Les communistes sur l’Union Européenne
Les élections européennes arrivent dans moins de 10
jours désormais. Dans les médias, les éditorialistes et journalistes
tentent désespérément de rendre cette élection importante et passent
beaucoup de temps à en parler. La propagande électorale se multiplie,
ainsi que les affiches de boycott dans plusieurs villes. Car, dans la
rue, sur les lieux de travail et dans les endroits où l’on lutte, comme
dans les écoles ou les hôpitaux ce mois de Mai, on parle peu
d’élections, peu de vote. On parle de la qualité de vie qui baisse, du
pouvoir d’achat, de tous les services que l’État liquide pour respecter
les plans de Macron…
L’abstention attendue est record et dans les masses,
nos frères et sœurs de classe comprennent très largement que ces
élections sont de la poudre aux yeux. Mais malgré tout ça, nous devons
analyser l’Union Européenne correctement, en communistes. Pour pouvoir
combattre nos ennemis, il faut les connaître. C’est pour cela qu’il faut
savoir d’où vient l’Union Européenne, quelle est sa nature, comment
résister contre elle et ce que nous souhaitons pour les masses
populaires des pays de l’Union Européenne. Dans cet article, nous
développerons donc la position des communistes d’aujourd’hui, des
marxistes-léninistes-maoïstes, sur l’Union Européenne.
L’origine du projet d’alliance impérialiste en Europe
L’idée d’une union des pays d’Europe n’est pas
récente. Depuis l’émergence de la force de classe bourgeoise au pouvoir
dans les révolutions bourgeoises, notamment au tournant des années 1800,
l’extension du capitalisme partout sur le continent et dans le monde a
fait naître l’idée des « États-Unis d’Europe ». Cette idée n’a alors
rien de concret, car la bourgeoisie est en pleine expansion à
cette époque du capitalisme, le capitalisme de libre-entreprise, et
lutte partout pour étendre son influence sur ses voisins. C’est à cette
époque là que l’unité nationale de nombreux pays d’Europe s’accomplit
(Italie, Allemagne) ou que les mouvements nationaux émergent contre les
États qui les oppriment.
Mais le moment le plus important pour comprendre les
Etats-Unis d’Europe, c’est le passage du capitalisme au stade de
l’impérialisme, entre la fin du 19ème siècle et le début du 20ème
siècle. A ce moment là, les pays impérialistes européens se sont taillés
des empires coloniaux en Afrique et en Asie dont ils ont convenu à la
Conférence de Berlin de 1884. De son côté, l’impérialisme américain
entre en lutte avec les différents pays impérialistes d’Europe en
appliquant la « doctrine Monroe », qui lui garantit la mainmise sur le
continent américain. C’est une des caractéristiques de l’impérialisme :
la division complète du monde entre les différentes puissances
impérialistes qui entrent désormais en lutte, principalement, et en
collusion, secondairement, pour s’assurer la meilleure place lors du
repartage du monde. Ce repartage arrive inévitablement par les guerres
dans les colonies et semi-colonies (USA contre les Espagnols à Cuba,
Guam et aux Philippines en 1898, ou encore la crise de Tanger en 1905
entre l’État français et le Reich allemand), et la guerre mondiale
(1914-1918). Aujourd’hui, les interventions américaines en Irak et
Afghanistan, françaises au Mali ou en Centrafrique, ou les menaces
d’intervention au Venezuela, font toutes partie de cette dynamique.
