Les États-Unis d’Amérique

L’intérêt des États-Unis pour la situation en Biélorussie s’inscrit dans une stratégie politico-militaire de guerre hybride pour décimer tous les impérialismes concurrents et d’étendre la portée du capital monopole étatsunien. De même que l’alliance impérialiste européenne, les États-Unis ont récemment cherché à changer vers une stratégie non antagonique envers le régime capitaliste-bureaucrate biélorusse. Le 29 aout 2019, John Bolton, en tant que conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, a visité la Biélorussie pour rouvrir le dialogue avec Loukachenko. Cette visite historique par un des acteurs les plus éminents et agressifs de l’impérialisme étatsunien était ouvertement justifiée par le besoin de s’imposer contre l’influence de l’impérialisme russe et chinois dans le pays. En voyant la relation entre la Russie et la Biélorussie se détériorer, l’impérialisme étatsunien a vu une chance de remplir le fossé qui se creuse entre eux avant que le social-impérialisme chinois puisse agir. Cette première action était suivie par la visite en février 2020 de Pompeo. Depuis les manifestations, les États-Unis ont suivi la réponse de l’alliance impérialiste européenne en abandonnant Loukachenko de nouveau. Le 20 aout, Pompeo a annoncé dans une déclaration que le régime biélorusse doit dialoguer avec le Conseil de coordination pour résoudre la situation. Pourtant, cette réaction semble plus tiède que l’appel ouvert de l’alliance impérialiste européenne pour un changement de régime. Dans son approbation douce du Conseil de coordination contrôlé par l’alliance impérialiste européenne, l’impérialisme étatsunien suit l’alliance. Il est possible que l’alliance impérialiste européenne ait simplement réussi à répondre plus rapidement dans le pays voisin, forçant les États-Unis à passer au second plan. De plus, il n’est pas dans l’intérêt d’une importante partie de la grande bourgeoisie étatsunienne d’embrouiller l’administration Trump dans un coup d’État juste quelques mois avant une élection présidentielle décisive pour la voie de l’impérialisme étatsunien. Mais surtout, l’impérialisme étatsunien ne s’intéresse simplement pas au théâtre de société civile mis en scène par l’alliance impérialiste européenne. L’agressivité de l’impérialisme étatsunien a atteint un niveau dans la crise actuelle de l’impérialisme mondial qui ne peut pas être masqué. Les Yankees veulent la guerre.

La partition de l’Ukraine en 2014 était l’excuse dont les impérialistes étatsuniens avaient besoin pour commencer à mobiliser l’OTAN pour une guerre contre la Russie. Enhanced Forward Presence a mobilisé plusieurs milliers de soldats bien équipés des pays membres de l’OTAN à long terme en Estonie, Lettonie, Lituanie et Pologne suivant le Sommet de l’OTAN Varsovie 2016. La mobilisation sert premièrement à renforcer l’encerclement de la sphère d’influence de l’impérialisme russe, depuis l’Ukraine proétatsunienne jusqu’à la mer Baltique. L’avance de l’OTAN directement à la frontière du

territoire principal de la Russie est bloquée seulement par la Biélorussie et les forces prorusses dans le Donbass en guerre contre l’État ukrainien. Avancer sa zone de front dans la Biélorussie serait un avantage militaire important pour les États-Unis, mais cela risque de déclencher prématurément la guerre. Avant d’engager la Russie directement, l’impérialisme étatsunien doit développer une présence plus forte en Europe de l’Est, ce qui aggrave les contradictions entre les États-Unis et l’alliance impérialiste européenne.

