Comme leurs
camarades ailleurs au pays et ailleurs dans le monde, les travailleuses
de la santé au Québec mènent présentement la bataille en première ligne
pour endiguer la pandémie de COVID-19. Et comme dans d’autres pays,
elles ont été envoyées au front par les capitalistes sans le matériel de
protection nécessaire et sans les ressources suffisantes. Alors que
l’épidémie ne fait que commencer dans la province, une pénurie de
masques se fait déjà sentir. Un grand nombre d’infirmières et de
préposées aux bénéficiaires ont été exposées au virus en raison de la
mauvaise gestion et du manque de préparation scandaleux de l’État
bourgeois et plusieurs d’entre elles ont déjà contracté la maladie. La
situation est d’une gravité sans précédent. Avec la pandémie, le chaos
général engendré par le capitalisme est exacerbé et cela se manifeste
vivement dans le système de santé. Les travailleuses du réseau font
actuellement les frais de l’incapacité de la bourgeoisie à répondre aux
besoins des masses et à organiser rationnellement le travail.
Les infirmières et les préposées aux bénéficiaires sont forcées de travailler dans des conditions dangereuses
Depuis le début de
l’état d’urgence sanitaire au Québec, les infirmières et les préposées
aux bénéficiaires sonnent l’alarme et expriment leur inquiétude
concernant leurs conditions de travail et surtout, concernant le manque
d’équipement de protection dont elles disposent. Dès le 13 mars, le
syndicat des infirmières, la Fédération interprofessionnelle de la santé
du Québec (FIQ), affirmait craindre une pénurie de masques N95 (les
masques les plus efficaces pour se protéger du virus). Le syndicat
déplorait également le manque d’informations sur le virus données aux
travailleuses dans les hôpitaux et les établissements de santé – manque
d’informations témoignant de l’absence totale de préparation des
autorités provinciales et mettant en danger le personnel soignant.
La vice-présidente
de la FIQ, Linda Lapointe, a affirmé au début de la crise que la
pandémie allait mettre en lumière les problèmes déjà présents depuis
longtemps dans le réseau de la santé au Québec : « Ça fait juste prouver
encore plus comment le réseau est pris à la gorge. On a jamais de backup ».
Rappelons qu’au cours des deux dernières années, les infirmières et les
préposées aux bénéficiaires s’étaient mobilisées à l’échelle de la
province pour dénoncer le « temps supplémentaire obligatoire » et la
gestion irrationnelle de la force de travail par l’administration du
réseau. Pour protester contre leurs conditions de travail exténuantes et
inhumaines, elles avaient effectué des arrêts de travail spontanés et
avaient fait des « sit-in » un peu partout dans la province. Déjà
épuisées par l’exploitation à laquelle les soumettent les gestionnaires
bourgeois en temps normal, les infirmières et les préposées aux
bénéficiaires se préparaient donc, avec la déclaration de l’état
d’urgence le 14 mars, à devoir travailler avec une pression encore plus
grande et dans des conditions encore plus difficiles. Une semaine plus
tard, le 21 mars, elles recevaient un véritable coup en plein visage :
la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann,
déposait un arrêté ministériel élargissant les pouvoirs de la direction
des établissements dans le réseau de la santé et leur permettant
d’apporter des changements aux horaires de travail, aux congés et à la
mobilité de la main-d’œuvre, entre autres. Parmi les travailleuses du
réseau, cela a été une véritable onde de choc. Alors qu’elles étaient
déjà prêtes à aller au front pour combattre le virus et servir la
population, l’État bourgeois sortait l’artillerie lourde et se préparait
à les mettre au pas… et ce, au moment même où le premier
ministre ne cessait de remercier hypocritement ses « anges gardiens »
dans ses points de presse!
Entre temps, les
travailleuses ont commencé à dénoncer plusieurs situations dangereuses
liées à la COVID-19. Par exemple, de nombreuses infirmières enceintes
ont demandé d’être retirées des urgences et des soins de première ligne.