Que peut-être alors le projet des « Etats-Unis
d’Europe » s’il est mené par les impérialistes ? Lénine répond à cette
question en 1915 d’une manière qui préfigure l’Union Européenne
contemporaine :
« Ainsi est organisée, à l’époque du développement supérieur du capitalisme, la spoliation par une poignée de grandes puissances, de près d’un milliard d’habitants du globe. Et en régime capitaliste, toute autre organisation est impossible. Renoncer aux colonies, aux « zones d’influence », à l’exportation des capitaux ? Y songer serait descendre au niveau d’un petit pope qui, tous les dimanches, prêche aux riches la grandeur du christianisme et leur recommande de donner aux pauvres… sinon quelques milliards, du moins quelques centaines de roubles par an.Les Etats-Unis d’Europe, en régime capitaliste, seraient comme une entente pour le partage des colonies. Or en régime capitaliste le partage ne peut avoir d’autre base, d’autre principe que la force. Le milliardaire ne peut partager le « revenu national » du pays capitaliste avec qui que ce soit, autrement que « en proportion du capital » (avec encore cette addition que le plus gros capital recevra plus qu’il ne lui revient). »-Lénine, Du mot d’ordre des États-Unis d’Europe, 1915
Ce qu’annonce Lénine, c’est que les « Etats-Unis
d’Europe » des capitalistes, ce que l’on appelle aujourd’hui l’Union
Européenne, ne peuvent être qu’une alliance d’impérialistes, un cartel
de dirigeants de la bourgeoisie financière, qui organise la lutte et la
collusion entre les puissances impérialistes qui la compose, contre les
masses populaires et les pays opprimés qui sont sous son emprise.
Une alliance menée par les impérialistes
Le projet d’une alliance impérialiste en Europe est
revenu à l’ordre du jour après la grande victoire contre le fascisme
dans la deuxième guerre mondiale. Les pays impérialistes européens
sortent de cette guerre avec une position beaucoup plus faible
qu’auparavant : l’impérialisme américain s’est renforcé pendant la
guerre et a pris la position relative la plus importante par rapport aux
vieilles puissances impérialistes, et le camp de la révolution
socialiste s’étend désormais au monde entier après avoir combattu avec
succès les puissances fascistes.
Les raisons pour que les impérialistes des pays
européens se tournent vers une alliance impérialiste sont donc doubles :
d’un côté ils luttent contre le communisme et la révolution dans leur
propre pays et à leurs frontières en s’alliant, de l’autre ils
sauvegardent leurs propres intérêts impérialistes malgré leur perte de
vitesse relative avec l’intensification de la crise de l’impérialisme et
les luttes nationales et sociales qui grondent dans leurs colonies
(comme en Algérie et Indochine pour l’État français) et semi-colonies.
Dans le déclenchement de la guerre froide, ce sont
donc les impérialistes des pays européens qui avancent l’idée d’une
Union Européenne. Le projet qui émerge en 1957 dans le Traité de Rome et
qui deviendra l’Union Européenne d’aujourd’hui ne réunit que des pays
impérialistes : France, RFA, Luxembourg, Italie, Pays-Bas, Belgique.
C’est une preuve concrète que l’Union Européenne que l’on voit en 2019
est un projet qui a à sa tête les impérialistes en lutte et collusion
des différents pays impérialistes européens. La lutte et la collusion
sont particulièrement importantes entre les deux plus grandes puissances
économiques de cette alliance impérialiste, l’État français et l’État
allemand. L’Union Européenne a donc été taillée par les impérialistes
pour répondre à leurs propres intérêts.
Mais comme toute alliance impérialiste, elle n’est
qu’un rapport de force entre « partenaires » qui ne s’entendent que
lorsqu’ils peuvent défendre leurs propres intérêts. Ainsi par exemple,
le Royaume-Uni, qui profite d’un impérialisme fort hors d’Europe avec
son « Commonwealth » (c’est-à-dire ses anciennes colonies devenues pour
beaucoup d’entre elles ses semi-colonies) a toujours eu une position
ambivalente à l’égard de l’Union Européenne. Lorsque les intérêts
impérialistes britanniques pouvaient être défendus en avançant dans
l’UE, ils la toléraient. C’était le cas lors des élargissements
successifs de l’UE, qui garantissaient des nouveaux marchés. C’était
notamment le cas sous le Premier Ministre Tony Blair (1997-2007), après
la chute des révisionnistes du Bloc de l’Est, qui a pu être investi
massivement par de nouveaux impérialistes. Mais aujourd’hui, avec
l’intensification de la crise impérialiste et la lutte accrue entre les
soi-disant « partenaires européens » (c’est-à-dire principalement avec
l’État français et l’État allemand), les intérêts particuliers des
impérialistes britanniques étaient contestés. C’est cette dynamique de
lutte, de « bras de fer » entre impérialistes, qui a conduit au Brexit,
sur lequel la bourgeoisie impérialiste britannique se déchire toujours,
prise au sein de cette contradiction inter-impérialiste.