Malgré les apparences, l’impérialisme étatsunien est beaucoup plus nuisible aux monopoles européens que l’impérialisme russe, surtout avec l’intensification de la crise de l’impérialisme. Les pays impérialistes de l’Union européenne se trouvent aujourd’hui forcés dans une vieille relation économique et militaire de plus en plus tendue avec les États-Unis. Pendant que l’alliance impérialiste européenne cherche à élargir l’Union européenne vers l’est tout en entretenant une relation tiède avec la Russie pour avantager les monopoles européens, continuer à importer l’énergie russe et minimiser l’importance du dollar étatsunien en tant qu’arme économique étatsunienne, les États-Unis utilisent ses sanctions économiques et l’OTAN pour forcer l’alliance impérialiste européenne à suivre sa stratégie agressive vers la guerre mondiale. La sévérité de cette contradiction interimpérialiste a été mise en évidence par les commentaires d’Emmanuel Macron sur la nécessité d’une « vraie armée européenne » supplémentaire à l’OTAN. Dans un interview avec Europe 1 le 6 novembre 2018, Macron avait dit : « Nous nous devons nous protéger à l’égard de la Chine, de la Russie et même des États-Unis d’Amérique. Quand je vois le président Trump annoncer il y a quelques semaines le fait qu’ils sortent d’un grand traité de désarmement, qui avait été pris je le rappelle après la crise des euromissiles, au milieu des années 80, qui avaient frappé l’Europe, qui en est la victime principale? L’Europe et sa sécurité ». Le président français a aussi dit : « Moi je veux construire un vrai dialogue de sécurité avec la Russie, qui est un pays que je respecte, qui est européen. Mais on doit avoir une Europe qui se défend, davantage seule, sans dépendre seulement des États-Unis, et de manière plus souveraine ». Le soutien de Macron pour une armée européenne était renforcé par ces commentaires critiques envers l’OTAN dans un interview le 21 octobre 2019 dans lequel il avait dit que l’alliance militaire souffre d’une « mort cérébrale ». Macron avait choisi ces mots pour illustrer un manque de stratégie commune entre les pays membres de l’OTAN. En réponse à ce commentaire, la chancelière de l’Allemagne, Angela Merkel, avait dit au secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, « Je ne pense pas que des jugements aussi généraux soient nécessaires, même si nous avons des problèmes et devons nous concerter. » Trump a répondu en soulignant la proportion dominante du financement étatsunien dans l’OTAN, indiquant aux autres pays membres de contribuer plus, particulièrement l’Allemagne. Sur les pays membres qui ne consacrent pas davantage de fonds à l’alliance militaire, il a rajouté : « je les traiterai peut-être d’un point de vue commercial », ce qui implique des tarifs commerciaux ou même des sanctions économiques pour l’Union européenne. À l’origine de cette crise entre anciens alliés est le concept daté de l’OTAN. L’OTAN était conçue comme une alliance militaire anticommuniste composée principalement de pays impérialistes occidentaux pour coordonner une potentielle guerre nucléaire contre l’URSS et les pays du Pacte de Varsovie. L’ennemi principal de l’alliance n’existe plus depuis 30 ans, l’impérialisme russe est minuscule comparé à son prédécesseur, le social-impérialisme soviétique, et la division de l’impérialisme aujourd’hui ne se laisse pas couper dans deux blocs de pays. La réelle division des pays impérialistes que l’OTAN réunit militairement n’existe plus. Les plaintes de Macron qu’il n’y a pas de stratégie commune et que les membres européens sont comme des partenaires secondaires sont justifiées. L’impérialisme français, comme tous les impérialismes européens, a aujourd’hui des intérêts qui ne sont pas conciliables avec les intérêts de l’impérialisme étatsunien. Pourtant, presque toutes les puissances impérialistes européennes se trouvent forcés à suivre la politique de guerre agressive des États-Unis par leur engagement envers l’OTAN. Mais Macron a évité d’admettre qu’une stratégie commune à cette échelle est impossible. Le processus de développement de l’impérialisme depuis sa dernière grande crise résolue par la redivision de la planète dans la deuxième guerre mondiale et la nouvelle crise de l’impérialisme aboutit à la lutte interimpérialiste la plus fractionnée de l’histoire. C’est pour cela qu’en janvier 2019 Macron et Merkel se sont engagés à créer l’armée européenne, qui serait dans l’OTAN. La colère de Trump en réponse à cette initiative est logique. Pendant que Trump veut renforcer les forces de l’OTAN en Europe Centrale et en Europe de l’Est pour une guerre contre la Russie, ses alliés européens forment une fraction autonome au sein de l’alliance. Il est évident que l’alliance impérialiste européenne se méfie profondément de la direction dans laquelle les États-Unis la poussent, donc elle continue à préparer ses propres structures impérialistes supranationales pour pouvoir agir dans l’intérêt des monopoles européens indépendamment des États-Unis. Ce fractionnement fait mal aux ambitions impérialistes des États-Unis pour la Biélorussie et la Russie. L’armée étatsunienne a besoin d’un arrière-pays européen servile pour avancer avec sa longue guerre contre la Russie.