Les consignes des employeurs étaient contradictoires : étant donné que
le système immunitaire des femmes enceintes est plus faible que la
moyenne, il était recommandé aux infirmières enceintes de ne pas se
trouver dans la même pièce qu’un patient infecté par le coronavirus.
Mais les patients qui arrivaient au triage pouvaient très bien être
infectés sans que personne ne le sache. Le 17 mars, la FIQ réclamait au
gouvernement le retrait des infirmières enceintes des urgences. Mais ce
n’est que le 30 mars, après que le syndicat ait dû négocier avec l’État
bourgeois pour qu’un minimum de mesures de protection soient mises en
place, que le gouvernement a finalement accepté de satisfaire la
revendication. Il s’est donc écoulé treize jours entre le moment où la
demande a été faite et le moment où elle a finalement été entendue –
treize jours de trop durant lesquels des infirmières ont été obligées de
travailler en encourant des risques importants pour leur santé. Et
c’est sans compter que certains établissements tardent à mettre en œuvre
les nouvelles mesures depuis qu’elles ont été décrétées. D’ailleurs, le
3 avril, on apprenait qu’une infirmière enceinte avait contracté la
COVID-19 sur son lieu de travail et qu’elle avait été en contact avec
plusieurs de ses collègues elles aussi enceintes…
Dans l’intervalle,
les infirmières et les préposées aux bénéficiaires commençaient à
exprimer de plus en plus bruyamment leur inquiétude concernant le manque
de matériel de protection dans les hôpitaux, les CLSC et les CHSLD. Sur
les réseaux sociaux, les témoignages de situations dangereuses se
multipliaient. Et ces travailleuses n’étaient pas les seules à
s’inquiéter. Le 24 mars, on apprenait dans un journal bourgeois que des
urgentologues imploraient le gouvernement depuis cinq jours – sans succès – pour
qu’il resserre le protocole de sécurité dans les urgences. Selon eux,
le protocole en place était complètement inadapté à la situation. En
effet, en raison des directives gouvernementales selon lesquelles seuls
les patients « avec facteurs de risque » devaient être pris en charge
isolément avec l’équipement de protection contre les gouttelettes
infectées, de nombreux patients atteints par la COVID-19 étaient pris en
charge par du personnel hospitalier sans l’équipement de protection
adéquat, c’est-à-dire sans jaquettes jaunes pour le corps, sans gants
étanches et sans masques de protection avec visière. Selon le président
de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, des
hôpitaux refusaient de donner des masques et du matériel à leur
personnel. Le lendemain de la parution de l’article faisant état de
cette situation, sous la pression des urgentologues, le gouvernement
acceptait de changer le protocole. Désormais, tous les patients
présentant des « symptômes infectieux » allaient être isolés et traités
par du personnel équipé de protection « gouttelettes ». Néanmoins, le
problème du manque de matériel était loin d’être réglé.
De plus en plus, les
infirmières ont aussi commencé à se plaindre du fait qu’elles devaient
gérer elles-mêmes le nettoyage et la désinfection de leur uniforme. En
effet, les hôpitaux n’offrant pas un tel service à leurs employées,
elles étaient obligées de ramener leur uniforme potentiellement
contaminé à la maison, faisant courir le risque à leur famille d’être
infectée par le virus. Le 20 mars, un journal bourgeois rapportait ces
propos du président de la section Chaudière-Appalaches de la FIQ,
Laurier Ouellet : « On n’a pas de réponse et ça fait une semaine qu’on
les talonne avec ça. ». Finalement, ce n’est que 10 jours plus tard,
dans le cadre d’une entente de six mois entre la FIQ et le gouvernement
du Québec, que ce dernier a accepté d’obliger les employeurs à fournir
et à entretenir les uniformes dans les « secteurs priorisés », dont ceux
de l’urgence, de la médecine-chirurgie, des soins intensifs, de
l’inhalothérapie, de l’imagerie, de la pneumologie, des cliniques et des
unités dédiées à la COVID-19 ainsi que des CHSLD où il y a un foyer
d’infection.