La résistance des masses contre l’alliance impérialiste
Mais pour les communistes, une question est
principale : quel est l’effet de l’alliance impérialiste qu’est l’Union
Européenne sur les masses populaires aujourd’hui ?
Comme on peut s’y attendre, l’alliance des
impérialistes profite aux pays impérialistes face aux pays opprimés, aux
bourgeoisies impérialistes face au prolétariat, et enfin aux
impérialismes les plus forts face aux impérialismes les plus faibles.
C’est pour ces raisons que lors du dernier sursaut
généralisé de la crise impérialiste, en 2008, de nombreux pays opprimés
d’Europe ont pris de plein fouet l’oppression économique accrue des
impérialistes qui pesaient sur leurs épaules.
L’exemple le plus flagrant de cette dynamique est la
Grèce. La « crise de la dette » que traverse le pays depuis 2010, a vu
la soumission de l’économie grecque aux puissances impérialistes qui
mènent l’Union Européenne (principalement l’État français et l’État
allemand à travers les institutions européennes et le FMI). Dans cette
crise, les impérialistes ont mis en coupe réglée l’économie grecque, et
renforcé encore leur domination sur le pays et les masses populaires
grecques.
Pour « résoudre » la dette, quelle a été la solution
des impérialistes ? Ordonner au gouvernement collaborateur et traître de
Syriza d’augmenter les impôts qui pèsent sur les masses populaires.
Ainsi, en 2015 les impôts sur les plus pauvres avaient déjà grimpé de
337 % alors que la crise persistait. Le capital bureaucratique grec a
été liquidé, mis en vente aux impérialistes les plus offrants : 14
aéroports sont revenus à une entreprise allemande, le port de
Thessalonique à un consortium franco-germano-greco-chinois, une
entreprise de gaz publique a été privatisée au profit de capital
italien, espagnol et belge.
On peut aussi prendre l’exemple de la Hongrie ou de
la Pologne, dont les gouvernements collabos défendent ouvertement la
situation qui conduit de nombreuses et nombreux ouvrières et ouvriers à
s’exiler ailleurs dans l’Union Européenne pour pouvoir trouver un
travail. Ils utilisent cette situation car elle sert leurs intérêts de
bourgeois en garantissant une croissance économique que leurs économies
mises en coupe réglée par les impérialistes ne peuvent pas assurer
d’elles-mêmes.
Là où il y a oppression, il y a résistance ! C’est
pour ça qu’à travers les pays qui composent l’Union Européenne, les
masses luttent. En Grèce notamment, malgré la trahison du gouvernement,
dans les manifestations anti-austérité les symboles des impérialistes
sont attaqués, et le drapeau de l’UE est brûlé, aux côtés de ceux des
impérialistes qui imposent leur volonté sur le pays. On trouve en Grèce
souvent à l’avant de ces actions des groupes ouvriers et syndicaux qui
expriment leur ras-le-bol.
La lutte pour la destruction de l’UE n’est
aujourd’hui pas encore dirigée par les Partis Communistes, quartiers
généraux du prolétariat. La conséquence de cette situation, c’est
qu’elle est souvent spontanée ou reprise par les forces de classe
bourgeoises les plus ouvertement réactionnaires. Ces forces ne luttent
pas contre l’impérialisme et ses effets destructeurs, mais pour que leur
propre impérialisme prenne le dessus sur les autres qui composent
actuellement l’Union Européenne, dans ou hors de cette alliance
impérialiste. Cela explique par exemple la position changeante du
Rassemblement National sur la question de l’UE. Les organisations qui se
vautrent dans le chauvinisme en suivant ces forces de classe
réactionnaires et parfois fascistes suivent une voie liquidationniste.