Malheureusement pour l’alliance impérialiste européenne, l’impérialisme étatsunien ne manque pas de créativité ni de ressources pour le permettre à dévorer sa proie. Les États-Unis cherchent à résoudre leurs soucis avec l’alliance impérialiste européenne en créant des fissures entre les pays membres de l’Union européenne, notamment en se rapprochant de certains pays membres semicoloniaux. Il existe déjà un bloc de pays semicoloniaux pro-étatsuniens critiques à l’égard de la direction de l’Union européenne au sein de l’union. Le noyau de ce bloc est constitué des pays baltes, de la Hongrie et de la Pologne. L’impérialisme étatsunien a réussi à rallier ce bloc en fessant appel à la politique et au sentiment ultranationaliste, anti-russe et anticommuniste général dans ces pays. Comme démontré dans la partition de l’Ukraine, les impérialistes étatsuniens n’hésitent pas à soutenir des tendances fascistes quand ça sert leur stratégie impérialiste. Mais dans ce cas, le fascisme est promu afin d’affaiblir l’Union européenne, pas la Russie, en fonctionnant comme un cale entre les pays impérialistes dirigeants et les pays semicoloniaux pro-étatsuniens de l’union. Ce phénomène est le mieux illustré par la Pologne. Sous la direction du parti d’extrême droite « Prawo i Sprawiedliwość » (Droit et justice, PiS), la Pologne s’est lancée profondément au service des intérêts de l’impérialisme étatsunien contre la Russie et l’alliance impérialiste européenne. Ces engagements incluent :

  • Premièrement, stationner le contingent militaire de l’OTAN pour EFP mené par les États-Unis en Pologne. Cela représente environ 4 500 soldats étatsuniens en rotation sur le territoire polonais.

  • La proposition en 2018 par le président polonais Andrzej Duda d’établir un réseau d’installations militaires étatsuniennes permanentes en Pologne, avec la Pologne prête à payer jusqu’à 1,77 milliard d’euros pour toutes les infrastructures requises.

  • Une demande bien accueillie en juin 2019 pour recevoir 1 000 soldats supplémentaires et des drones de surveillance étatsuniens en Pologne.

  • Recevoir 2 000 soldats étatsuniens en Pologne au lieu de 1 000 comme décidé en 2019. Il est possible que les soldats étatsuniens viennent de l’Allemagne, où Trump a décidé de retirer 10 000 soldats pour punir l’Allemagne pour ne pas avoir assez dépensé dans son budget militaire.

  • L’achat énorme d’armes étatsuniennes, notamment les achats de deux systèmes de missiles sol-air Patriot pour 4,3 milliards d’euros en 2018 et de 20 M142 High Mobility Artillery Rocket Systems en février 2019 pour 365 millions d’euros. De plus, la Pologne veut commander 32 avions de chasse F-35, qui couteront au moins 66 millions d’euros par unité.

  • Ne pas prolonger son contrat d’importation de gaz de 22 ans avec le monopole russe Gazprom en 2022 pour mettre fin à l’importation d’hydrocarbures russe en Pologne.

  • Payer environ la moitié d’un oléoduc coutant 1,6 milliard d’euros qui va de la mer du Nord au Danemark et traverse la mer Baltique jusqu’à la Pologne, permettant d’importer le gaz norvégien. L’oléoduc devrait être complété en 2022. L’importation de gaz en Pologne serait supplémentée par des contrats d’importation de gaz naturel liquéfié étatsunien à meilleur prix que de Gazprom. Cela nécessite la construction de terminaux et d’installations pour importer et transformer le gaz naturel liquéfié. Par ces moyens, la Pologne espère remplacer le gaz russe et devenir elle-même un pôle pour le gaz naturel.

