que d’honorer l’échange de prisonniers imposé par l’accord en espérant que le régime instauré par les envahisseurs étatsuniens soit sauver à la table de négociation. Au mois d’aout, les talibans avaient déjà libéré leurs 1000 prisonniers et le gouvernement avait libéré 5100 prisonniers. Pourtant, le gouvernement avait refusé de libérer 400 prisonniers sur la liste de prisonniers des talibans en raison d’accusations de crimes graves. Le gouvernement a convoqué une Loya Jirga (une assemblée organisée selon les coutumes pachtos pour des décisions à l’échelle nationale) afin de libérer les 400 prisonniers en ajoutant des conditions souhaitées, notamment que les prisonniers libérés ne rejoignent pas le combat.
Jusqu’à maintenant, les négociations à Doha sont seulement à l’étape de déterminer les modalités et la programmation des négociations à venir, mais la position faible du gouvernement est déjà évidente. Le gouvernement afghan n’a pas eu son mot à dire dans l’accord dans l’accord USA-Talibans et avec la perte du soutien militaire de la coalition étatsunienne, le gouvernement comprador doit se précipiter à la table de négociation craignant une défaite militaire par les talibans. Ces compradors présentent les négociations comme une occasion historique pour finalement mettre fin à des décennies de guerre plus
ou moins constantes, mais le véritable sentiment d’urgence vient de la nécessité de sauver leur propre peau. L’escalade planifiée et systématique de la violence par les talibans sert à renforcer le sentiment d’un nœud coulant qui se resserre autour de leur cou. Pour faire pression sur le régime, les talibans se sont concentré sur des attentats plus petits, précis et ciblés qui font preuve de leur présence militaire autour et dedans la capitale, Kaboul. Par exemple, pendant l’inauguration présidentielle en mars et la journée d’indépendance afghane le 19 aout, les talibans ont frappé le centre de la ville avec des obus de mortier. Les talibans ont aussi développé leurs forces dans les quartiers au nord de Kaboul, ainsi forçant les fonctionnaires et leurs familles à déménager. Il y a des craintes que les talibans ont finalement l’occasion de se préparer et mobiliser pour un encerclement de la capitale. La situation rappelle de la chute de Kaboul aux mains des moudjahidines à la suite du retrait de l’armée soviétique. De plus, les talibans étirent et épuisent les forces gouvernementales en renforçant des positions pour attirer les forces spéciales seulement pour revenir une fois que les forces spéciales partent pour s’occuper d’une nouvelle zone renforcée. L’État semble ne pas savoir comment répondre efficacement aux nouvelles tactiques des talibans.Les parallèles entrent la situation actuelle du régime en Afghanistan et celles du régime du Vietnam du Sud suivant le retrait des soldats étatsunien en 1973 sont évidentes : un régime corrompu et impopulaire avec des soldats peu motivés et qui est rapidement privé de son soutien militaire principal et confronté par un ennemi qui domine la campagne. L’ennemi est très patient, mobile, et durci par des décennies de guerre contre des armées équipées avec les armes les plus modernes. Contrairement au régime, il peut continuer à combattre sans aucun soutien externe et il maitrise le terrain de guerre parfaitement. Surtout, l’ennemi est unifié par une idéologie qui donne une raison à sacrifier sa vie pour la lutte, alors que le régime est entaché par des luttes internes et le fractionnisme. La défaite n’est qu’une question de temps. Le régime fantoche en Afghanistan a perdu sa priorité stratégique pour l’impérialisme étatsunien dans le cadre de sa nouvelle stratégie de « concurrence de grande puissance », qui cible principalement d’autres puissances impérialistes. Abandonné par son maitre, le régime est à la merci des talibans, non seulement militairement, mais aussi diplomatiquement.
L’accord USA-Talibans ne comprenait aucune condition exigeant que l’Afghanistan doive être démocratique ou que les droits de la femme ou les droits civils doivent être respectés. En effet, l’accord n’offre rien aux négociateurs du gouvernement. De plus, cette équipe de négociation a très peu d’expérience ensemble et n’est rien de plus qu’un assemblage de fonctionnaires, politiciens représentants religieux, et principalement des membres de la société civile qui ont tout très peu en commun. Beaucoup de membres sont des rivaux acharnés. Abdullah est le rival politique principal de Ghani et de sa clique dirigeante. Le chef de guerre ouzbek Abdul Rachid Dostom ne manque pas de rivaux de son côté de la table de négociation. Dostom est essentiel pour rallier la minorité ouzbek concentrée dans la région de la ville de Mazâr-e Charîf au nord du pays. Ce personnage infâme et bien ancré dans la politique identitaire de l’Afghanistan porte une réputation riche en crimes de guerres, de tortures et de plaisirs sadiques. Ses pratiques normales comptes le viol en série, incluant la pratique de personnellement violer ses opposants afin de les humilier. En 2014, malgré l’avoir appelé « un tueur connu », Ghani a choisi Dostom comme son colistier à la présidence, puisque sa base de soutien est politiquement indispensable. Ceci reflète une faiblesse générale de ce gouvernement formé largement sur une coopération entre les envahisseurs étatsuniens et un assemblage de différents chefs de guerre ex-moudjahidines et anti-talibans. Contrairement à la désunion du côté du gouvernement, les talibans ont une équipe de négociation solide et expérimentée. Ils ont déjà l’expérience réussie des négociations avec les États-Unis derrière eux, ils sont soumis à une organisation forte et disciplinée et ils sont unifiés par une idéologie extrémiste sunnite. Les buts des négociateurs talibans sont clairement définis par leur vision commune d’un futur Afghanistan théocratique défini par l’école hanafite de jurisprudence islamique sunnite.
À l’avenir, le régime va continuer à demander un cessez-le-feu, mais les talibans veulent un accord politique avant de réduire la pression militaire. La guerre va donc probablement continuer pendant toutes les négociations. Que ce soit à la table de négociations ou sur le terrain de guerre, les talibans obtiendront ce qu’ils veulent : un retour à un Afghanistan théocratique qui opprime les masses du pays et surtout les femmes et les minorités religieuses, telles que les Hazaras. L’Afghanistan perdrait son masque « démocratique » et toutes les justifications morales pour l’invasion de 2001 se montreront définitivement de n’avoir été que des excuses et des mensonges. Les impérialistes yankees et leurs alliés vont simplement s’éloigner du désordre qu’ils ont créé en essuyant le sang sur leurs mains. Aujourd’hui, les impérialistes souhaitent qu’on oublie l’Afghanistan afin de nous préparer pour la prochaine aventure impérialiste sanglante.
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