Pendant ce temps, la
manque d’équipement de protection dans les hôpitaux, dans les CLSC et
dans les CHSLD de la province conduisait à des situations de plus en
plus absurdes et dangereuses pour les travailleuses. Certains
infirmières de CLSC qui font des visites à domicile ont même dû se
fabriquer des masques de fortune à partir de tissus et de filtres
récupérés sur des aspirateurs. L’une d’entre elles, une infirmière d’un
CLSC de la région des Laurentides a affirmé : « Nous sommes désespérées
des mesures de protection quasi-inexistantes dans notre milieu. Le
matériel est donné au compte-gouttes. ». Des infirmières d’un CLSC de
Montréal ont également déploré n’avoir accès ni à des gants, ni à du
désinfectant pour leurs rencontres à domicile. De plus en plus de
syndicats ont commencé à dénoncer le manque flagrant de masques N95, de
combinaisons imperméables et d’autres équipements de protection pour de
nombreux employés à risque de contracter la COVID-19. On a également
commencé à s’inquiéter du fait que les directives n’étaient pas les
mêmes dans tous les établissements. Selon la présidente de la FIQ, Nancy
Bédard, les directives changent constamment et contredisent les
consignes sanitaires de base apprises par les infirmières. Le 26 mars,
la FIQ dénonçait le manque d’équipement de protection dans les CHSLD, où
il n’y avait pas assez de masques et de blouses. Commentant le fait que
des infirmières en soient réduites à fabriquer leur propre matériel, la
vice-présidente du syndicat a affirmé « qu’on se croirait dans un pays
sous-développé ». Elle a également déclaré : « D’un côté, on nous dit
qu’il y a de l’équipement, mais qu’on le garde sous clef, car il y a eu
des vols, mais les trois ou quatre derniers jours nous font penser qu’il
n’y en a pas tant que ça. » Le fait que le manque de matériel soit
aussi criant dans les CHSLD n’est certainement pas étranger au fait
qu’un grand nombre de ces établissements ont été contaminés par le
virus. En effet, le 31 mars, le gouvernement révélait que 184 d’entre
eux étaient atteints.
À ce jour, la
négligence criminelle du gouvernement a déjà conduit à l’infection de
plusieurs travailleuses de la santé. Le 29 mars, on apprenait qu’un
vingtaine d’employées de l’Hôtel-Dieu de Lévis, dont une femme enceinte,
avaient été retirées de leur milieu de travail après avoir été en
contact avec une patiente infectée à la COVID-19 alors qu’elles ne portaient pas d’équipement de protection.
Lorsqu’elle a été admise à l’hôpital, la patiente en question ne
présentait pas de symptômes de la maladie, ce qui montre que les
critères pour avoir droit au matériel de protection sont ridicules. Le
30 mars, un cas similaire survenu au CHSLD de Lasalle était rapporté
dans les médias. Le 2 avril, l’Association médicale canadienne (AMC)
affirmait que la pénurie de masques et de fournitures de protection
était beaucoup plus importante que ce qu’affirmaient les gouvernements
et qu’elle mettait la vie des fournisseurs de soins en péril. Le
lendemain, le 3 avril, le ministère de la Santé et des Services sociaux
du Québec annonçait qu’un total de 204 personnes parmi le personnel
soignant, dont 148 à Montréal, étaient atteintes de la COVID-19 dans la
province. Et ce n’est qu’un début : la vague de malades attendue dans la
semaine du 13 avril et qui pourrait submerger les hôpitaux n’est même
pas encore arrivée!