  • Continuer de critiquer à l’unisson avec les États-Unis la dépendance de l’Union européenne aux hydrocarbures russes, notamment la participation de l’Allemagne dans le projet d’oléoduc Gazprom Nord Stream II, qui permet de contourner l’Ukraine vers l’Allemagne.

La servitude totale de la Pologne à l’impérialisme étatsunien a mené Trump à déclarer « Nous n’avons jamais été aussi proches de la Pologne que maintenant ». En récompense, les États-Unis se sont mis à préparer des exemptions de visa pour les Polonais. Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que les soldats étatsuniens supplémentaires en Pologne incluent des structures de quartier général militaire, ce qui est une violation de l’accord de 1997 avec l’OTAN, selon laquelle l’alliance militaire ne stationnerait aucune force militaire importante en permanence dans ses nouveaux pays membres : « De telles actions sapent l’un des rares documents restants destinés à assurer la stabilité militaire en Europe. La Russie ne peut pas ne pas en tenir compte dans sa propre planification de défense et dans ses actions concrètes. ». Les préoccupations de la Russie incluent les drones étatsuniens stationnés en Pologne, qui pourront peut-être porter des armes nucléaires, et le début de futurs déploiements à grande échelle dans le pays voisin. Le chef adjoint de la commission des affaires internationales de la chambre haute du parlement, Vladimir Dzhabarov, avait commenté : « En cas de conflit, Dieu nous en préserve, le territoire de la Pologne deviendrait une cible évidente pour une frappe de représailles, si une attaque était soudainement lancée contre nous ». En effet, le gouvernement comprador fanatique de la Pologne met le peuple polonais en première ligne d’une guerre contre la Russie pour plaire à ses maîtres étatsuniens. Par rapport aux intérêts de l’alliance impérialiste européenne, la Pologne est extrêmement agressive à l’égard de la Russie et pousse l’Union européenne en entier dans une stratégie anti-russe dirigée par les États-Unis qui est contraire aux intérêts des monopoles européens. Pendant que les puissances impérialistes de l’Union européenne cherchent à équilibrer les effets de l’impérialisme russe et étatsunien dans leur sphère d’influence, certaines semicolonies européennes telles que la Pologne sont instrumentalisées par l’impérialisme étatsunien pour monter la résistance pro-étatsunienne à Bruxelles. Cette lutte au sein de l’Union européenne est exacerbée par les politiques contraires à l’Union européenne de ces gouvernements d’extrême droite. Par exemple, un projet important du PiS est sa réforme du système juridique. En bref, le PiS veut subordonner le système judiciaire au gouvernement, par exemple, en permettant au parlement de sélectionner les juges et aux juges d’être sanctionnés par le gouvernement. Cette réforme représente une rupture importante avec l’Union européenne, pas à cause des soucis prétendus de Bruxelles pour l’indépendance de la justice en soi, mais parce que les tribunaux polonais doivent appliquer la loi européenne, comme les tribunaux de tous les autres pays membres. L’application uniforme de la loi européenne est un aspect fondamental de l’Union européenne permettant le fonctionnement du marché unique. Si le PiS peut intervenir comme il le veut dans le système juridique en Pologne, cela représenterait une fissure dangereuse dans le système juridique européen. Alors que l’administration Trump a ignoré la réforme juridique, l’Union européenne a invoqué l’article 7 du Traité sur l’Union européenne contre la Pologne. L’article 7 permet de sanctionner un pays par un vote majoritaire du conseil européen ou de suspendre sa représentation ou son droit de vote par un vote unanime du conseil (excluant le pays concerné) pour avoir violé les « valeurs fondatrices » de l’Union européenne présentées dans l’article 2 du traité, telle que l’indépendance du pouvoir judiciaire. Heureusement pour PiS, le gouvernement fasciste de la Hongrie a déjà promis de bloquer un vote unanime contre la Pologne et la Pologne rendra certainement la pareille à la Hongrie face à l’article 7. Cette situation piégée renforce le besoin d’une « vraie armée européenne » capable d’intervenir chez les pays membres délinquants pour « normaliser » la situation politique, d’où sort la possibilité de guerre entre l’alliance impérialiste européenne et les États-Unis. Dans le cas de cette possibilité, l’OTAN serait dissoute, donnant naissance à un bloc sous une direction franco-allemande et d’un autre bloc sous la direction des États-Unis. L’impérialisme étatsunien a réussi facilement à fractionner l’Union européenne pour servir ses buts militaires et économiques et à paralyser le mécanisme de contrôle des membres délinquants de l’alliance impérialiste européenne, mais aussi à gagner la guerre de l’opinion dans ses semicolonies européennes. Par exemple, dans la société conservatrice polonaise, c’est normal de considérer l’Union européenne comme un tyran qui force des valeurs étrangères sur le pays, pendant que les États-Unis sont célébrés comme le vrai ami et défenseur de la Pologne. L’impérialisme étatsunien défie l’alliance impérialiste européenne dans sa propre sphère et il le fait très bien en déployant son arme la plus efficace…