Au lieu de construire les instruments dont ont besoin les masses
populaires pour détruire le système impérialiste, c’est-à-dire détruire
aussi les alliances impérialistes comme l’UE, ils abandonnent la lutte à
la bourgeoisie et la suivent sur tous les points.
Détruisons les alliances impérialistes !
Le rôle historique du prolétariat, classe
internationale, est de mettre à bas le capitalisme et la division de la
société en classe. Cela passe nécessairement par porter des coups
décisifs aux alliances de nos ennemis, les impérialistes. L’Union
Européenne fait partie de ces alliances, et il n’y a pas de changement
possible de l’intérieur. Le programme des communistes est donc sa
destruction. C’est
pour cette raison par exemple que nous participons et encourageons la
campagne de boycott européen des élections à venir, soutenue par des
organisations communistes d’Europe et du monde.
Mais de la même manière que Lénine l’annonçait, la
lutte contre les « Etats-Unis d’Europe » des capitalistes est une lutte à
mener avec nos propres mots d’ordres, communistes. Ainsi, Marx et
Engels exprimaient le juste slogan du prolétariat, classe
internationale : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».
Cependant, nous rejetons les analyses qui ignorent le
développement inégal dans la société capitaliste des différents pays
d’Europe, contre l’alliance des impérialistes. Lénine écrivait à ce
propos :
« L’inégalité du développement économique et politique est une loi absolue du capitalisme. Il s’ensuit que la victoire du socialisme est possible au début dans un petit nombre de pays capitalistes ou même dans un seul pays capitaliste pris à part. Le prolétariat victorieux de ce pays, après avoir exproprié les capitalistes et organisé chez lui la production socialiste, se dresserait contre le reste du monde capitaliste en attirant à lui les classes opprimées des autres pays, en les poussant à s’insurger contre les capitalistes, en employant même, en cas de nécessité, la force militaire contre les classes d’exploiteurs et leurs Etats. »-Lénine, Du mot d’ordre des États-Unis d’Europe, 1915
En mettant l’internationalisme prolétarien au premier
plan, nous devons lutter contre l’impérialisme français, son
implication dans toutes les alliances impérialistes dans lesquelles il
participe et dont il profite, et avancer pour sa destruction et celle de
l’impérialisme dans son ensemble. C’est ainsi, et seulement ainsi, que
l’union du prolétariat international sera réalisée, dans chaque étape de
la révolution prolétarienne mondiale, et que nous triompherons des
alliances impérialistes comme l’UE.
L’Union Européenne est par conséquent une alliance
impérialiste, un partenariat déséquilibré et instable entre pays
impérialistes, dominant des pays opprimés d’Europe, pour garantir le
partage de leurs semi-colonies sur le continent et au-delà. C’est un
projet mené par des forces de classe bourgeoises en opposition totale
avec les masses populaires, le prolétariat et la classe ouvrière de tous
les pays. Son destin est l’effondrement sous le poids des
contradictions inter-impérialistes accentuées par la crise impérialiste,
et la destruction par le prolétariat dans la révolution, que ce soit
sous cette forme-ci ou sous une autre. Nous devons synthétiser
l’expérience de lutte des masses contre les alliances impérialistes de
toutes sortes (OTAN, UE, G7, G20…) et préparer le prolétariat et ses
organisations pour en assumer la direction. C’est de cette manière, et
seulement de cette manière, que des coups décisifs seront portés aux
impérialistes dans leur ensemble, tant à ceux qui soutiennent ces
alliances qu’à ceux qui souhaitent les quitter pour renforcer leur
propre impérialisme en dehors.
No comments:
Post a Comment