Pendant tout ce
temps, la FIQ tentait de négocier avec l’État bourgeois pour obtenir des
mesures de protection minimales pour les infirmières. Durant plusieurs
jours, le gouvernement s’entêtait et ne voulait rien entendre. Le 28
mars, la FIQ dénonçait « le refus aujourd’hui de négocier des mesures
exceptionnelles pour une situation exceptionnelle », refus qu’elle
qualifiait de « coup bas, qui menace tout le réseau de la santé et des
services sociaux, déjà affaibli par des années de réformes
catastrophiques et de compressions. ». Nancy Bédard, la présidente de la
FIQ disait : « Le premier ministre les appelle ses anges gardiens. Et
pourtant, encore ce matin, il est incapable d’assurer leur sécurité ».
Il aura fallu attendre au 30 mars, soit 16 jours après la déclaration de
l’urgence sanitaire, pour que la FIQ parvienne à arracher au
gouvernement des mesures de protection élémentaires, comme la prise en
charge du nettoyage des uniformes par les employeurs ou encore le
retrait des femmes enceintes des milieux de soins. Le fait que les
travailleuses de la santé doivent faire pression et négocier avec l’État québécois pour obtenir des mesures minimales de protection
montre bien à quel point le discours médiatique dominant sur François
Legault et son rôle de « bon père de famille » est ridicule: au sein
d’une famille, les enfants ne doivent généralement pas lutter
contre leurs parents pour obtenir ce qui est essentiel à leur survie! En
vérité, même en cette période de crise sanitaire, l’État québécois
continue d’être ce qu’il est, à savoir un État capitaliste, un « État-patron », un État-exploiteur.
Et malgré que le premier ministre ne cesse d’appeler les travailleuses
de la santé ses « anges gardiens », l’État québécois continue de les
exploiter sans scrupules.
Avec la complicité des médias, le gouvernement Legault ment à la population à propos des stocks de masques disponibles
Le manque de
matériel de protection et notamment le manque de masques dans le réseau
de la santé s’est imposé comme l’enjeu central et comme le principal
problème affligeant les travailleuses. Or, jusqu’à tout récemment, le
premier ministre ne cessait de répéter devant les médias que la
situation était sous contrôle, que les stocks étaient bien garnis et
qu’il n’y aurait pas de pénurie de matériel. C’était une fausseté
évidente, en complète contradiction avec les témoignages des
travailleuses dans les hôpitaux, les CLSC et les CHSLD. Mais le message
du gouvernement était néanmoins diffusé massivement par les grands
médias auprès de la population. Selon les journalistes et les
commentateurs politiques, impossible que le gouvernement ait tort,
puisqu’il était en train de sauver le Québec du désastre… La vérité,
c’est que le gouvernement ne pouvait pas admettre publiquement à cette
étape-là qu’il y avait un manque de matériel, puisque cela aurait mis en
lumière le fait qu’il ne s’était aucunement préparé à l’arrivée du coronavirus dans la province, et ce, malgré que tout le monde avait été témoin de ce qui s’était produit en Chine et qu’il était évident depuis le mois de janvier
que la menace d’une pandémie dévastatrice était imminente. Il devait à
tout prix dissimuler le fait que sa gestion de la crise sanitaire était
un échec lamentable afin d’éviter l’émergence d’un mouvement de
contestation dans les masses. Le gouvernement a donc menti ouvertement à
la population et les médias ont suivi. D’ailleurs, depuis le début de
la crise, ceux-ci ont parfaitement joué leur rôle d’appareil de
propagande et de courroie de transmission du discours officiel de l’État bourgeois, permettant à la classe dominante, avec une efficacité remarquable, de transformer dans la perception petite-bourgeoise la faillite complète en gestion exemplaire et héroïque!