Bien que ce soit normalement la Russie qui est accusée de manipulation politique de masse par des méthodes raffinées et technologiques, spécifiquement par l’accusation totalement absurde et hypocrite d’avoir manipulé la dernière élection présidentielle aux États-Unis pour favoriser Trump, le candidat « pro-russe », ce genre de manipulation est en fait une arme maitrisée uniquement par l’impérialisme étatsunien. L’occasion d’exploiter le vrai potentiel de l’ingénierie sociale s’est présentée aux États-Unis suivant la chute des pays du Pacte de Varsovie et avec le développement de l’internet. La fin des régimes révisionniste en Europe a brusquement ouvert un espace énorme pour l’influence de l’impérialisme étatsunien. La force de cette influence serait amplifiée par l’internet et notamment par l’exploitation de la collecte de données en masse. Entre 1974 et 1975, beaucoup des pratiques de la CIA à l’étranger sont mises au jour par les révélations du dénonciateur de la CIA Victor Marchetti, le journaliste Seymour Hersh et l’ex-agent de la CIA Philip Agee. Ces révélations choquantes ont mené à trois enquêtes et ont terni l’image des États-Unis. Le scandale a forcé la CIA à changer ses méthodes à l’étranger et la nouvelle méthode s’avérera d’être beaucoup plus efficace. Au lieu de directement organiser et soutenir des groupes subversifs dans les pays ciblés par l’impérialisme étatsunien, la CIA utiliserait le National Endowment for Democracy (NED), lancé en 1983, pour ouvertement financer le développement d’organisations non gouvernementales et d’opposition politique, tel que des médias « indépendentes » des organisations étudiantes et des syndicats. À travers ces organisations civiles, la CIA réussit à influencer les élections ou renverser les régimes de pays s’opposant à l’impérialisme étatsunien. Ces ONG et groupes d’opposition propageront le message de NED : libéralisme, ouverture des marchés et « démocratie ». Cette organisation de façade du CIA, composée largement à son début d’ex-trotskistes devenus néoconservateurs, a rapidement développé un réseau d’organisation énorme dispersé à travers le monde. En 1991, Allen Weinstein, le cofondateur de NED (et aussi un prédateur sexuel), a déclaré « Une grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui a été faite secrètement il y a 25 ans par la CIA ». La chute du bloc soviétique représentait une occasion sans précédent pour le NED à rapidement établir des gouvernements servile aux États-Unis dans les décombres du révisionnisme. L’argent de NED a soutenu les campagnes présidentielles d’Eltsine pour assurer que le parti communiste ne reprend pas le pouvoir en Russie et l’organisation continue à dépenser de l’argent en Russie pour miner le régime de Poutine. Plus tard en Yougoslavie, le NED a distribué des fonds aux diverses organisations nationalistes qui ont alimenté l’ultranationalisme chez les différents peuples encourageant une guerre génocidaire et la fragmentation du pays. Depuis cette période, le NED a réussi à s’enraciner profondément dans ces pays en formant les idées de la société civile grâce à ses connexions et son sac d’argent sans fond. Pour traiter les quelques régimes prorusses qui restaient dans la région, le NED a formalisé le processus des « révolutions de couleur ». La révolution de couleur originale est la « révolution de bulldozer » de 2000 contre le président serbe Slobodan Milošević. L’organisation de jeunesse « Otpor » a été centrale dans ce mouvement social manipulé par la CIA. Deux vétérans de ce mouvement, Srđa Popović et Slobodan Đinović, ont après lancées le Centre for Applied Non Violent Action and Strategies (Centre pour les actions et stratégies non violentes appliquées, CANVAS). CANVAS est essentiellement une école « activiste » financée à travers des fronts du NED pour former les opposants aux régimes nuisibles à l’impérialisme étatsunien. En effet, l’organisme sert à systématiser la préparation de toutes les révolutions de couleur et d’autres « révolutions » semblables en enseignant comment produire et diffuser de la démagogie et désinformation assez efficacement pour diriger un mouvement de masse. Le potentiel de cette arme politique est multiplié par l’exploitation des données collectées en masse par les monopoles de services en ligne. Les monopoles de médias sociaux en particulier (presque tous étatsuniens) peuvent collaborer avec le gouvernement étatsunien pour cibler une population précise en ligne, ajustant le contenu à un niveau individuel, pour systématiquement renforcer un message politique d’une façon qui passe inaperçu par l’utilisateur. À une petite échelle, l’effet de ceci est négligeable, mais à l’échelle d’un pays, et particulièrement chez la population jeune qui passe presque tout son temps libre et seul devant un écran, l’effet est de pouvoir construire une grande partie de la vie quotidienne de millions de personnes afin de les utiliser au service de l’impérialisme étatsunien. C’est simplement une question de contrôler le discours en ligne en exploitant son hégémonie culturelle, mais d’une façon précisément ciblée rendue possible par la collecte massive de nos informations personnelles. Le réseau subversif mondial engendré par le NED, le modèle exporté par CANVAS et l’exploitation de l’espace virtuel pour mouler nos idées sont centraux au système de changement de régime des impérialistes étatsuniens. Ils composent une moitié de la stratégie de guerre hybride des États-Unis. L’autre moitié est sa puissance militaire mondiale omniprésente, supplémentée par d’innombrables mandataires dans des guerres par procuration dispersés sur le globe.

En général, cette stratégie de guerre hybride a été très fructueuse pour avancer l’encerclement de la Russie. Pourtant, un de ses échecs était la « révolution en jean » de 2006 en Biélorussie. Le mouvement était en réponse au résultat de l’élection présidentielle, mais n’a pas réussi à faire tomber Loukachenko. L’organisation de jeunesse « Zubr », un clone bélarussien de Otpor, a joué un rôle central dans le mouvement. Au mieux, la révolution en jean a servi d’amorce au mouvement actuelle. À la suite de leur tentative de coup d’État, des dirigeants de Zubr se sont exilés en Pologne, où ils ont continué à agiter contre le régime en Biélorussie. Dans le mouvement actuel, le média NEXTA est un point de ralliement. Le médium principal de NEXTA est Telegram, mais il est aussi très actif sur tous les réseaux sociaux majeurs. À la tête de NEXTA se trouve Stsyapan Putsila, un jeune Biélorusse auto-exilé en Pologne. Dans un interview, Putsila avait expliqué le rôle central de NEXTA : « On nous demande de publier des plans décrivant ce qu’il faut faire, parce qu’il n’y a tout simplement pas de dirigeants clairs en Biélorussie, surtout ceux qui ont une telle audience […] S’il y en avait eu, il est clair qu’ils auraient été immédiatement détenus. Maintenant, nous n’informons pas seulement, mais dans une certaine mesure, nous coordonnons aussi les gens ». Les actions exactes des États-Unis contre la Biélorussie sont difficiles à prévoir. Le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, avait affirmé qu’il y a déjà 200 « extrémistes ukrainiens entraînés » en Biélorussie pour déstabiliser le pays. La mobilisation militaire est une option avec les milliers de soldats stationnés dans la Pologne voisine, mais il faudra peut-être attendre après l’élection présidentielle étatsunienne en novembre pour avoir une idée plus claire. D’ici novembre, le mouvement pourrait déjà s’être éteint et il serait plus difficile de justifier une intervention.