Mais le gouvernement
savait qu’il ne pourrait pas étouffer éternellement la voix des
travailleuses de la santé, dont les témoignages contredisant sa version
des faits commençaient à s’accumuler. Le 25 mars, après plusieurs jours
de propagande gouvernementale et médiatique intensive pour faire avaler
l’idée que le gouvernement avait fait tout ce qu’il fallait faire,
le premier ministre a commencé à dire qu’il y avait eu des problèmes de
distribution de matériel dans certains établissements, bien qu’il ne
manquait pas d’équipement à l’échelle de la province. Par ailleurs, pour
justifier le fait que l’équipement de protection était sous clef et
pour détourner l’attention du fait que la matériel était rationné, la
ministre de la Santé et des services sociaux Danielle McCann a commencé à
utiliser le prétexte qu’il y avait eu des vols dans les hôpitaux. Les
journalistes ont alors repris largement cette version des faits. Par
exemple, à Radio-Canada, le présentateur vedette Patrice Roy s’est mis à
affirmer qu’il y avait une légère « distortion » entre les affirmations
de ceux « d’en haut » et la réalité vécue sur le terrain dans les
hôpitaux, tout en soulignant que le gouvernement était « plein de bonne
volonté » et en laissant entendre que le problème allait être réglé
rapidement…
Puis, le 31 mars, le
discours du premier ministre a complètement changé : tout à coup, les
stocks de masques allaient être épuisés d’ici trois à sept jours!
On apprenait également que l’État bourgeois québécois était engagé dans
une course effrénée avec d’autres États à travers le monde pour obtenir
des masques de protection. Il est donc devenu clair que le gouvernement
mentait depuis le début. Mais la pression était devenue trop grande et
le chat est sorti du sac. Depuis le début, les travailleuses de la santé
étaient forcées par l’État capitaliste de travailler dans des
conditions dangereuses et de mettre leur vie en danger. Suite au point
de presse du 31 mars, quelques commandes sont arrivées dans la province,
mais la marge dont dispose le réseau avant l’épuisement des stocks
demeure d’environ une semaine. La situation est extrêmement
inquiétante, non seulement pour les travailleuses de la santé dont la
vie est en péril, mais pour les masses populaires en général qui
pourraient être privées de soins advenant une situation où il n’y aurait
plus de masques et d’autres équipements de protection disponibles.
La pénurie de masques et l’anarchie capitaliste
Malgré les
tentatives du premier ministre de rassurer la population et les
travailleuses de la santé, la vérité est que l’approvisionnement de la
province en masques et en équipement de protection est désormais
complètement incertain. L’anarchie capitaliste et la concurrence
exacerbée à l’échelle internationale pourraient faire en sorte que le
pays n’arrive pas à sécuriser son approvisionnement d’équipement médical
à moyen terme. Le gouvernement dit faire tout ce qu’il peut pour éviter
la pénurie, allant jusqu’à payer en argent comptant (!) des cargaisons
de masques et à les faire escorter par la police. Mais c’est avant qu’il aurait fallu agir. Les
politiciens bourgeois (tant au niveau provincial qu’au niveau fédéral)
essaient de nous convaincre qu’ils ont été « pris de court » et qu’il
aurait été impossible pour eux de prévoir la situation actuelle.
Pourtant, ils disposaient d’une fenêtre d’au moins deux mois pour réagir
avant l’arrivée du virus au pays, sans parler du fait que le réseau de
la santé aurait dû être préparé depuis longtemps à l’éventualité d’une
pandémie comme celle que nous vivons présentement. D’ailleurs, à ce
propos, il faut savoir que le gouvernement du Québec ne disposait
d’aucune réserve nationale de matériel médical utile durant une épidémie
(masques chirurgicaux, masques N95, blouses, gants, etc.) avant le
début de la crise actuelle. Pour justifier ce choix fait par l’État
québécois, la porte-parole du ministère de la Sécurité publique, Louise
Quintin, a invoqué le fait que les équipements en question ont des dates
d’expiration! Il s’agit d’une explication complètement bidon : il
aurait suffit d’écouler périodiquement dans le réseau de la santé une
partie du stock entreposé et de le remplacer au fur et à mesure. Par
ailleurs, la ministre fédérale de la Santé, Patty Hadju, a admis en
conférence de presse le 1er avril que les réserves d’urgence
de l’État canadien n’étaient pas assez garnies pour faire face à une
situation comme la pandémie de COVID-19, et que les gouvernements
successifs à Ottawa n’avaient pas suffisamment investi pour préparer le
pays aux crises de santé publique à venir. En d’autres mots, pour éviter
d’avoir à trop dépenser, l’État bourgeois a compromis la sécurité de la
majorité de la population.
Malgré le fait que
les réserves n’étaient pas suffisamment remplies, les gouvernements
auraient pu investir massivement dès le début de l’année pour garnir les
stocks de matériel en prévision de l’épidémie qui approchait. Pourquoi
n’ont-ils pas passé de commandes importantes plus tôt? Par ailleurs,
nous savons que le Québec et le Canada ont la capacité industrielle
requise pour produire l’équipement médical nécessaire, puisque le
gouvernement provincial et le gouvernement fédéral viennent de
s’entendre avec des capitalistes québécois et canadiens pour qu’ils
transforment leurs usines afin de pouvoir fabriquer ce type de matériel.
Pourquoi une telle réorganisation de la production industrielle
nationale n’a pas été opérée dès le mois de janvier, alors qu’il était
déjà évident que le virus allait se propager au pays? La réponse est
claire : c’est parce que les décisions prises par les politiciens
bourgeois sont dominées par la loi du profit maximum et non par
la nécessité de répondre aux besoins des masses. Par ailleurs, il faut
rappeler que dans les conditions de la propriété privée bourgeoise, il
est impossible de mettre en place une véritable planification de la production à
l’échelle de toute la société. Cela veut dire que réorienter rapidement
la production d’un pays pour répondre à un besoin spécifique est
pratiquement irréalisable. Aujourd’hui, ce sont les travailleuses de la
santé ainsi que tous les prolétaires contaminés par le virus qui vont en
payer le prix. Dans une économie planifiée dirigée par le prolétariat,
il est clair qu’un grand nombre d’usines auraient été réaffectées à la
production de matériel médical, et ce, avant le début de l’épidémie.
Le système de santé dans la société bourgeoise
Comme l’a affirmé la
FIQ, le réseau de la santé québécois était « déjà affaibli par des
années de réformes catastrophiques et de compressions » avant le début
de la pandémie. Les travailleuses du réseau travaillaient en
sous-nombre, dans des équipes surchargées et avec des horaires
indécents. Les hôpitaux étaient engorgés et il manquait de ressources.
Notamment, le nombre de lits d’hospitalisation était insuffisant. Les
bâtiments étaient vétustes et se dégradaient. Ainsi, la situation dans
laquelle se trouvent actuellement les infirmières et les préposées aux
bénéficiaires qui ont été envoyées au front sans l’équipement de
protection nécessaire ne sort pas de nulle part : elle est en continuité avec ce qui se passe tout le temps. La pandémie a simplement aggravé le chaos et l’inefficacité habituels, faisant surgir de nouvelles difficultés et de nouveaux problèmes.