Les États-Unis continuent à avancer dans leur préparation pour une troisième guerre mondiale, particulièrement depuis le « pivot vers l’Asie orientale » de l’administration Obama en 2012 ciblant la Chine. Sur le plan militaire, les États-Unis ne sont plus dans la guerre froide ni dans la guerre contre le terrorisme, mais officiellement dans « la compétition des grandes puissances », définie par une phase de développement supérieure de l’impérialisme mondial dans une période de crise économique sévère imminente. Il faudrait être ignorant pour croire que cette compétition prend en compte seulement la Chine et la Russie. La détérioration des relations entre les États-Unis et l’alliance impérialiste européenne est un signe que les monopoles étatsuniens et européens ne sont plus capables de pacifiquement partager les marchés mondiaux. L’approfondissement de cette contradiction économique mène à l’approfondissement de la contradiction politique et finalement à la guerre. Cette guerre serait très différente aux guerres mondiales précédentes. Elle serait plutôt semblable à la guerre en Syrie en ce qui concerne sa longue durée, l’importance de la guerre de l’information et la cyberguerre, l’instrumentalisation de la population afin de déstabiliser les cibles, l’accentuation des divisions ethniques ou religieuses internes afin de produire des fractions de mandataires à recruter et le remplacement d’une démarcation unique entre ennemi et allié avec une démarcation flexible qui peut changer d’un jour à l’autre selon la situation. Peu importe le résultat de l’élection présidentielle en novembre, cette forme de guerre va continuer à engloutir le monde. Le candidat démocrate Joe Biden a joué un rôle essentiel dans la guerre hybride contre l’Ukraine prorusse en 2014, donc il serait totalement faux de croire qu’il changerait de trajectoire. La question qui se pose est simplement quel pays sera la prochaine cible.

La Chine à la recherche d’une tête de pont vers l’Europe

Si l’impérialisme étatsunien avait besoin d’une autre raison pour s’impliquer en Biélorussie, cette raison est le rôle croissant de son principal adversaire : le social-impérialisme chinois. Les efforts de Loukachenko à diminuer la dépendance de la Biélorussie sur la Russie suivant la partition de l’Ukraine en 2014 l’ont aussi mené à chercher l’investissement chinois. Dans la même période, la Chine avait été forcée de mettre au rebut de grands projets en Ukraine pour sa « Nouvelle route de la soie » suivant la déstabilisation du pays. La Biélorussie a repris le rôle ukrainien de tête de pont vers l’Europe dans le projet chinois, qui sert à développer mondialement de l’infrastructure logistique pour pouvoir contourner un potentiel blocus commercial contre la Chine par les États-Unis et ses alliés. La position de la Biélorussie entre l’Europe et l’Asie et sa proximité aux villes portuaires baltiques ont fait de la Biélorussie un excellent candidat pour permettre l’accès chinois par rail au marché européen depuis la Russie. En 2015, le président chinois Xi Jinping a visité Loukachenko en Biélorussie et ils ont singé un ensemble d’accords d’une valeur de 15,7 milliards de dollars. La relation grandissante entre les deux pays comprend la coopération militaire. À la suite du refus de la Russie de vendre son système de missile à un prix réduit, la Chine a aidé la Biélorussie à développer son propre système de missile, le Polonez. Le plus grand projet de développement à l’étranger de la Chine se situe en Biélorussie : le Parc industriel Chine-Biélorussie Great Stone. La zone économique spéciale de 112 km² est comme une nouvelle ville entière conçue pour accueillir les grands monopoles de l’industrie de haute technologie telle que Huawei. En décembre 2019, quand les tensions entre Minsk et Moscou ont été particulièrement accrues à cause du désaccord sur l’accord énergétique pour l’année à venir, la Banque de développement de Chine a prêté à la Biélorussie 500 millions de dollars, fournissant au pays l’argent dont il avait désespérément besoin suivant le refus de la Russie d’accorder un prêt similaire. Quoique la présence du social-impérialisme chinois en Biélorussie reste relativement minuscule, elle porte déjà des effets politiques considérables.