Pour comprendre les
raisons profondes derrière l’état du système de santé public au Québec,
il faut s’intéresser à la fonction réelle des services de santé fournis
par l’État bourgeois sous le capitalisme. En d’autres mots, au lieu de
s’arrêter aux décisions de tel ou tel politicien bourgeois (par exemple
la fameuse réforme Barrette), il faut chercher à comprendre le rôle
objectif joué par le système de santé dans une société où le moteur de
la production est la recherche du profit privé. En apparence, le système
sert à soigner la population et à la maintenir en bonne santé. Mais si les choses étaient aussi simples, il faudrait expliquer pourquoi la capacité du réseau est toujours en-deça
des besoins réels des masses alors que nous vivons pourtant dans une
société riche et prospère. En vérité, sous le capitalisme, le système de
santé public ne sert pas au bien-être des prolétaires, mais bien au
maintien de l’exploitation et de l’accumulation de profits. Les services
de santé fournis par l’État bourgeois servent, d’une part, à assurer
une hygiène publique minimale afin d’empêcher que le processus
d’accumulation de capital ne soit constamment menacé par des crises
sanitaires générales, et d’autre part, à faire en sorte que la santé des
prolétaires ne se dégrade pas au point où les capitalistes ne pourraient plus acheter leur force de travail pour faire du profit. L’État bourgeois ne vise donc pas à garder les prolétaires en bonne santé, mais
seulement à assurer les conditions pour que la classe prolétarienne
puisse continuer à travailler et à se reproduire. C’est pourquoi le
financement accordé par l’État bourgeois au système de santé est minimal et
c’est pourquoi les gouvernements n’hésitent pas à couper dans les
services lorsque les intérêts des grands capitalistes l’exigent.
Évidemment, les
travailleuses et les travailleurs employés par la bourgeoisie pour
fournir les soins n’y sont pour rien et font de leur mieux pour assurer
le bien-être des patients. Mais ces travailleuses et ces travailleurs se
heurtent constamment aux limites d’un système qui n’est pas organisé
pour répondre aux besoins réels des masses. Ainsi, les infirmières et
les préposées aux bénéficiaires sont obligées de travailler dans des
conditions difficiles et exténuantes; elles ne sont pas assez nombreuses
et manquent de ressources, ce qui les empêche de fournir les soins
comme elles le voudraient et comme l’état de santé réel du prolétariat
l’exigerait. La bourgeoisie les place dans une situation insupportable
qui ne peut que leur apparaître complètement absurde : on leur demande
de soigner les gens, mais on ne leur donne pas les moyens pour le faire
correctement, et ce, même si l’argent coule à flots au sommet de la
société, si les problèmes sont parfaitement connus et si les solutions
seraient faciles à mettre en place!
Puisque le système
de santé mis en place par la bourgeoisie n’est pas organisé en fonction
des besoins des masses, il peut difficilement faire face correctement
(du point de vue du prolétariat) à une situation extrême comme celle que
nous vivons présentement avec la pandémie de COVID-19. La bourgeoisie, à
travers son exécutif politique, va déployer toute l’énergie qu’elle
peut pour se protéger elle-même du virus et pour maintenir la société
bourgeoise en place. Mais elle le fera au prix de grandes souffrances au
sein du prolétariat et des masses populaires. Elle le fera en sacrifiant
un grand nombre de travailleuses et de travailleurs – notamment celles
et ceux du réseau de la santé qu’elle a envoyés au front comme de la
chair à canon. En 1918, lors de la fameuse « grippe espagnole », une
infirmière sur quatre a été emportée par la maladie aux États-Unis. Les
efforts déployés par la bourgeoisie étaient alors complètement
déficients. Il manquait de lits, de médicaments et, surtout, de
personnel : la guerre impérialiste était encore en cours et les
infirmières avaient été envoyées massivement au front. Évidemment, les
conditions ne sont pas les mêmes aujourd’hui. La médecine est plus
avancée et les pratiques hygiéniques ont évolué. Au Québec, nous ne
sommes pas dans une situation où la population est affaiblie par des
années de guerre, comme c’était le cas dans de nombreux pays en 1918.
Aussi, le virus auquel nous faisons face est différent. Mais n’oublions
pas que le système capitaliste dans lequel nous vivons est encore le
même qu’il y a 100 ans : un système incapable d’organiser le travail
rationnellement et de répondre aux besoins des masses.
Appuyons les revendications immédiates des infirmières et des préposées aux bénéficiaires!Dénonçons les criminels au pouvoir dont la négligence a mis la vie des travailleuses de la santé en danger!
Préparons-nous à lutter pour une société organisée en fonction des besoins des masses, pour le socialisme!
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