En souhaitant la stabilité du pays et des relations étrangers afin de protéger le potentiel de ses investissements contre un autre scénario ukrainien, la Chine est intervenue lors de la discussion du Conseil de sécurité des Nations-Unies sur la Biélorussie le 18 aout, demandée par les États-Unis et l’Estonie. Le représentant chinois, Zhang Jun, avait exprimé que la situation en Biélorussie n’est pas pertinente pour le Conseil de sécurité, soutenant ainsi les déclarations de la Russie contre l’intervention étrangère. Même si le social-impérialisme chinois est favorable à plus d’intégration de la Biélorusse dans l’Union européenne pour renforcer le lien économique de son partenaire stratégique avec le marché européen, cela ne suffit pas actuellement pour créer un conflit important entre l’impérialisme russe et chinois. Contrairement aux États-Unis et à l’alliance impérialiste européenne, la Chine n’est pas en compétition pour intégrer les pays membres de l’UEEA dans sa propre union économique. En fait, la Nouvelle route de la soie apporte des bénéfices importants aux monopoles russes dans l’UEEA et il est en tout cas préférable pour l’impérialisme russe de gérer le social-impérialisme chinois dans sa sphère plutôt que les perturbations agressives de l’impérialisme yankee. Évidemment la situation renforce le lien entre la Russie et la Chine et de nouvelles mesures étatsuniennes agressives renforceront ce lien. De plus, le débat au sein de l’alliance impérialiste européenne sur ce qu’elle devrait permettre à la Chine chez les pays membres de l’Union européenne et les pays membres envisagés, tel que la Biélorussie, pourrait contribuer à une nouvelle fissure dans le noyau de l’alliance, notamment à cause de l’opposition agressive de la France envers la Chine. La France voit sa longue domination de semicolonies africaines menacée par l’extension du social-impérialisme chinois. Cependant, le marché chinois offre un potentiel précieux pour les exportations de l’Allemagne impérialiste ascendante.

La crise mondiale de l’impérialisme

Seulement en comprenant concrètement les contradictions internationales de l’impérialisme, il devient possible de voir ce qui se passe en Biélorussie au-delà des images et de leurs distorsions par la guerre psychologique des impérialistes. Cette compréhension incite à voir la situation dans une totalité globale : l’impérialisme, l’étape finale d’un capitalisme privé de profit par ses propres contradictions provoquant inévitablement la guerre mondiale. Alors que la crise impérialiste s’accentue et la prochaine grande guerre s’approche, le renversement de régimes bureaucrate-capitalistes comme ceux de Loukachenko ou de Maduro au Venezuela devient une pratique nécessaire pour générer de nouveaux profits. En les remplaçant avec des régimes compradors, les impérialistes peuvent mettre en place des personnages politiques bien obéissants et remplaçables. Ces marionnettes facilitent la liquidation des capitaux de l’État afin de les rendre aux monopoles impérialistes aux prix les plus bas, l’exploitation d’un prolétariat et d’une paysannerie vulnérable et l’accès aux ressources naturelles du pays sans souci.

Alors que les impérialistes continuent de se préparer pour la guerre, le potentiel du mouvement de masse spontané diminue, risquant même d’être instrumentalisé par l’impérialisme. La nécessité d’un mouvement avec une perspective scientifique, un plan concret et une organisation forte devient plus évidente. Cette perspective est le Marxisme-Léninisme-Maoïsme, le plan est la guerre populaire prolongée est l’organisation est le parti communiste militarisé, l’armée populaire et le front. La guerre que les impérialistes préparent est surtout une guerre contre nous, prolétaires du monde entier, et les paysans exploités. Ils croient que nous sommes stupides et manipulables, mais l’histoire du mouvement prolétaire les contredit. Ne nous laissons pas être aveuglés par leur guerre psychologique ; il est tout à fait possible de s’organiser de nouveau en tant que classe pour répondre à leur guerre impérialiste mondiale avec notre guerre populaire mondiale. La crise de l’impérialisme c’est la crise de leur pouvoir, elle marque la fin du pouvoir bourgeois et le début de notre pouvoir, le pouvoir prolétarien, qui marquera le début d’une histoire véritablement humaine finalement libéré d’un passé monstrueux.